aurier (serge) (E. Picq/L'Equipe)

Serge Aurier : «Avant, j'avais cette haine»

Son entretien fleuve est à retrouver dans le numéro de France Football actuellement disponible. En bonus, jusqu'à la fin de la semaine, FF.fr vous propose des extraits exclusifs de notre interview avec Serge Aurier. Deuxième épisode avec notamment ses vérités sur son arrestation en sortie d'une boîte de nuit.

Sa vérité sur son arrestation puis sa garde à vue à la sortie d’une boîte de nuit en mai 2016
«Si je t'explique l'histoire, tu rigoles. C'est pareil que Périscope. J'étais en vacances. On était en boîte avec mes potes. J'ai bu zéro goutte d'alcool, même chose pour mes potes, il y en a un qui conduisait. On était juste venu comme ça pour s'amuser. On est sorti. C'était pendant la période des attentats, c'était un peu tendu. J'attends la voiture. La police prend un sens interdit et nous demande de circuler et de faire vite. Il était 5 heures du matin. Je dis que j'attends la voiture. Ils sont partis. Ils sont revenus. J'ai de nouveau expliqué. Dès que la voiture arrive, je monte dedans, mon frère conduit. On repart. Et là, les policiers font marche arrière, directement avec les giros : "Mettez-vous sur le côté !" On est en règle donc il n'y a pas de problème. La dame de la police me met la torche dans les yeux, je baisse la vitre et je lui dis : "Madame, si vous voulez, contrôlez, mais là j'ai mal aux yeux." Direct : "Tu fermes ta gueule, c'est un contrôle." Trois fois. Je suis côté passager. Le policier me demande mon permis. Je lui dis : "Mais je ne suis pas le conducteur. Si vous voulez ma pièce d'identité, je peux vous la donner." "Non, non, le permis, et de toute façon descendez du véhicule."

«On m'a fait comprendre que je ne gagnerai jamais face à la police»

Il commence à me palper. Et d'un coup, boum, il me donne un coup à la lèvre. Mais direct, sans discuter, rien. Ensuite, il nous dit de partir. J'aurais pu rentrer chez moi, et il n'y aurait jamais eu d'histoire. J'ai dit : "C'est impossible, vous allez me mettre les menottes, je vais venir avec vous et je vais porter plainte." C'est comme ça que je me suis retrouvé au poste. Les gens pensent que c'est une embrouille avec les policiers qui fait qu'ils m'ont embarqué. Dix personnes sont allés témoigner, en apportant des preuves, des vidéos. Tout ça n'est pas sorti. Pourquoi ? Parce que c'est moi. Quand je suis sorti de cellule, mon avocat m'a dit qu'il y avait dix témoins anonymes qui sont venus avec des vidéos à l'appui où on voit que je ne fais rien. Alors que le policier a dit que je lui avais mis un coup. Il a eu deux jours d'ITT alors qu'il avait son gilet par balle. Tu t'imagines ? On m'a fait comprendre que je ne gagnerai jamais face à la police. Même avant le procès, un avocat vient voir le mien et lui dit clairement "c'est mort". Quand on rentre dans la salle, l'avocat se sert de Périscope pour me taper dessus et dire que je ne suis pas net. Je me suis tourné vers mon avocat en lui disant : "Ça ne sert à rien qu'on soit là.

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«En France, on a une facilité de critiquer facilement»

Son envie de ne plus parler à la presse
«Pourquoi je ne veux plus parler à la presse ? Parce qu'ils ont vendu des choses aux gens qui ne sont pas vraies. (On le relance pour savoir pourquoi il nous a accordé cette interview) Depuis ce temps, j'ai eu une fille, qui va bientôt avoir deux ans. Avant, j'avais cette haine car si vous dites des choses vraies sur moi, pas de problème, j'assume. Mais j'ai vu des trucs de fous, complètement à côté de la plaque. C'est ça qui me mettait dans des états pas possibles. Mais je n'ai jamais craqué. C'est facile de dire, au sujet d'un joueur au PSG : "Ah, il n'a pas respecté l'institution, il faut que le PSG prenne des sanctions." Mais, ça, ce n'est pas à vous de le dire ! Vous remettez en cause tout ça. C'est en ça que je dis qu'en France, on a une facilité de critiquer facilement. Ici, ils savent qu'il y a un problème avec un joueur et ils disent : "On va voir ce que le club va faire." C'est différent du : "Il faut qu'il sanctionne." Vous êtes des journalistes. (Les journalistes sont censés faire quoi, lui demande-t-on) Ils peuvent écrire ce qu'ils veulent, mais il faut qu'ils se mettent en tête que la personne sur laquelle ils écrivent est un être humain. Il a une famille. (On lui rappelle que le journaliste n'est pas censé être gentil, mais objectif). Quand tu parles mal d'une personne, tu es objectif ? Je ne regarde pas ce que les journalistes disent de bien ou pas sur moi. Certaines personnes me rapportent. Moi, ma force, c'est, je rentre chez moi, je mets mon match et je me dis "Là, tu as mal fait", "Là, tu aurais pu faire mieux". Je me corrige après chaque match. Je n'ai pas besoin d'attendre la note d'un journal pour savoir si je joue bien ou pas. Même si j'ai été catastrophique, je regarde le match. Et ça me fait mal ! Mais ça me permet de progresser.»

«J'ai vécu à Sevran, dans la misère...»

Plus jeune, il était qualifié d’"écorché vif" et de "difficile à canaliser"
«Ecorché vif pourquoi ? Parce que je déteste perdre. Et ça, quand j'étais jeune, on ne pouvait pas me parler. J'étais trop nerveux. C'est en ça qu'on ne me comprenait pas. On me disait : "Sur le terrain, tu es incontrôlable, en dehors, tu es différent." (On lui demande s’il a été difficile de trouver le juste milieu) Oui. Même aujourd'hui, dans le vestiaire, quand on n'est pas bons, je suis obligé de le faire comprendre. Et c'est ce qui fait le joueur que je suis. Ça fait partie de mon caractère. Si les gens se servent de ça pour expliquer les histoires... Non. Les histoires, ce sont des erreurs. Écorché vif… J'ai vécu à Sevran, dans la misère, tu es en mode revanchard, il y a des choses que tu veux que tu n'as pas. Il y a plein de trucs dans ta vie qui se sont passés. Ce sont des émotions. Mais, sincèrement, ça n'a pas agi sur ma vie professionnelle. Écorché vif, c'est quand j'avais 14-15 ans. Et moi-même je le dis, j'étais insupportable.»
 
L'intégralité des huit pages d'entretien avec Serge Aurier est à retrouver dans le nouveau numéro de France Football disponible en kiosque ou maintenant en cliquant ici.

Timothé Crépin