sallem (ryadh) hollande (francois) carlotti (marie arlette) (MOUNIC/L'Equipe)

Ryadh Sallem, président de la commission sport de la LICRA : «On a des adversaires, pas des ennemis»

Ce mercredi 21 mars est la journée mondiale pour l'élimination de la discrimination raciale. Pour l'occasion, Ryadh Sallem, président de la commission sport de la LICRA (Ligue Internationale Contre le Racisme et l'Antisémitisme) a accordé quelques minutes à FF.fr pour discuter de la problématique du racisme dans le football.

« Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est la LICRA, et quel est son but ?
C’est une association, une ONG internationale qui lutte contre le racisme et l’antisémitisme et qui sensibilise dans la culture, le travail et le sport. Pour moi, dès qu’on rejette l’autre pour ce qu’il est, c’est un problème. On essaye de créer une hiérarchie en se sentant supérieur à l’autre. Et ça c’est dramatique. J’essaye de transmettre les valeurs de respect de la différence de l’autre, et ce n’est pas facile car on a des comportements de territoire et de conquête.
 
Comment cette ONG s’organise-t-elle au quotidien ?
On est très lié au football, car c’est un sport phare sur notre planète. C’est ce qui permet de créer l’affrontement entre les nations. Le foot est un des rares sports où vous pouvez porter le même maillot, que vous veniez de la rue ou des beaux quartiers. Les sportifs arrivent à dépasser globalement cette notion de différence, mais on a encore un peu de mal avec les supporters. C’est un affrontement qui doit rester pacifique, on a des adversaires mais pas des ennemis.
 
Le football est-il le sport le plus touché par le racisme ?
Je ne sais pas, mais c’est le sport le plus médiatisé. Je pense même que, proportionnellement parlant, ce n’est pas forcément là où il y a le plus de racisme. Ça rassemble tout de même des millions de gens. Une centaine de personnes qui foutent le bordel dans un stade de 80 000 places, ça se voit tout de suite. Et malheureusement, ceux qui sont nuisibles rendent invisibles ceux qui sont respectueux.
 
Si on s’y intéresse de plus près, la France est-elle le pays où le racisme sévit le plus ?
C’est difficile à mesurer parce qu’on a un double racisme. On a déjà ce racisme culturel, dont on ne se rend pas compte, on va vanner et chambrer par rapports aux origines, etc. On ne se rend pas compte de ça, c’est à la bonne franquette. Mais on ne se rend pas compte qu’on est pollué par ça, qu’il faudrait éviter ce genre de choses. On est tous porteurs de ce gène, on peut sortir des grosses conneries racistes, alors qu’on ne l’est pas, au fond. Et après, il y a des vrais racistes, prêts à nuire à la personne.

Comment on s’occupe de ces «vrais» racistes ?
Ça passe par la loi, et par la mobilisation. Ce n’est pas quelque chose que l'on doit laisser comme tel. On doit avoir une exigence. Il y a des choses qu’on choisit, nos coiffures, nos habits, mais il y en a d’autres qu’on ne choisit pas, la couleur de peau par exemple. Ces choses qu’on ne choisit pas, on se doit de les respecter. Il ne faut pas oublier que le sport et le foot sont des défouloirs. Quand on est supporter, on a parfois cette dose d’adrénaline qui amène à des débordements. Il y a des comportements malheureux.
 
Voit-on des améliorations au fil des années dans les tribunes ?
Quand je vois le PSG, avant il y avait des morts. Ça se tapait à chaque match. Les présidents, les sportifs et les médias ont pris leur responsabilité, ce qui a permis de traiter le sujet. Aujourd’hui, je sais que je peux aller au stade avec mes enfants et ma famille. Il y a quelques années, j’aurais déconseillé de le faire. Il y aura toujours des gens qui ne comprennent pas le sens de ce sport, des irrécupérables qu’on doit combattre avec les lois et les réglementations. Pour répondre à la question, je trouve que le combat contre le racisme a bien progressé. On a juste tendance à mettre le projecteur sur ce qui ne va pas.
 
Les instances sont-elles assez répressives de nos jours ?
J’aimerais qu’elles le soient un peu plus. J’aimerais que la notion de "supporter" soit intégrée dans les réglementations internationales, car elle fait partie de ce sport. Quand on a un arbitre qui se fait insulter juste parce qu’il est arbitre, ou une femme se fait humilier car elle fait du foot, ce n’est pas normal. Le football est le reflet de la société, et un des premiers sports auxquels un gamin peut participer. C’est pour cela que c’est un sport important.
 
Etes-vous confiant pour l’avenir ?
Je crois à la victoire de ce combat, parce que les terrains que je fais me prouvent que ça existe. Je fais ma part, et si chacun fait sa part demain, ça peut changer les choses. La majorité des gens qui vont voir le foot ne sont pas racistes. Et j’y crois d’autant plus qu'on a des réseaux sociaux, et que les gens ne sont pas des abrutis. Si on mène le combat, on a une chance de le gagner. Je rêverais que tous les clubs français et européens se mettent aux couleurs de la LICRA pour la semaine contre le racisme et l’antisémitisme.»

«Je trouve que le combat contre le racisme a bien progressé. On a juste tendance à mettre le projecteur sur ce qui ne va pas.»

Hugo Girardot