15.11.2014, Ernst Happel Stadion, Wien, AUT, UEFA Euro 2016 Qualifikation, Oesterreich vs Russland, Gruppe G, im Bild Florian Klein (AUT) und Denis Cheryshev (Rus) // during the UEFA EURO 2016 qualifier group G match between Austria and Russia at the Ernst Happel Stadion, Vienna, Austria on 2014/11/15. EXPA Pictures © 2014, PhotoCredit: EXPA/ Alexander Forst *** Local Caption *** (L'Equipe)

Russie-France : Denis Cheryshev, le plus étranger des Russes

Rappelé en sélection par Stanislav Cherchesov deux ans après sa dernière apparition, le milieu de Villarreal devrait jouer face à l'équipe de France mardi. N'ayant jamais évolué en Russie, il espère surtout faire partie de la liste pour disputer le Mondial à domicile, malgré l'instauration par la Fédération d'une politique nationaliste.

17 novembre 2015, voilà la dernière apparition de Denis Cheryshev sous le maillot de la Sbornaïa. Un match amical insignifiant contre la Croatie à Rostov, où le milieu a joué soixante-dix minutes, soldé par une défaite russe (1-3). Des blessures et les choix des différents sélectionneurs ont ensuite expliqué l'absence du joueur de 27 ans dans les listes qui ont suivi. Mais ce constat ne doit pas seulement être justifié par ces deux seuls paramètres. Une autre indication vient tout mettre en lumière : Denis Cheryshev n'a jamais joué en Russie. Un élément important pour la Fédération russe de football qui essaie de privilégier des joueurs évoluant dans le championnat domestique, la Première ligue, depuis une dizaine d'années en équipe nationale

Carrière internationale tronquée

A l'aube de l'Euro 2012, la Fédération venait tout juste de mettre en place cette politique nationaliste, destinée à favoriser la formation interne des jeunes joueurs russes. Cette prérogative allait s'appliquer pour les années à venir : lors des trois dernières compétitions les plus importantes (Euro 2012, Coupe du monde 2014 et Euro 2016), où la Russie avait réussi à chaque fois à se qualifier, seulement trois joueurs n'évoluaient pas en Première ligue russe. La liste de Stanislav Cherchesov, le sélectionneur actuel, n'en comporte pas plus pour ce dernier rassemblement, avant l'annonce des joueurs officiellement présents pour l'échéance mondiale de juin prochain. Une position de la Fédération qui ne permet plus aux joueurs russes évoluant à l'étranger d'avoir un avenir certain avec la Sbornaïa. Denis Cheryshev s'avère être l'exception qui confirme la règle. Le milieu de 27 ans a toujours joué en Liga, et s'il a pu obtenir deux sélections fin 2012, la suite fut beaucoup plus compliquée pour lui. Entre des pépins physiques réguliers et ces nouveaux critères de sélection, la carrière internationale de Cheryshev n'a jamais pu vraiment décoller, lui qui totalise «seulement» neuf sélections (la première le 14 novembre 2012 face aux Etats-Unis). Stanislav Cherchesov, arrivé sur le banc de la sélection à la place de Leonid Sloutski suite à l'élimination précoce de la Russie à l'Euro 2016, semble suivre le chemin dicté par la Fédération, mais n'exclut pas de sélectionner des joueurs évoluant en dehors du territoire russe : «Ils n'ont pas à s'en faire. C'est moi qui fais les choix. Par rapport à ce que je vois, les performances, et les attitudes. Nous avons des consignes mais le plus important, c'est d'avoir les meilleurs avec nous en juin prochain. Denis est concerné par cette situation, mais il n'est pas le seul, Roman (Neüstadter) se trouve dans le même cas de figure par exemple» a-t-il confié le mois dernier à Ria Novosti, un quotidien russe.

Formé au Real Madrid

Bien que russe de naissance (il est né à Nijni Novgorod, à 400 kms à l'est de Moscou), Denis Cheryshev déménage à l'âge de six ans à Gijon, avec sa famille. La cause : son père Dmitri, également footballeur, atterrit au Sporting dans le cadre d'un transfert depuis le Dynamo Moscou. International russe à dix reprises entre 1994 et 1998, Dmitri incite son fils à marcher dans ses pas et l'intègre au centre de formation de Gijon, puis de Burgos à l'âge de neuf ans. Habile balle au pied, le jeune Denis a tapé dans l'œil du grand Real Madrid, où le jeune milieu y finit sa formation. Membre à part entière de la Castilla, il permet à son équipe de monter en D2 en 2012. José Mourinho, charmé par les progrès fulgurants du jeune russe, n'hésite pas à l'intégrer à l'équipe première. Mais le technicien portugais ne lui pas donne pas sa chance et l'intéressé se voit prêté une saison à Séville. Le Real décide de l'envoyer à nouveau en prêt lors de la saison 2014/2015 à Villareal, afin que le joueur acquiert l'expérience requise. Au sein du «sous-marin jaune», Cheryshev exploite enfin son potentiel : il joue quarante matches toute compétitions confondues et marque même sept buts, aidant son club à terminer parmi les places européennes.

Requinqué, il retourne au Real où il espère faire son trou au milieu d'une pléiade de stars. Mais cette nouvelle chance madrilène va tourner court : s'il a bien marqué son premier but sous le maillot Merengue contre Cadix en décembre 2015 lors du premier tour de la Coupe du Roi, il se retrouve au cœur d'une polémique. Rafael Benitez avait en effet décidé de l'aligner alors que le milieu était suspendu pour cette rencontre, la faute à trois cartons jaune reçus lors de l'édition précédente. Barré au Real Madrid, il part ensuite en prêt à Valence, puis est de retour à Villareal dans le cadre d'un transfert définitif. Dans un club qui lui fait confiance, le Russe semble à nouveau épanoui (25 matches disputés cette saison, 3 buts) à un poste d'ailier gauche, alors que son avenir se destinait plutôt au milieu. Mais son entraîneur, Javier Calleja, est conscient du fait que son joueur est affecté par ses pérégrinations : «C'est vrai qu'il a eu un début de carrière pas facile, admet-il dans des propos relayés par Marca. Il est arrivé jeune dans un grand club où il est difficile de faire sa place quand on sort du centre, et ses prêts ensuite n'ont pas aidé. J'ai vu son potentiel et je sais de quoi il est capable sur un terrain». Une confiance abîmée depuis en équipe nationale, notamment en raison du changement de route de la Fédération. Mais Cheryshev croit en ses capacités à se sublimer et connaît le chemin à suivre. «Si je joue bien dans mon club alors ça devrait le faire, je ne m'en fais pas. Je crois en ma bonne étoile» a-t-il indiqué à AS en janvier dernier.

Joffrey Pointlane