philippoteaux (romain) (A.Mounic/L'Equipe)

Romain Philippoteaux (Nîmes) : «Paga m'a dit, si tu mets la panenka, je te paye une glace...»

Très bon sous le maillot de Nîmes depuis le début de saison et désormais bien installé dans l'élite du football français, Romain Philippoteaux n'en demeure pas moins un exemple de parcours atypique. Bon enfant et jovial, le Sudiste - de sang et de coeur ! - s'est prêté au jeu, pour FF, de l'interview du jour où...

Le jour où… il a débuté le foot
«J'étais tout petit, avec les plateaux débutants et les tournois. Ce sont des choses qui marquent. C’était le foot entre copains. Tu y passes toute la journée, et tu joues autant hors des matches que pendant le tournoi ! Il y avait cet esprit convivial, et c’est quelque chose qui m’a marqué. Tu joues contre des équipes que tu n’as pas l’habitude de jouer, tu vivais des moments forts et c’était chouette. Ce n'est que du plaisir, et c’est important de ne pas tout mélanger. Il y a assez pour s’occuper du côté compétitif et, à cet âge-là, l’objectif est de prendre du plaisir, de créer des souvenirs, de profiter de la vie. Il y a le temps derrière d’être compétiteur et de se prendre la tête avec le résultat.»
 
Le jour où… il a Laurent Paganelli comme entraîneur
«Je l’ai eu une année. C’était un coach qui aimait le jeu, qui était à fond dans le plaisir de jouer sans jamais se mettre de pression. C’était agréable de l’avoir. Je me souviens d’un moment fort, un tournoi à Aurillac. On était plusieurs équipes du même club, et à un moment, on a une séance de tirs au but en demi-finale contre Toulouse. Il me dit avant le match : “Si tu mets une panenka, je t’attends à la buvette et je te paye une glace”. On a terminé aux penaltys, je n'ai pas mis la panenka mais il m’a quand même félicité pour le but et il m’a payé la glace. J’étais trop petit pour la tenter, on manquait d’assurance !»

« J'avais le cursus normal d'un citoyen normal. Et j'étais en pleine adéquation avec ça»

Le jour où… il se dit que le football professionnel, c’est impossible
«À 14-15 ans, je me dis que c’est fini. Tous mes collègues étaient partis dans des centres de formation… Je ne pensais pas y arriver. C’était fini. Ma chance était passée. À l’époque, il fallait vraiment être dans un centre pour avoir une opportunité de signer pro. Mon but était de continuer à jouer, de prendre du plaisir, de jouer en CFA, le meilleur niveau amateur, et de faire des beaux parcours en Coupe de France. Je me suis rabattu sur ces chemins-là, mais la passion m’a permis de garder le cap. Derrière, c’était simple : aller travailler parce que j’avais une famille à nourrir. Puis jouer au foot avec plaisir. J’ai continué à signer mes licences de foot au meilleur niveau régional et j’allais travailler comme tout le monde. Il n’y avait pas de prise de tête, on ne m’a jamais rien promis, on ne m’a jamais rien donné. J’avais le cursus normal d’un citoyen normal (il travaille alors comme magasinier, en supermarché puis chez un grossiste d’articles de fête, ndlr). Et j’étais en pleine adéquation avec ça, ce n’était pas un souci. Je n’avais pas de diplôme, donc qu’on me donne la chance de travailler et de gagner ma croûte, j’en étais reconnaissant. Après, c’était souvent des horaires et des boulots difficiles en tant qu’ouvrier à bas échelle. Mais même quand je me plaignais, je relativisais en me disant que j’étais sous emploi et que certains galèraient plus que moi. Ça me permettait de payer mon loyer, de nourrir ma famille, de partir un petit peu en vacances, même si ce n’était pas à l’étranger… C’était mon gagne-pain.»

Le jour où… il passe ses tests à Dijon
«Je m’en souviens très bien ! Je fais six mois au Pontet, où je mets huit buts et une dizaine de passes dé’ en quatre mois. Là, il y a beaucoup d’agents et de clubs qui m’appellent. Et le premier qui me téléphone, c’est Le Havre. Le club me cale trois jours d’essai, et derrière, deux jours après, c’est Dijon qui m’appelle. Dijon voulait que je vienne avant d’aller au Havre. Il n’y avait pas de souci pour ça, j’ai juste prévenu mon entraîneur, mais je ne voulais pas trop le dire… Mon meilleur ami lui raconte, lui dit qu’il ne faut pas l'ébruiter, que je dois m’absenter… On avait un gros match de Coupe de France contre Toulon pour passer au septième tour. Ce n’était pas facile de se libérer. Mais j’y suis allé. Premier jour, on fait un exercice de conservation, ça s’est bien passé. Il y a toujours cette appréhension de savoir si on est au niveau, mais ça allait. Deuxième jour, grosse séance, avec des 1 vs. 1, des 2 vs. 2… Et là j’ai vraiment été très bon. Les mecs m’ont en plus bien accueilli. L’après-midi, travail devant le but, j’ai senti que c’était mon jour. Même quand je frappais pied gauche, ça rentrait poteau rentrant… L’essai était intéressant. Et troisième jour, je vais en réserve, parce qu’ils préparaient leur match. Je me dis “Ça sent pas bon”, surtout que j’ai du mal à mettre dans la séance. Je suis fatigué mentalement et physiquement. Mais j’ai bien fini avec une opposition.»

Romain Philippoteaux au duel avec Zlatan Ibrahimovic en février 2016. L'aboutissement d'un long chemin depuis le football amateur. (PORCU FRED/PRESSE SPORTS)

Le jour où… il passe officiellement professionnel à 25 ans
«Et puis là, Sébastien Perez (ex-directeur sportif du Dijon FCO, ndlr) me convoque dans son bureau. Je repartais en train le jour même. Je m’attendais à ce qu’il me dise qu’il allait continuer à me suivre. Et en fait, il me sort un contrat de deux ans et demi. C'était complètement fou ! J’ai mis deux mois avant de réaliser. Je ne cache pas que même mes parents ne me croyaient pas… Il a fallu que j’amène le papier pour qu’ils s’en rendent compte. C’est une belle histoire, surtout que Dijon, c’était le meilleur club pour commencer. C’était loin de mon contexte naturel, ça m’a permis de me concentrer sur le foot, la ville m’a plu, et le club faisait confiance à ce genre de joueurs, du monde amateur. Ils ne m’ont pas brûlé, ils m’ont accompagné et m'ont permis d’exploser.»

«Le ballon arrive sur un contre un peu de côté, à 20-25 mètres... Ouais non plutôt 20 mètres, je vais pas faire le Marseillais !»

Le jour où… il doit démissionner et attendre
«Ça, ce n’est pas le plus dur ! J’ai eu du mal à m’en remettre (de signer pro), et bien évidemment, je me suis arrêté de travailler. Ç’a été un petit chamboulement, il a fallu quitter mon Sud, c’était la première fois. Il fallait tout préparer. Mais ce n’était que pour du bon. Mes parents ont été exceptionnels, ils m’ont accompagnés dans ce projet-là. Et puis tout s’est bien accommodé et c’était génial ! Mais le plus dur, c’était d’attendre un mois et demi dans mon club en ayant peur de se blesser. Je devais passer la visite médicale en janvier même si j’avais signé, c’était le plus dur à gérer. Ça s’est bien passé, c’est top.»
Le jour où… il marque son premier but en pro
«C’est pour ma première convocation contre Le Mans. Je rentre, on mène 2-0 à la 88e. Il reste cinq ou six minutes… Et puis sur un de mes premiers ballons, il arrive sur un contre un peu de côté, à 20-25 mètres… (il coupe) Ouais non plutôt 20 mètres, je ne vais pas faire le Marseillais ! Je l’enroule, elle se loge en pleine lucarne. En plus, c’était face à Jérémie Janot, qui était un grand gardien. C’était complètement fou. Je ne pouvais pas rêver mieux, et ç’a permis que le club ait confiance en moi et ça m’a apporté un peu de crédit dès ce premier match.»

Ici face à Monaco, Romain Philippoteaux en est à deux buts et deux passes décisives cette saison en Ligue 1. (J.Prevost/L'Equipe)

Le jour où… il découvre la Ligue 1 avec Lorient
«C’était en février 2015. Tout se passe bien, je joue les six premiers mois, je marque mon premier but à Marseille au Vélodrome devant toute la famille. J’étais venu alors que Lorient n’était pas bien et on se sauve. Pour moi, c’était parfait. Franchement, que du bonheur encore une fois. Premier match en Ligue 1, on gagne à Reims… Vraiment, que du positif !»
 
Le jour où… il croise Javier Pastore
«Par le charisme et le niveau, celui qui m’a le plus marqué, c'est Zlatan. Après, sur le plan technique, j’avais beaucoup aimé Dimitri Payet à Marseille et puis surtout Javier Pastore. C’est l’année où il n’a pas trop de blessure, où il avait vraiment explosé. C’était vraiment ces trois joueurs-là qui m’ont marqué. Mais surtout Pastore. Ça ressemble plus à mon style de jeu que Zlatan !»
 
Les jours où… le Nîmes Olympique est en repos
«C’est un groupe qui vit super bien. Du coup, les jours off, il y a énormément d’activités. De la pêche, de la chasse, de la pétanque, des cartes, de la play… Ils font beaucoup de choses, ça soude un groupe. Et pour mon cas, un jour off, j'essaye aussi d'en profiter pour être avec ma famille, mes enfants. C’est plaisant. Nîmes est une ville sympatoche, et cela fait plaisir de revenir dans mon Sud, d’être proche de la famille et de découvrir ce public merveilleux à Nîmes. Ça se passe super bien, ce n’est que du bonheur. J’espère qu’on va assurer le plus rapidement le maintien maintenant.»

Antoine Bourlon