Romain Perraud ne jouera pas face à Strasbourg (V. Michel/L'Équipe)

Romain Perraud (Stade Brestois) : «Tu apprends moins dans une équipe où le coach te demande d'envoyer des pétards devant»

Étoile d'Or France Football du Championnat de Ligue 2 2018-2019, Romain Perraud découvrait cette saison l'élite avec le Stade Brestois. De l'ambiance du Francis-Le Blé à celle du Vélodrome, en passant par le projet de jeu d'Olivier Dall'Oglio et sa découverte du yoga, le latéral nous raconte.

«L'été dernier, vous expliquiez à FF votre choix de rejoindre Brest en indiquant que vous aviez senti que le club était sain et qu'il y régnait une bonne ambiance. Constat vérifié ?
Complètement ! Je cherchais un nouveau projet après la belle saison au Paris FC et le contact est très bien passé avec Grégory Lorenzi. J'ai senti qu'il avait confiance en moi et c'est quelque chose d'important. Mais en plus de ça, je savais que Brest était une équipe joueuse, qui suscitait de la ferveur et que le club était sain, oui. Je savais quel état d'esprit j'allais trouver ici donc le choix a été vite fait (NDLR : le joueur était également courtisé par le Celtic Glasgow et Dijon).

Tout ça a dû faciliter votre intégration...
Tout s'est fait naturellement, oui. Le fait de débuter en Ligue 1 dans une équipe qui monte peut aider, aussi. C'est sympa de découvrir quelque chose en même temps que tes coéquipiers. Tout le monde s'entraide et veut profiter des mêmes moments.

Vous nous aviez aussi parlé de l'ambiance qui régnait à Francis-Le Blé...
Je n'ai pas été déçu non plus de ce côté-là ! Le public brestois est extraordinaire et le stade est toujours plein. Cette ferveur est indescriptible, on se sent vraiment soutenus. Ce sont de vrais amoureux du ballon qui vivent pour le club. Et ça, ça fait la différence.

À quel point cela peut booster un joueur comme vous qui découvriez ce type d'ambiance ?
Je n'aime pas trop l'expression de "douzième homme" car ça fait un peu café du commerce mais c'est la vérité. Cela a contribué à notre bon parcours à domicile.

«Quand tu es au milieu du Vélodrome ou de Geoffroy-Guichard, tu sens que ça pousse quoi...»

Il y a un souvenir plus marquant qu'un autre à la maison ?
Je me souviens notamment d'un match contre Reims à domicile, oui. Charbo (Gaëtan Charbonnier) marque dans les dernières minutes et on l'emporte 1-0. Après le but j'ai le souvenir de m'être dit : “Ah ouais c'est quelque chose là quand même !” Il y aussi eu le match contre Saint-Etienne où on menait 3-0 à la pause. Ce sont de belles choses à vivre et je peux vous dire que ça manque.

C'est l'une des principales différences que vous avez remarquées par rapport à la Ligue 2 ?
En deuxième division, vous avez aussi des stades dans lesquels il y a de la ferveur mais c'est vrai que tout ça est décuplé en Ligue 1. Même si ça dépend des stades et des moments. Mais chez nous le stade est toujours plein, peu importe le match. Et ça, c'est impressionnant.

Il y a d'autres ambiances qui vous ont marqué au fil de la saison ?
Oui oui il y a eu quelques matches durant lesquels c'était chaud. Je me souviens notamment du match à Marseille. On n'était pas bien du tout et le stade était en feu. J'ai également un bon souvenir de Geoffroy-Guichard, alors que le stade était à huis clos partiel. Ce sont vraiment les deux enceintes qui m'ont marqué. Quand tu es au milieu tu sens que (il cherche ses mots)... ça pousse quoi !

Et quand on est au milieu d'une rencontre de Ligue 1, qu'est-ce qui change le plus par rapport à la Ligue 2 ?
Déjà je tiens à dire que je trouve que la deuxième division est un Championnat de très bon niveau. Il y a de très bons joueurs, c'est très physique, ça va vite... La principale différence je dirais qu'elle se situe au niveau intrinsèque des joueurs. En Ligue 1, vous avez des mecs encore plus talentueux, qui vont plus vite dans les zones de vérité. Et puis tactiquement les équipes sont tout de même mieux en place. Ce sont ces deux choses-là qui font la différence, je crois.

Romain Perraud, latéral offensif, à la lutte avec le Lyonnais Joachim Andersen. (V. Michel/L'Équipe)

Quelle est l'équipe qui vous a le plus impressionné ? Le Paris Saint-Germain, probablement ?
C'est vrai que Paris étouffe l'adversaire et vous donne une impression de facilité. Mais l'équipe qui m'a le plus impressionné, c'est l'OM. Je me souviens d'une équipe qui savait presser haut et fort, composée de joueurs qui savaient précisément ce qu'ils avaient à faire. Ce n'est pas pour rien que ce sont eux qui ont terminé deuxièmes. C'est l'équipe qui m'a le plus séduit dans le jeu.

Et individuellement ?
Je me souviens de Gelson Martins de Monaco. On avait perdu 4-0 et lui c'est une petite bombe. C'est un mec qui va super vite, qui dribble très bien, avec un centre de gravité très bas. C'était un duel... très compliqué. C'est l'un des joueurs qui m'a le plus impressionné.

Comment s'y prend-on pour se hisser au niveau de ce genre de joueur ? Dans quel domaine avez-vous eu le plus besoin de progresser ?
Dans la recherche de l'efficacité. En tant que défenseur, c'est là-dessus que vous devez pousser le curseur. Contre Saint-Etienne, lors de la troisième journée, j'ai loupé un contrôle dans notre surface et on a pris le but dans la foulée. Ça fait partie des prises de conscience. En Ligue 1, il faut être efficace. Vous avez moins le droit à l'erreur. Il vous faut aussi être plus concentré, tout le temps. Avec et sans le ballon.

«Quand vous passez de cinq à dix duels par match, votre jeu évolue forcément. Mais sinon je suis le même joueur !»

Le Romain Perraud Étoile d'Or FF et celui qui est actuellement au bout du fil sont donc deux joueurs assez différents ?
Je vois ce que vous voulez dire mais j'ai en tout cas essayé de garder une ligne directrice. En débarquant en Ligue 1, je ne me suis pas dit qu'il fallait que je change ci ou ça. Je me suis dit au contraire que je devais reproduire ce qui avait fait, que ça avait marché la saison dernière. Il fallait que je continue de percuter, de frapper, de monter... Je crois que c'est important de jouer sur ses points forts. Ce qui a changé, c'est que j'ai été un peu plus souvent en situation défensive cette saison qu'avec le Paris FC l'an dernier. Quand vous passez de cinq à dix duels par match, votre jeu évolue forcément un peu. Mais sinon je suis le même joueur !

Le fait de rester soi-même, c'est le conseil que vous donneriez à un jeune joueur qui s'apprête à effectuer ses débuts dans l'élite ?
Si une équipe vient te chercher, c'est parce qu'elle a décelé des qualités dans ton jeu. Ce serait donc dommage de ne pas tout faire pour continuer de performer dans ces domaines-là. Après, bien sûr, si tu peux t'améliorer dans d'autres domaines, c'est mieux. Mais je crois vraiment qu'il faut sans cesse travailler ses points forts.

Et en termes de préparation physique d'avant-saison, allez-vous faire évoluer certaines choses ?
Rien ne va changer. Là, quand j'ai un petit moment, je peux faire un petit foot avec mes copains, tranquillement. Et sinon depuis le début de la semaine, j'ai mon préparateur physique personnel qui est en train de me remettre dans les meilleures dispositions pour la reprise collective. Je vais être sérieux et garder ma ligne directrice, comme d'habitude.

Parlons un peu du coach. Diriez-vous qu'Olivier Dall'Oglio est l'entraîneur idéal pour débuter en Ligue 1 ?
C'est vrai que le coach m'a tout de suite tendu la main. Il m'a fait jouer d'entrée, n'a pas eu peur de me lancer. Il m'a mis à l'aise dans le groupe et tout s'est fait naturellement. Il y a aussi eu des moments où je suis allé sur le banc mais ça fait partie du jeu, c'est la concurrence. Ce que je retiens, c'est que j'ai joué et énormément appris.

Les deux petits passages sur le banc vous ont servi ?
Oui. Ça vous permet parfois de vous remettre un peu en question. Et peut-être de réfléchir un peu moins, aussi. Dans le sens où lorsque vous rejouez vous vous posez moins de questions. Vous vous dites qu'il faut y aller à fond. Aller sur le banc n'est pas quelque chose qui fait plaisir mais je ne suis pas du genre à m'affoler donc je l'ai plutôt bien géré.

Ce doit en tout cas être plus facile et agréable de débuter dans l'élite au sein d'une équipe joueuse...
Complètement ! Et ça aussi ça vous fait énormément progresser, notamment en termes de lecture du jeu. Ici, tu dois tout de suite te mettre en situation pour essayer de ressortir le ballon proprement. Démarrer dans une équipe comme ça t'oblige à progresser dans l'analyse du jeu et la maturité. Je pense que tu apprends moins dans une équipe où l'entraîneur te demande d'envoyer des pétards devant.,

Ça donne également une bonne base pour la suite d'une carrière...
Tu franchis en tout cas des petits caps sur le plan de la réflexion. En regardant les vidéos, par exemple. Tu te rends compte de plein de petites choses. Évoluer dans une équipe joueuse est quelque chose de bénéfique car si un jour tu as l'opportunité de jouer dans une équipe qui a l'habitude de dominer ses adversaires, tu ne seras pas déboussolé. Ce sont des petites choses mais tu sauras par exemple comment jouer des trois contre deux avec ton gardien et ton central face aux attaquants adverses.

«Ici, tu dois tout de suite te mettre en situation pour essayer de ressortir le ballon proprement»

Olivier Dall'Oglio en train de distribuer des consignes... probablement offensives (B.Le Bars/L'Equipe)

Et ce n'est pas trop dur de trouver l'équilibre entre jouer et envoyer des pétards, comme vous dites ?
Non, ça va. Parfois tu es obligé d'allonger sur ton numéro 9 ou le mec qui joue plus haut sur ton couloir. C'est comme ça. Il faut savoir interpréter les situations. S'il faut allonger pour faire reculer le bloc adverse, il faut le faire. Quand je parle d'envoyer des pétards, je suis conscient qu'il s'agit parfois de ce que le jeu commande.

Le jeu commande également de mieux orienter son corps, parfois. Parlez-nous du travail que vous avez dû effectuer à ce niveau-là...
C'est le coach qui m'a fait remarquer que je m'orientais parfois trop vers notre but. En tout cas pas assez vers celui de l'adversaire. Le staff a alors insisté pour que je me positionne de trois quarts, pour que je sois prêt à aller de l'avant. C'est quelque chose que j'ai beaucoup travaillé à l'entraînement, avec une planche à rebond. Et à force de le travailler, vous prenez des automatismes.

On sait aussi que le coach et le staff du SB29 aiment que les joueurs pensent à autre chose qu'au football, de temps en temps. Comment ça se traduit, en pratique ?
C'est au cas par cas donc je ne sais pas précisément ce qui a été recommandé à tel ou tel joueur. Me concernant, j'ai de toute façon toujours aimé m'aérer l'esprit. Je fais du yoga, par exemple.

«Le Yoga m'aide à relativiser, à retrouver le calme et à être un peu moins "foufou"» 

Christopher Julien, qui a eu Olivier Dall'Oglio à Dijon, nous a confié en début de saison que le coach lui avait recommandé d'en faire...
Je ne suis pas surpris. Mais me concernant c'était vraiment une démarche personnelle. J'avais vu passer un papier de votre magazine qui soulignait le fait que les plus grands joueurs s'y mettaient. Je me suis dit que si les meilleurs y trouvaient du positif, il fallait peut-être que j'essaye. C'est quelque chose qui fait vraiment du bien, qui vous permet de vous régénérer. Je suis par ailleurs quelqu'un d'un peu raide donc ça ne fait pas de mal au niveau de la souplesse.

Ça calme, aussi...
Tout à fait ! Dans la vie de tous les jours je suis quelqu'un d'un peu hyperactif donc ça permet de trouver un certain équilibre. Ça aide à relativiser, à retrouver le calme et à être un peu moins “foufou” (rires).

Par-delà le fait de devenir un jour un maître yogi, qu'est-ce que l'on peut vous souhaiter pour cette nouvelle saison qui approche ?
Après ce qui vient de se passer, je dirais retrouver le plaisir du football avec mon équipe, d'abord. L'idée ça va être de continuer de profiter de ce sport dont je suis amoureux. Je ne suis pas quelqu'un qui va vous parler de stats ou de ce genre de choses. Mais j'ai de l'ambition et j'ai hâte que ça reprenne et qu'on mette tout en oeuvre pour faire une belle saison.

Ambitions, années olympiques... Vous y pensez, aux Jeux ?
On y pense toujours à la sélection mais il ne faut pas non plus se raconter d'histoire. Ça va faire deux ans que je n'y suis pas allé. J'ai fait les sélections de U17 jusqu'à U20 et c'est vraiment quelque chose d'exceptionnel, une grande fierté mais je ne veux pas me prendre la tête avec ça. Si ça doit venir, ça viendra, et comme d'habitude je répondrai présent.»

Thymoté Pinon