Sep 10, 2019; San Antonio, TX, USA; Argentina midfielder Rodrigo De Paul (15) dribbles away from Mexico midfielder Edson Alvarez (4) at Alamadome. Mandatory Credit: Soobum Im-USA TODAY Sports (Soobum Im/USA TODAY SPORTS/PRE/PRESSE SPORTS)

Rodrigo De Paul : «Le maté, l'asado, ce sont des choses de nos vies»

L'international argentin, confiné à Udine, en Italie, a pris un moment pour répondre à FF. Le milieu de terrain replonge dans ses souvenirs, et raconte à sa façon la culture argentine et sa passion du jeu.

«Rodrigo, comment se passe la quarantaine en Italie ?
Bien ! On doit s'y faire... On a pour obligation d'être à la maison jusqu'au 23 mars minimum. Ensuite, on verra comment cela se passe. Pour passer le temps, on prend le maté, je joue avec ma fille. Il faut bien rester là, et on ne peut pas faire grand chose de plus...

On se replonge dans votre carrière. Tout a commencé au Racing, en Argentine, près de Buenos Aires.
Je suis arrivé au Racing dès mes 8 ans. C'est là que tout a commencé, jusqu'à débuter en équipe première. Mon parcours, par chance, a toujours été positif. Forcément, il y a aussi eu des moments plus compliqués. C'est la vie. Mais avec l'amour propre, un perpétuel travail, tu sors de cela la tête haute, tu avances. Mais dans la globalité, ç'a été incroyable, forcément. J'ai des souvenirs merveilleux. On a fêté il y a une semaine l'anniversaire de mon premier but avec le Racing. C'était il y a 7 ans. Au Racing, j'ai eu des sensations qui ne se vivent que très peu dans une vie, avec des papillons dans le ventre, le coeur qui s'accélère... Jamais je ne pourrais l'oublier. C'était la conséquence d'un travail silencieux de nombreuses années, et l'accomplissement du rêve de jouer en équipe première.

C'est un truc très argentin, cette passion. On le voit à Paris. Angel Di Maria est fou de Rosario Central, Leo Paredes de Boca Juniors... Comment l'expliquer ?
La vérité, c'est que les joueurs se sentent très proches de ce premier amour, de ce club où ils ont eu leur chance et leurs premières émotions. Et je crois qu'en Argentine, les joueurs veulent atteindre l'équipe première non seulement pour le rêve, mais aussi pour aider la famille. De nombreuses fois, il y a des problèmes à la maison, économiquement surtout. Et le football te rend tout cela joyeux. Et règle une montagne de choses. Je crois que c'est de là que se construit cet amour, impossible à renier ni oublier. Et quand les matches ne sont pas trop tard, on les regarde toujours depuis l'Europe. C'est la passion, on essaye de tout voir.

Tous, vous ramenez une part argentine en Europe.
Il y a des coutumes, des traditions, avec lesquelles on naît. Quand tu es enfant, toute ta famille se réunit pour prendre un maté, pour manger un asado (le barbecue traditionnel argentin, ndlr). Ce sont des choses de nos vies. Sans elles, ça serait vraiment triste (il rigole). Pour ça, dès que j'ai une opportunité de prendre un maté avec ma maman, un ami ou ma femme, je le fais. C'est un moment spécial, pareil pour l'asado, et l'occasion de ressasser des vieux souvenirs lointains. Ce sont des bons moments.

On vous voit régulièrement cuisiner sur Instagram. L'asado traditionnel, vous nous le racontez ?
Bien. Ça se fait avec le barbecue, la parilla (prononcée “paricha” avec l'accent argentin, ndlr), des braises lentes et de la viande argentine. Les morceaux traditionnels argentins sont très riches, excellents. Ici, en Italie, c'est un peu plus difficile à trouver, c'est vrai. Mais en tout cas, ce qui est important, c'est de savoir que c'est quelque chose qui se fait doucement, en prenant son temps et avec un feu doux. C'est un moment tranquille.

«En sélection, nous sommes un groupe qui a commencé à travailler sur les bases»

Avec la sélection argentine, vous êtes devenu titulaire, du moins important. Comment voyez-vous le futur ?
Je ne sais pas si je suis un titulaire, un remplaçant. Je crois surtout que nous sommes un groupe qui a commencé à travailler sur les bases. Il y a eu des moments de changement dans la sélection. Je pense que cela fait un an et demi que l'on travaille sur une base, un socle commun, et que petit à petit, les fondations se font. La Copa America a été positive (défaite face au Brésil en demi-finale, ndlr) et les six matches amicaux qui ont suivi également. On a joué le Mexique, l'Allemagne, l'Equateur, le Brésil, l'Uruguay, le Chili, et nous n'avons perdu aucun de ces matches. On s'est senti bien. On se prépare bien, on se développe. Malheureusement, les matches prévus en mars, éliminatoires pour la prochaine Coupe du monde, ont dû être annulé. Mais on va trouver une solution au problème.

Lionel Scaloni a changé beaucoup de choses, sur le jeu mais aussi l'ambiance ?
L'ambiance de la sélection, comme je dis toujours, c'est la plus belle de toutes. Je crois que cela est toujours simple par rapport à cela. Et cela a toujours été positif, c'est ce que je sens en tout cas. L'entraîneur, Leo Scaloni, a apporté son savoir de tant d'années dans le football. Il travaille beaucoup. Et je crois qu'au final, le plus important de tout, c'est ce groupe. Nous n'avons pas énormément de temps pour s'entraîner, surtout par rapport à certaines choses. C'est ça, la sélection. Donc il faut se construire, se renforcer au fil des matches. Et grâce à ce collectif, que ce soit sur et en dehors du terrain, cela sera positif.

Aux côtés de Leandro Paredes et Paulo Dybala, Rodrigo De Paul incarne une nouvelle génération pour l'Albiceleste. (Gustavo Ortiz/JAM MEDIA/PRESSE/PRESSE SPORTS)

Il y a aussi une belle génération qui émerge : Paulo Dybala, Lautaro Martinez, Leandro Paredes, Giovani Lo Celso, vous aussi... C'est quelque chose dont vous parlez beaucoup ?
Oui ! Et c'est toujours important que sortent des joueurs de cette qualité. Dans le cas de Paulo ou Leo (Paredes), ça fait déjà quelques années qu'ils sont là, et d'autres comme Lautaro qui arrivent et qui se trouvent bien dans l'équipe. Avec le maillot argentin, ce n'est jamais facile non plus, mais nous sommes jeunes encore. À la fois le moment arrive, à la fois nous continuons d'apprendre. Auprès de Kun Agüero, de Leo Messi, d'Angel Di Maria, de Nicolas Otamendi... J'espère qu'on pourra faire tout ce qu'ils ont fait avec le maillot du pays.

En Italie, la saison se passe bien avec l'Udinese, et on parle beaucoup de vous là-bas. Quel est votre sentiment là-dessus ?
Je crois que c'est positif, je continue à grandir et le travail porte ses fruits. C'est vraiment bien. Le futur, on verra. Il y a des choses importantes qui arrivent aussi, comme la Copa America. Je veux toujours grandir, et pour cela, il n'y a rien d'autre à faire que faire les choses bien sur le terrain. Ensuite, tout vient naturellement.

«Tu ne peux pas passer ta vie à être vertical»

Comment vous définiriez-vous ? Vous n'avez pas vraiment le profil du traditionnel enganche (1).
Quand je jouais chez les jeunes, je jouais vraiment à ce poste d'enganche, avec cette position définie. Les choses ont changé. En première division, au Racing, je n'ai jamais joué à ce poste. J'ai commencé comme ailier gauche, extremo, et j'ai terminé à l'intérieur. On me considère comme un milieu, désormais, à deux ou trois, peu importe. C'est pareil. Je crois que là où je me sens le mieux, c'est là où je peux toucher le ballon, me sentir joueur. Au final, ces années comme enganche m'ont apporté une vision, que tu ne peux pas toujours avoir au milieu de la densité, qui me permet de prendre des décisions plus rapides.

Certains disent à propos de votre jeu : “Courir beaucoup et chercher la verticalité”. C'est un bon résumé ?
Oui, après j'essaye de choisir les bons moments. Tu ne peux pas passer ta vie à être vertical, toujours porter le ballon ou courir dans le vide. Et ça, pour prendre les bonnes décisions, c'est le temps, la pratique et l'expérience qui te l'apportent. Il y a des moments où tu dois te montrer vertical, d'autres où tu dois permettre à l'équipe de faire une pause. Au fil du temps, tu prends des décisions différentes. Donc pour faire la synthèse, j'essaye d'être vertical quand je dois l'être, calme quand il faut.

Que rêvez-vous par rapport à votre futur ?
Je veux gagner la Copa America, au moins me battre jusqu'à la finale et l'ultime rencontre de la compétition. C'est quelque chose que je n'oublierais jamais. Après, au niveau club, la vie et le contexte sont comme ils sont, je dirais. J'aimerais jouer à nouveau la Ligue des champions. Je l'ai joué une saison avec Valence, et j'aimerais retrouver cette compétition, me battre pour des tournois toujours plus importants. Cela fait maintenant quatre ans que je suis à l'Udinese, je suis très reconnaissant envers le club. Je crois que j'ai fait les choses plutôt bien. Donc cet été, il y aura, je pense, des choses importantes au niveau du club et de la sélection.»

Antoine Bourlon

(1) : Contrairement au regista, l'organisateur reculé, l'enganche signifie en Argentine le numéro 10, le meneur de jeu.

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