firmino (roberto) (CREMEL BENJAMIN/L'Equipe)

Roberto Firmino, le fuoriclasse qui ne réclamait rien

Adulé par ses pairs et passé d'un statut de sous-côté à celui de joueur clé, Roberto Firmino n'en garde pas moins un tempérament discret et timide. FF a tenté de comprendre.

«Si Señor... Give the ball to Bobby he will score...»* La chanson d’Anfield en l’honneur du 9 des Reds est paradoxale. À la fois glorifiante, méritée, mais aussi traîtresse d’une caractéristique pas si réelle. Roberto Firmino est celui qui marque le moins au sein du fastueux trio offensif de Liverpool. Pourtant, il en est certainement le membre le plus important. «Le meilleur joueur avec qui j’ai joué ? Roberto Firmino», expliquait même Virgil van Dijk, preuve de la dimension prise par le Brésilien. Caution tactique et technique, relais idoine pour les sorties de balle et les transitions voulues par Jurgen Klopp, Roberto Firmino s’est fait une réputation. Loin des débats et de l’exposition, encore plus de la course au Ballon d’Or, malgré une année 2019 exceptionnelle ; Ligue des champions, Copa America, départ canon en Premier League et deuxième place avec 97 points la saison passée. Le natif de Maceio, cité balnéaire mais pauvre au Nord du Brésil, ne revendique pourtant rien. Un trait de caractère renforcé par le témoignage de ses anciens proches. «Toujours timide, il ne parlait presque pas, mais il avait tout le temps le sourire» narrait ainsi à France Football Agnès, réceptionniste à Figueirense, son club de 17 à 19 ans.

Médiaphobe et tempérament discret

Grand joueur, Roberto Firmino reste surtout un garçon à part. Depuis son pied à terre du Nord de Liverpool, comme nombre de joueurs, le Brésilien ne fait pas de bruit. «Les gens qui le côtoient ont une très bonne opinion de lui, je pense juste qu’il est mal compris, explique un collaborateur des Reds. Il est timide et discret, bien que certains ne conçoivent pas qu’on puisse l’être avec un style vestimentaire extravagant, des publications sur les réseaux sociaux et des célébrations de buts originales. Mais il est comme ça.» Une parole rare, presque inexistante en dehors des interviews contractuelles avec l’UEFA ou la Premier League. «Il n’est pas fan des entretiens, il n’aime pas beaucoup ça, convient son entourage. Mais c’est un joueur génial et ça peut lui servir d’apparaître davantage !» Une personnalité qu’il tire surtout de son enfance et de son développement personnel. «Il est de Maceió, en province du Brésil, pas de Rio de Janeiro, c’est une culture différente, ce qui explique qu’il peut être méfiant avec les gens, poursuit l’un de nos interlocuteurs. Mais aussi avec les médias, il a une vraie aversion pour ça. Mais je pense que pour ceux qui le regardent ou surveillent ses coéquipiers, ils réalisent rapidement qu'il est l'un des meilleurs au monde.»

Personne ne dira le contraire. Surtout pas Anthony Modeste, ex-coéquipier à Hoffenheim, qui se livre à propos de «Bobby» dans le dernier numéro de FF. «Parfois, il m’arrivait de me mettre sur pause, de m’arrêter et d’admirer, illustre l’attaquant français. [...] Il a une telle faculté à s’adapter au jeu qu’il réussira partout.» L’Angleterre est aussi à ses pieds. Au rayon des louanges, Jurgen Klopp, évidemment, mais aussi entraîneurs, médias, coéquipiers. «Le joueur ultime», écrit The Times ; «Il donne l’équilibre parfait», lance Steve Bruce, coach de Newcastle, en conférence de presse ; «Il est irremplaçable», assure Trent Alexander-Arnold au matchday magazine des Reds.

«Le joueur ultime» (The Times)

Plus en détail, James Nalton offre son analyse. «De nombreuses équipes de Premier League abordent leurs matchs contre Liverpool avec une tactique très défensive. Ils s'assoient, mettent le bus et espèrent battre Liverpool lors de la contre-attaque, explique le journaliste, qui collabore au Guardian et This is Anfield. Lorsque cela se produit, Firmino doit s’immiscer dans le milieu de terrain pour tenter de “convaincre” la défense adverse de créer de l'espace pour Sadio Mané et Mohamed Salah, ainsi que pour les milieux de terrain et latéraux plus avancés. Cela signifie que, lorsque vous regardez sa position moyenne dans ces matches, il semble jouer le rôle d'un milieu de terrain offensif plutôt que d'un attaquant.» Un rôle qui se définit difficilement : neuf et demi, faux numéro 9, 10 par moments voire même relayeur quand il s’agit de venir toucher les ballons plus bas et offrir une supériorité numérique sur attaques placées.

Mo Salah, Sadio Mané, Roberto Firmino. Le trio infernal de Liverpool régale l'Angleterre et l'Europe, comme ici face à Leicester. (Simon Stacpoole/OFFSIDE/PRESSE/PRESSE SPORTS)

Contre-pressing do Brasil

Là où il excelle aussi par dessus tout, c’est dans le jeu sans ballon. Peut-être bien le meilleur du monde dans le don de soi et la lecture du jeu, encore mieux dans le contre-pressing. Ça tombe bien. Le concept, en partie théorisé par Jürgen Klopp à Dortmund avec son gegenpressing en version originale, consiste à amorcer la phrase de pression dès la perte du ballon. Les attaquants enclenchent… ou plutôt Firmino. «C’est lui qui donne le ton, poursuit Nalton. Grâce à sa rapidité d’esprit et son rythme, l’adversaire est acculé et perd du temps. Et une fois le ballon récupéré, il a les qualités et le QI pour prendre la bonne décision, créer une occasion ou marquer. Il est l’un des attaquants les plus astucieux sur le plan tactique, ce qui, combiné à son activité sur le terrain, en fait le meilleur attaquant central du monde, du moins pour Liverpool.»

«Si Liverpool avait le choix entre n'importe quel attaquant, il choisirait Firmino» (un collaborateur de Liverpool)

Capable également de jouer en pivot, dans un registre parfois sous-estimé dans son jeu, il peut tenir le ballon, et surtout orienter vers le duo Mohamed Salah-Sadio Mané. Les mécanismes sont parfois complexes, mais l’idée de base reste simple : Firmino, axial, qui décroche, le tandem d’ailiers qui fait des appels plus hauts, vers l’axe. Jürgen Klopp peut aussi expérimenter comme lorsque, face à Leicester le 5 octobre dernier, il aligne Firmino sur l’aile gauche, Salah dans l’axe et Mané couloir droit. «Si, aujourd’hui, Liverpool avait le choix entre n’importe quel attaquant dans le monde pour diriger sa ligne offensive, il choisirait Firmino», ironise pour résumer un collaborateur de Liverpool.

Docteur PL, Mister C1

Le Brésilien, titulaire indiscutable avec la Seleçao au point de reléguer Gabriel Jesus sur un côté - l’association se passe de mieux en mieux -, affiche pourtant un paradoxe. Alors qu’on pourrait penser l’inverse, il a fait de la Ligue des champions son terrain de chasse. 27 matches, 14 buts, 12 passes décisives. Un but tous les 1,92 matches, contre 2,84 en Premier League - 51 buts et 35 assists en 145 matches. «Le niveau d’opposition est souvent meilleur en C1, détaille Nalton. Les équipes auront donc leur propre idée de la manière d’attaquer Liverpool, plutôt que de simplement défendre pendant 90 minutes. Cela donne à Firmino plus de liberté dans le dernier tiers pour jouer la partie offensive de son rôle, rejoignant Mane et Salah à l'avant.» Firmino joue ainsi bien plus haut, de quoi étayer la formule utilisée par FF cette semaine en kiosques : footballeur total. Après un été glorieux, des vacances méritées sur les plages et autres churrasqueiras de Maceio, la machine est relancée. 3 buts et 3 passes dé’ en Premier League en huit matches, 3 assists en 2 matches de Ligue des Champions. À Anfield désormais de terminer son hymne à la joie. «There’s something that the Kop want you to know... The best in the world his name is Bobby Firmino… Our number nine… Give him the ball and he’ll score every time !»*

Antoine Bourlon 

* Les paroles en français : «Si Señor… Donnez le ballon à Bobby il marquera… [...] Il y a quelque chose que le KOP veut que vous sachiez… Le meilleur au monde s’appelle Bobby Firmino… Notre numéro neuf… Donnez-lui le ballon et il marquera à chaque fois...»