Trainer Josep "Pep" Guardiola (Manchester) Gelsenkirchen, 20.02.2019, Fussball, Champions League, Achtelfinale Hinspiel, FC Schalke 04 - Manchester City *** Local Caption *** (Thorsten Wagner/WITTERS/PRESSE/PRESSE SPORTS)

Que penser du travail de Pep Guardiola à Manchester City ?

Toujours en course pour glaner un deuxième titre de champion consécutif, Manchester City tentera ce mercredi soir face à United de reprendre le trône de leader à Liverpool. Souvent irrésistibles en Championnat, les Skyblues et leur coach, sortis en quarts de finale de Ligue des champions, ne peuvent pas en dire autant sur le plan européen.

Alors que Raheem Sterling pensait avoir inscrit le but de la délivrance pour le peuple cityzen dans les ultimes secondes de ce quart de finale, extraordinaire, de Ligue des champions face à Tottenham, l'arbitre de la soirée, Cüneyt Çak?r, après assistance vidéo, avait fini par le refuser pour une position de hors-jeu d'Agüero, et douchait les espoirs de tout un stade. En l'espace de quelques minutes, Pep Guardiola a vu le monde s'écrouler sur sa caboche. Après avoir laissé éclater sa joie sur ce qu'il pensait être le pion de la qualification, le Catalan, estomaqué, ne pouvait que s'agenouiller dans sa zone technique et se prendre la tête dans les mains. L'échec est cuisant, douloureux. Pourtant, après une première manche aller ratée dans les grandes largeurs, Guardiola avait donné à ses ouailles les moyens de leurs ambitions. Mais cela se sera révélé insuffisant pour atteindre le dernier carré de la plus importante des compétitions de clubs.

Une suprématie nationale à consolider

Après avoir remporté la League Cup et s'être qualifié en FA Cup, Manchester City caressait l'espoir de réaliser un quadruplé historique. Mais le rêve s'est effondré. Afin d'adoucir cette douleur, Pep Guardiola et ses hommes espèrent bien remporter le Championnat. Au coude-à-coude avec les Reds de Klopp, les Cityzens ont l'occasion de régner seuls en tête au pays de la Reine. Malgré quatre défaites cette saison, Manchester City déroule au niveau national. Avec une année 2019 pour l'instant exceptionnelle, avec treize victoires au compteur en Premier League, après avoir disposé notamment de Liverpool (2-1) ou giflé Chelsea (6-0). Les champions en titre imposent leur loi. Seule une défaite face à Newcastle (2-1) vient ternir un bilan quasi-parfait.

Après quelques balbutiements en début de saison, Guardiola avait rectifié le tir. Son équipe, au football si maîtrisé, retrouvait vite des allures de rouleau compresseur. Avec un pressing bien pensé, si efficace, opéré notamment par une première ligne de pression très travailleuse, Manchester City s'accorde une maîtrise de tous les instants et une domination territoriale étouffante. À force de fixations sur les ailes, de renversements, d'un jeu de position très efficace et de jeu en appui-remise, City s'offre du contrôle et fait tourner en bourriques ses adversaires. Un plan de jeu plein de panache, assurant une toute puissance aux Cityzens sur bon nombre de leurs matches. Avec 33 buts inscrits en quatorze matches et seulement 6 encaissés, Manchester City possède la meilleure défense du Royaume derrière Liverpool et a consolidé son statut de meilleur attaque. Et en substance, la patte Guardiola fait effet.

Un parcours et des statistiques qui font de City un ogre dévorant tout sur son passage. Hormis la première saison quelque peu difficile avec le Catalan sur le banc, mais qui aura servi à poser des bases solides, Manchester City a fait de la Premier League son terrain de prédilection. Preuve en est, après son élimination en quarts de finale de C1 mercredi dernier, le club retrouvait samedi Tottenham et prenait une nouvelle fois l'ascendant (1-0). Une manière de montrer que la blessure subie trois jours plus tôt était guérie. Mais en Europe, et ce depuis trois ans maintenant, la réalité est tout autre. Les blessures, elles, s'accumulent. Un peu trop. Et il faudra bien autre chose pour tutoyer les sommets continentaux.

Prudence, conservatisme et regrets

S'ils s'amusent allègrement à claquer leurs adversaires un à un en Angleterre, les Mancuniens éprouvent plus de difficultés en Ligue des champions. Résultat, Guardiola et ses joueurs jouent avec le frein à main. Depuis la prise de pouvoir de l'Espagnol à City, le club peine à s'affirmer sur la scène européenne, notamment à l'extérieur. À Lyon en phase de poule cette saison, mais aussi à Monaco en huitièmes de finale de C1 en 2017, à Liverpool la saison passée en quarts de finale et cette année, face à Tottenham, Manchester City a été incapable de l'emporter. En déplacement, l'ancien coach du Barca, connu pour ses plans de jeu préparés avec minutie, ne surprend plus. Et c'est bien problématique. Par excès de prudence, le Catalan en perd quelque peu son identité, si marquée, et en vient à ne plus prendre de risques. Presque à ne plus jouer pour gagner. Sans doute refroidi par ses échecs répétés à la tête du Bayern et de Manchester City en Ligue des champions, Guardiola se rend "coupable" d'un conservatisme qu'on ne lui connaissait pas. De fait, son équipe ronronne, et se rend fautive de nombreux errements, d'erreurs techniques inhabituelles. Si habitué à gagner, Guardiola est devenu, depuis quelques années, effrayé à l'idée de perdre.

Et bizarrement, c'est dans ces situations que Guardiola, pourtant obsédé par la chose, perd en équilibre. Les temps faibles deviennent plus nombreux et sont surtout moins bien gérés. «Nous n'avons pas joué de manière courageuse. J'ai l'impression qu'on est trop nerveux au moment d'aborder les matches les plus importants», assénait Ilkay Gündogan après la défaite en quart de finale aller contre Tottenham (1-0). Alors obligé de retourner la situation en sa faveur, Pep Guardiola se lançait, comme l'an dernier face aux Reds, dans un feu d'artifice offensif. Le problème, c'est qu'il n'est pas toujours aisé de maîtriser une rencontre se transformant en chaos permanent. En reniant son plan de jeu afin d'éviter la débandade au match aller, le Catalan se retrouvait par la suite dans l'obligation d'attaquer. À outrance. Et ce aux dépens de ses défenseurs centraux, souvent livrés à eux-mêmes. À trop vouloir marquer pour revenir au score, City était, trop souvent, en offrande derrière.

Face à Tottenham, l'animation défensive a manqué cruellement de sérieux et de calme, laissant des espaces entre les lignes indignes, par moment, à ce stade de la compétition. Les lacunes collectives deviennent alors trop nombreuses. Et face aux Londoniens, Laporte, en panique, sombrait et s'enlisait dans une spirale négative en enchaînant les bourdes, et se retrouvait impliqué sur les trois pions adverses. Ainsi, Guardiola par son approche, refusant de jouer la moitié de la double confrontation, donnait le bâton pour se faire battre, puisqu'en pilonnant son adversaire, il lui offrait, à la perte, aussi du champ pour contre-attaquer. Par conséquent, ses hommes étaient à la merci d'un but à l'extérieur. De quoi se compliquer la tâche, sachant que Tottenham, à l'instar de Monaco il y a deux ans, en plantait pas moins de trois. Les Cityzens, sans compacité, se retrouvaient bien trop souvent aux abois au moment de sécuriser leur profondeur mais aussi leur largeur, en laissant fréquemment leurs centraux en situation d'égalité numérique. Le risque d'erreur n'en est alors que décuplé.

Comme pour Stones lors du match aller face à la bande à Jardim, il était trop compliqué pour la paire Kompany-Laporte de défendre correctement leur zone, tout en gardant un œil sur les mouvement des adversaires. La Ligue des champions ne tolère aucun écart. City en a trop fait. «J'ai manqué deux finales de Ligue des champions à cause des tirs au but, je suis allé une fois en finale en cadrant un seul tir, et une autre fois, je n'y suis pas allé après 33 tirs cadrés. Dans ce jeu, c'est comme ça... Vous perdez plus que vous ne gagnez», se justifiait Guardiola après l'élimination des siens. Certes, il n'a pas totalement tort. Au Bayern, face à l'Atlético, l'élimination de ses hommes ne tenait à pas grand-chose (un penalty de Thomas Müller). Mais depuis son arrivée à City, le double champion d'Europe avec le Barça s'est souvent loupé dans son approche lors des matches à élimination directe. Et si sa dernière victoire finale remonte à huit ans. Des lustres, et ce n'est peut-être pas un hasard...

Mehdi Arhab