draxler (julian) (J.Prevost/L'Equipe)

PSG : Julian Draxler, rouge et blues

Avant qu'il se blesse à la voûte plantaire, le début de saison de Julian Draxler a fait se lever quelques sourcils. Depuis plusieurs mois, l'Allemand, baladé aux quatre coins du terrain à des postes parfois improbables, n'est plus que l'ombre de lui-même. Au point d'en être devenu, malgré son immense potentiel, un joueur de second rang au PSG ?

Contre Nîmes au Parc des Princes (3-0), puis contre Rennes au Roazhon Park (1-2), il a été le Parisien le moins en vue, le plus maladroit. Ses déplacements, ses passes, son air un peu perdu sur le terrain, que son équipe surnage ou qu'elle soit sous l'eau, rien n'allait vraiment dans le jeu de Julian Draxler. Et franchement, rares sont ceux qui ont été surpris. Depuis quelques mois, le champion du monde allemand semble balbutier son football. Et si l'avalanche de blessures et les justesses de l'effectif parisien, notamment au milieu de terrain, lui ont donné pléthore de temps de jeu, cela n'a pas semblé l'aider à redevenir la meilleure version de lui-même, qu'il avait laissé entrevoir à son arrivée au PSG.

Il faut dire que les choses ont bien changé pour Julian Draxler depuis l'hiver 2017. Arrivé pour répondre à un manque en attaque, il voit dès l'été suivant arriver Neymar et Kylian Mbappé. Ailier gauche à plein temps entre janvier et mai 2017, il est rapidement utilisé dans un autre registre par Unai Emery, qui profite de son profil de créateur pour l'installer dans un rôle plus axial. «La formule qu'avait trouvée Emery, avec cette espèce de milieu où chacun occupait tous les postes, ça n'allait pas, estime l'analyste tactique Simon Piotr. Tout le monde pensait que Draxler pouvait vraiment se réinventer en 8, mais j'avais des doutes. En termes de repères, d'intensité, de participation au jeu et d'abattage défensif, ça ne me plaisait pas beaucoup.» S'il tente de réinventer son jeu avec beaucoup de bonne volonté, Draxler est de plus en plus utilisé à un poste qui va à l'encontre de ses instincts, et ça se sent rapidement sur le terrain. Or, entre la concurrence sur les ailes de Neymar, Mbappé et Di Maria et le 4-3-3 parisien qui ne propose pas de véritable poste de numéro 10, Draxler est vite dans une impasse.

Six postes différents ces deux dernières saisons

«Le système du PSG ne semble pas correspondre au style de Julian, juge son ancien entraîneur Felix Magath, qui l'a lancé en pro à Schalke 04 lorsqu'il avait 17 ans. Pour moi, avec ses qualités de passe, de mouvement, de frappe, c'est un milieu offensif axial qui devrait être utilisé pour servir l'attaque.» D'autant que les péripéties constantes autour du vestiaire parisien ont poussé Unai Emery puis Thomas Tuchel à utiliser Draxler, ces deux dernières saisons, à une multitude de postes et une multitude de dispositifs. Ailier gauche, ailier droit, milieu relayeur, milieu offensif, voire même milieu défensif ou buteur, dans un milieu à trois, à quatre, à cinq, avec trois défenseurs : pas moins de six positions et une dizaine de mises en place tactiques différentes en deux saisons, avec un Draxler qui est souvent venu combler les trous.

Mais cette instabilité est-elle la seule raison de l'inconstance de Draxler ? «C'est vrai et pas vrai à la fois, pense Simon Piotr. Draxler au PSG, pour moi, il est perdu et ce n'est pas qu'une histoire de tactique. Il y a tout un tas de problèmes qui tiennent tant du fait qu'on se serve de lui pour boucher les trous que de sa personnalité, de son manque de compétitivité. On l'a utilisé dans beaucoup de rôles qui ne lui vont pas, mais ce n'est pas ça qui doit t'empêcher de faire des efforts, d'être sérieux, au moins de faire ce qu'il sait faire. Ce n'est pas un joueur qui se fait trop violence, il a du mal à sortir de son confort à un certain niveau. Et aujourd'hui, même des choses qu'il savait faire, il ne les tente plus.» Statistiquement, Draxler stagne (décisif toutes les 175 minutes sur les deux dernières saisons), et a du mal à se montrer dans les gros matches. Pour Patrick Guillou, ancien footballeur et consultant pour beIN Sports sur la Bundesliga, le constat est simple : «C'est un joueur qui a besoin d'être en confiance absolue pour jouer à son meilleur niveau. Aujourd'hui, cela ne semble pas être le cas.»

L'aspect tactique de la question Draxler est l'une des composantes d'un tout qui semble surtout se passer dans la tête du joueur. «En tant qu'entraîneur, j'ai toujours jugé et utilisé mes joueurs par rapport à leurs capacités et à leurs forces, narre Felix Magath. Pour moi, l'aspect tactique était toujours secondaire : le joueur d'abord, la tactique ensuite.» Julian Draxler n'est-il seulement pas dans de bonnes dispositions pour réussir au PSG ? N'a-t-on jamais vraiment réussi à en tirer le meilleur, au-delà de ses premières semaines réussies ? «Il n'a jamais réussi à s'affirmer comme un élément indispensable au PSG», analyse Patrick Guillou. Une idée que confirme la statistique : sur ses 120 matches avec Paris, il n'en a disputé que 34 en intégralité, et a été remplacé 46 fois lorsqu'il était titulaire. Des statistiques de second couteau. «Pour y arriver, il faut aussi savoir vaincre son caractère, aller au-delà de soi-même, poursuit Guillou. C'est un joueur qui est sensé faire la différence, tirer l'équipe vers le haut. Aujourd'hui, clairement, il y a une différence entre les performances qu'il propose et les attentes, et ça peut aussi être un frein pour lui.»

«Il n'a jamais réussi à s'affirmer comme un élément indispensable au PSG»

L'horloge tourne

Mais alors une question demeure : pourra-t-on revoir un Julian Draxler à son meilleur niveau sous le maillot du PSG ? L'arrivée de Thomas Tuchel sur le banc de Paris, en qualité de compatriote et connaisseur du football allemand, était pressentie comme une clé possible pour déchiffrer le mystère Draxler et l'aider à retrouver son meilleur rendement. Mais force est de constater que pour le moment, même l'ancien de Dortmund n'a pas réussi à ressusciter le Julian qui éblouissait la Bundesliga. «Entre les discussions qu'ils peuvent avoir en tête à tête et sa gestion personnelle... Il a un travail à faire sur lui-même, avec son entourage», estime Guillou. «Malheureusement, il y a de moins en moins d'entraîneurs qui ont un impact fort sur le développement d'un joueur», abonde Magath.

Alors qu'il aborde sa quatrième saison sous le maillot de Paris, le départ annoncé de Neymar et le renforcement du milieu parisien devraient lui permettre de retrouver son poste d'ailier gauche plus régulièrement, et peut-être quelques sensations. À bientôt 26 ans (il les fêtera le 20 septembre), une chose est sûre : Draxler ne peut plus se reposer sur un statut d'espoir. Il ne peut plus vivre sur ses performances en Bundesliga et sur son titre de champion du monde en 2014. Mais aujourd'hui, il n'est pas non plus un joueur majeur, ni au Paris Saint-Germain, ni dans la Nationalmannschaft, dont il ne fait pas partie de la dernière sélection. Et s'il reste un joueur avec de formidables qualités, l'horloge tourne pour qu'il les exprime à leur plein potentiel.

Alexandre Aflalo