sylvinho (ACERO/MIGUELEZ/CORDON/PRESSE S/PRESSE SPORTS)

Première partie de notre long format sur Sylvinho : le footballeur dévoué à la carrière nuancée

Sylvinho disputera son premier match comme entraîneur de l'OL face à Monaco vendredi. A l'occasion, France Football revient, en deux épisodes, sur sa carrière de joueur puis d'entraîneur. Première partie cette semaine avec Sylvinho, le joueur à la carrière modeste mais la personnalité adulée de tous.

Dans la légèreté de ce mois de mai 2009, c'est tout Stamford Bridge qui bouillonne. Une soirée européenne de légende où personne ne peut garder la tête froide. Ni Didier Drogba, pour qui le résultat final de ce Chelsea-Barça est une «fucking disgrace», ni pour Pep Guardiola, qui exulte le long de la touche après le but libérateur d'Andres Iniesta. Vraiment personne ? Pas si sûr... Dans les secondes qui suivent le moment fatidique, un Blaugrana prend Guardiola en course pour lui remettre les pieds sur terre. «Cambio (changement en français, NDLR)», hurle Sylvinho, son chasuble vert sur le dos, à son entraîneur pour faire tourner la montre. Si une scène devait résumer la carrière du Brésilien, nommé tout récemment entraîneur de l'OL, ça serait sûrement celle-ci. Elle traduit à la fois son calme et sa détermination, que son statut de remplaçant à Barcelone n'a jamais altéré. Bien au contraire. Pour Peter Luccin, qui l'a côtoyé plusieurs années au Celta Vigo, cela révèle aussi son côté observateur : «Il a eu ce moment de calme, de patience qui le caractérise. C'est une personne qui sait gérer les moments clés dans un match. Il a vu que c'était un instant émotionnel, et il était la personne adéquate pour remettre les choses en place. Il ne se laisse jamais envahir par ses émotions, c'est un gestionnaire. Il sait faire la part des choses.»

Ronaldinho, Bible et futsal

Et si ces spécificités ont creusé le sillon vers sa jeune carrière d'entraîneur, elles ont avant tout fait de Sylvinho le coéquipier modèle, tout à la fois père protecteur et parfois redresseur de torts, pleinement impliqué quel que soit son statut, adoré des supporters et de sa direction. «Ce n'était pas un joueur avec des airs de star comme ça pouvait être le cas d'autres membres de l'équipe, souffle un supporter du Celta. C'était un gars normal en fait, il parlait clairement et il était sympa avec les supporters.» Sylvinho tranche avec l'image pleine de clichés que l'on peut parfois se faire des Brésiliens. Particulièrement religieux, il l'est. Fêtard et indiscipliné, beaucoup moins. Contrairement à d'autres, il ne tire aucun suc de la vie fastueuse d'un footballeur, celle d'un système qui n'apporte que bonheur transitoire, comme il se plaît à le dire. «A Vigo, on était voisins. Il avait une hygiène de vie irréprochable, témoigne Peter Luccin. Quand il invitait des gens chez lui, c'était plutôt pour des réunions sur la religion, le fait de rassembler les amis, de prêcher la bonne parole. Il a une façon de gérer sa vie qui est la meilleure possible.» Albert Roca, préparateur physique du FC Barcelone lorsque Sylvinho y évoluait, abonde : «Je ne veux pas dire que les Brésiliens entretiennent une réputation de personnes peu concentrées, fêtardes, mais c'est vrai que Sylvinho est un peu le contraire de ce que sont Neymar et Ronaldinho. (...) Un jour, il m'a donné rendez-vous dans l'hôtel dans lequel nous étions et il m'a récité un passage de la Bible. Il m'a confié que cela lui permettait de réfléchir sur lui-même, de se sentir en paix.»

Sylvinho a grandi dans une famille modeste qui lui a inculqué les valeurs de travail et modestie qui le représentent. Dégaine soignée, coupe au bol et visage de poupon, il fait ses gammes dans le futsal à Sao Paulo. A 8 ans déjà, il est sélectionné avec la Seleçao Paulista, qui regroupe les meilleurs footballeurs de l'Etat de Sao Paulo. Puis il poursuivra son initiation au Club Paineiras Do Morumby, un club local des beaux quartiers de la métropole. La suite, elle, est connue : Sylvinho débarque au Corinthians et joue avec les pros de 1995 à 1999, remportant un Championnat du Brésil en 1998, avant de faire le grand saut vers l'Europe. Avec Edu Gaspar et Gilberto Silva, qui rejoindront Arsenal quelques années plus tard, il ouvre la voix de l'Angleterre aux Brésiliens. Sans pour autant se poser en Evangile, bien en contraire. «Ce n'est pas quelqu'un qui impose quoi que ce soit, se souvient Gilles Grimandi, qui l'a côtoyé chez les Gunners. Il est arrivé à Arsenal de façon très calme, on ne l'entendait pas beaucoup mais il s'est imposé grâce à sa qualité footballistique. Et on a très vite compris que c'était un grand joueur.»

«Un jour, il m'a donné rendez-vous dans l'hôtel dans lequel nous étions et il m'a récité un passage de la Bible. Il m'a confié que cela lui permettait de réfléchir sur lui-même, de se sentir en paix.» (Albert Roca, son ancien préparateur physique au Barça)

Sur le terrain, Sylvinho se donnait corps et âme, quand bien même il n'a pas souvent joui d'un statut de titulaire indiscutable. (NATAF/L'Equipe)

«C'est une personne qui veut que tout le monde se sente heureux»

Mais sa carrière européenne est à nuancer. Si Sylvinho a évolué dans les plus grands clubs comme Arsenal, le Barça et Manchester City, le latéral n'a jamais su s'imposer comme un titulaire indiscutable ailleurs qu'au Celta Vigo. A Arsenal, il y avait encore une génération en place, la ligne défensive titulaire ne laissait pas grand-chose aux autres. Et l'arrivée d'Ashley Cole n'a rien facilité. Pareil au Barça, où Abidal était inamovible au poste de latéral gauche. Une carrière modeste si l'on tient compte du nombre de matches disputés. Mais Sylvinho a laissé une tout autre empreinte. Celle d'un mec serviable, fidèle et au professionnalisme inégalé. «Il ne s'est jamais plaint, il n'a jamais donné la sensation de baisser les bras, rembobine Albert Roca. Et c'est pour ça qu'il est resté si longtemps un joueur du Barça. Il savait qu'il devait être à 100% quand il entrait sur la pelouse et il s'est toujours tenu prêt.» En Catalogne, tout le monde est unanime quant à l'importance de Sylvinho dans l'éclosion de Messi. Mais pas que... «C'est une personne qui veut que tout le monde se sente heureux. Il avait toujours un mot pour égayer des joueurs qui avaient un mal-être, qui ne jouaient pas. Il avait déjà ce don d'entraîneur parce qu'il comprenait parfaitement ce qu'il se passait autour de lui et les états d'âme de chacun.»

Alors, Sylvinho était-il moins bon que ses concurrents ? Pas sûr, ou du moins pas de manière flagrante, sinon le bonhomme ne comptabiliserait pas 300 matches en Europe. Mais le Brésilien a rapidement eu l'étiquette de l'homme fiable en toutes circonstances, utile au vestiaire et sur le banc, où il savait, déjà en tant que joueur, canaliser les émotions. Et surtout, il ne se lamentait jamais sur sa propre situation. Pas un manque de caractère, jurent ceux qui l'ont connu. Davantage un pragmatisme exacerbé et une obligeance immuable. «Il a peut-être été sous-coté à cause de sa personnalité, imagine Gilles Grimandi. C'était quelqu'un qui n'aimait pas faire de vagues, on savait pertinemment que quoi qu'il advienne, il n'y aurait pas de problème avec lui donc parfois c'était plus facile de le mettre lui sur le côté que d'autres. Mais c'est quelqu'un qui ne voit pas le mal chez les gens, c'est un homme rare.»

Côté terrain, nombreux sont ceux qui le considèrent comme un excellent joueur, très complet, avec un excellent équilibre entre son apport défensif et offensif. «A son époque, le Championnat brésilien était très porté vers l'offensive, moins tactique, et c'est vrai que des fois on voyait des trucs pas terribles défensivement, analyse Peter Luccin. En jouant à Arsenal, à Vigo, Sylvinho a grandi, il est devenu très consistant, très costaud sur le un contre un défensivement. Il savait parfaitement lire les situations, il sait quand il faut monter et quand il faut temporiser.» La natif de Sao Paulo n'a jamais été meilleur que dans le jeu de transition, à l'image de ce qu'il semble vouloir mettre en place à Lyon : vite récupérer le ballon et se projeter encore plus rapidement vers l'attaque. Grimandi se marre : «A Arsenal, comme il y avait des anciens en défense, la tactique était un peu passive. Sylvinho, qui était lui un mec très dynamique, ne comprenait pas toujours. On jouait bas, avec des lignes serrées, alors que lui aurait voulu que ça monte (rires).» Et ce n'est peut-être pas pour rien que l'intéressé a vécu ses meilleurs années personnelles sur le pré à Vigo. A l'époque, le Celta joue un football de transition plaisant qui lui permet même de se qualifier pour la Ligue des champions en 2003. «A Barcelone, il jouait en jeu de position, il le faisait bien mais il était encore mieux dans le jeu de transition parce qu'il était très fort physiquement, juge Miguel Angel Lotina, son ancien entraîneur au Celta. Il était très concentré et avait de bonnes dispositions en attaque et une bonne qualité de centre.» Et même quand Sylvinho a bénéficié d'un temps de jeu moindre, le Brésilien en profitait, déjà, pour zyeuter les ressorts du métier d'entraîneur. «Il était très observateur, très spécifique dans sa façon d'expliquer les choses, de faire attention aux petits détails, souligne Peter Luccin. A l'époque du Celta, je m'étais dit que deux joueurs feraient de bons entraîneurs : Eduardo Berizzo et Sylvinho.» Si le premier a déjà fait ses preuves, il n'appartient désormais qu'au second de l'imiter...

«Il a peut-être été sous-coté à cause de sa personnalité.» (Gilles Grimandi, son ancien coéquipier à Arsenal)

«A Barcelone, il jouait en jeu de position, il le faisait bien mais il était encore mieux dans le jeu de transition parce qu'il était très fort physiquement.» (Miguel Angel Lotina, son ancien entraîneur au Celta Vigo)

Antonin Deslandes

Retrouvez la seconde partie de notre long format sur Sylvinho, dédiée cette fois à sa carrière d'entraîneur, la semaine prochaine avant le match de Lyon face à Angers.