26 September 2018 - Carabao Cup Football - Arsenal v Brentford - Arsenal manager Unai Emery - Photo: Charlotte Wilson / Offside. (L'Equipe)

Pragmatisme, transitions plus rapides, séances d'entraînement durcies... La méthode Emery porte ses fruits à Arsenal

Successeur d'Arsène Wenger, Unai Emery a été nommé pour redorer le blason des Gunners. Venu avec son style et ses principes, l'Espagnol veut apporter un souffle nouveau à Arsenal. FF.fr s'est penché sur sa méthode.

Être acteur du jeu

En arrivant à Londres, Unai Emery aurait probablement préféré un autre calendrier pour lancer sa carrière d'entraîneur en Premier League. Contre Manchester City et Chelsea, il n'a pas eu le droit à une période d'adaptation et a débuté par deux défaites. Mais aujourd'hui, ces revers semblent loin pour les Gunners. Depuis, Arsenal reste sur neuf victoires consécutives toutes compétitions confondues, une première depuis 2015. De quoi tirer les premiers enseignements de la «méthode Emery».

Et qu'il est difficile de succéder à un entraîneur resté vingt-deux ans sur le banc du même club. Encore plus quand il s'agit d'Arsène Wenger, et qu'on sait tout ce qu'il a apporté à Arsenal. Voilà la tâche qui attendait Unai Emery quand il a été choisi en mai dernier. Wenger a ramené Arsenal sur le devant de la scène et a accompli des exploits incroyables. Si les dernières années ont été beaucoup plus compliquées, nul ne peut lui enlever tout le crédit qu'il mérite.

Mais Arsenal a souhaité tourner la page du «Wengerisme». Au sortir de la plus mauvaise saison du club depuis 23 ans, il convenait de remonter la pente. C'est alors le début d'un nouveau chapitre, avec Unai Emery comme capitaine de bord. Celui-ci est arrivé avec cent pages de notes précises sur chaque joueur et sur ses projets pour l'équipe. Suffisant pour séduire les dirigeants, après d'interminables tractations sur la succession de Wenger. Dès l'instant où le départ de Wenger était acté, Mikel Arteta semblait en ballottage très favorable mais n'a finalement pas été retenu, son inexpérience jouant contre lui. Arsenal a opté pour la voie du pragmatisme.

Pragmatique, Unai Emery l'est. Le changement, c'est bel et bien maintenant pour Arsenal. Mais la nomination du coach espagnol n'est pas une rupture si brutale qu'elle n'y parait avec Arsène Wenger. «Emery, c'est une évolution, pas une révolution. Il y a des similarités avec Wenger, c'est pour cela que je pense que c'est un bon choix. Les deux aiment avoir le ballon et attaquer», décrypte Luke Brown, journaliste pour The Independent. Pourtant, des aspects différencient réellement les deux hommes. D'un côté, Wenger décrivait le football comme de l'art, du divertissement, et n'aimait rien de plus que de voir ses artistes profiter de la pleine liberté qu'il leur laissait. De l'autre côté, il y a le réalisme d'Emery et son goût pour les détails, presque comme obsession.

«Emery, c'est une évolution, pas une révolution. Il y a des similarités avec Wenger, c'est pour cela que je pense que c'est un bon choix.»

Au-delà de son apport offensif, la défense est un chantier prioritaire pour Emery. Il a cherché à créer des automatismes en alignant autant que possible les quatre mêmes joueurs. Arsenal a dû attendre la 6e journée et un succès contre Everton pour réussir son premier clean-sheet. Les progrès se sont fait attendre, mais il y a du mieux. Mustafi ne rassure pas, Sokratis a eu besoin d'un temps d'adaptation et Holding, encore jeune, se mue en alternative crédible. Le milieu de terrain n'a pas non plus toujours apporté la protection nécessaire, mais la présence de Lucas Torreira dans le onze fait du bien aux Gunners. Il est arrivé de la Sampdoria et a dû attendre son tour. Il est désormais incontournable et son apport est un véritable bol d'air pour Arsenal. A l'inverse, recruté à Lorient, Matteo Guendouzi a été tout de suite propulsé titulaire en Premier League. Il a débuté les cinq premières rencontres de Championnat et a fait plus que surprendre. Sa fougue, son insouciance, toutes ses qualités balle au pied ont plu. Il a d'ailleurs été élu meilleur joueur d'Arsenal du mois d'août.

A son arrivée, il a fait savoir qu'il y avait deux principes tactiques élémentaires pour lui : un jeu de possession structuré et un pressing fort. Il faut être acteur du jeu. Depuis, ce qui n'était au départ que des bribes de changements sont devenus le socle d'une nouvelle ère. L'ancien entraîneur du Paris Saint-Germain veut que le gardien soit le premier attaquant. Une bien difficile mutation pour quelqu'un comme Cech qui s'acclimate doucement. Ces principes semblent mieux coller à son remplaçant, Bernd Leno, qui a débarqué cet été en provenance de Leverkusen. De même, Emery souhaite que les défenseurs soient de véritables rampes de lancement. L'arrière-garde des Gunners a eu du mal à se familiariser avec cette nouvelle approche et les premières sorties ont été difficiles pour eux.

Mustafi ne rassure pas, Sokratis a eu besoin d'un temps d'adaptation et Holding, encore jeune, se mue en alternative crédible.

Redevenir progressivement un candidat au titre

Emery s'est aussi déjà distingué par des choix forts, d'autorité. «La première chose qu'il a faite en arrivant, c'est d'avoir une discussion avec Jack Wilshere pour lui dire qu'il n'avait pas d'avenir au club», donne en exemple Luke Brown. Le milieu de terrain anglais, véritable «enfant du club», a quitté Arsenal pour West Ham cet été, dix ans après sa première apparition en pro. Emery veut montrer qu'il sait faire preuve de sang-froid. Mais ses décisions se font également lors de chaque rencontre. Pour Mesut Özil par exemple, la donne est similaire : il n'y aura aucun passe-droit. Son entraîneur n'a pas hésité à le sortir plusieurs fois cette saison quand il jugeait sa prestation insuffisante. Il n'a pas hésité à énoncer clairement qu'il attendait beaucoup mieux de l'Allemand. Emery réagit très tôt dans chaque match, beaucoup plus tôt que Wenger pouvait le faire. Ces changements en cours de rencontre ont pour but de dynamiter un éventuel sentiment de suffisance chez certains et d'encourager la concurrence. C'est le cas pour Alex Iwobi, qui trouve enfin sa place cette saison et montre de belles choses.

De l'aveu même des joueurs, les règles ont été durcies, les séances d'entraînement sont beaucoup plus rudes et parfois doublées, et les demandes du staff extrêmement fortes. Ces mutations sont primordiales pour coller à la volonté qu'Emery d'harceler l'adversaire, sans répit. Pour l'instant, n'ont été visibles que quelques séquences allant dans ce sens. Cela nécessite d'avoir des joueurs à 1000% physiquement, avec une gestion parfaite des espaces et du jeu sans ballon. C'est une transition encore en cours, il faudra certainement attendre la deuxième partie de saison pour en voir la pleine mesure. Une chose est sûre : aucun élément de l'équipe, qu'il soit un cadre ou non, ne pourra rester dans sa zone de confort et se reposer sur ses lauriers.

Après ces deux défaites inaugurales face à City et Chelsea, Arsenal a rectifié le tir. Ce fût laborieux par moment au début, mais les résultats sont là. «Depuis la trêve internationale de septembre, il y a vraiment du mieux et des signes clairs que la patte d'Emery est en train de prendre»,analyse Luke Brown. S'il aime bien avoir le ballon, Emery a une vision plus large du style de jeu qu'il souhaite dessiner à Arsenal. «Il faut que l'équipe soit tranchante, impitoyable, avec un jeu vertical entre les lignes et des transitions efficaces des défenseurs aux milieux de terrain», reprend le journaliste. Le but d'Aaron Ramsey contre Fulham en est l'illustration parfaite : de la récupération de balle de Bellerin à la talonnade du Gallois, il n'aura fallu qu'une quinzaine de secondes et très peu de touches de balle.«Il accompagne les joueurs. Il a un plan différent pour chaque match, pour chaque adversaire. Il guide les joueurs sur comment se défaire des joueurs adverses, avec les caractéristiques de chacun. Il vit avec son temps, Arsenal ne peut pas prendre le risque de rester en retard», commente Borwn.

«Emery guide les joueurs sur comment se défaire des joueurs adverses, avec les caractéristiques de chacun.»

En conférence de presse, Emery n'a de cesse d'insister sur la nécessité de garder les pieds sur terre. Avec un effectif plus fourni que les années précédentes, un Lacazette en feu, des recrues qui s'acclimatent bien à la Premier League, l'Espagnol a de quoi avancer sereinement. Mais la route est encore longue pour qu'Arsenal retrouve son lustre d'antan. Il ne veut pas griller les étapes, l'objectif est d'abord de redevenir progressivement candidat au titre en Premier League. Les premiers signes sont encourageants, aux Gunners de confirmer.

Jérémy Docteur