amavi (jordan) (A.Reau/L'Equipe)

Pour Jordan Amavi (OM), c'est maintenant ou jamais...

Alors que le latéral gauche de l'Olympique de Marseille est en grande difficulté depuis le début de la saison et que le public l'a pris en grippe, son entraîneur peine à le relancer. Alors, mission impossible ?

On joue la dix-septième minute de jeu au Vélodrome et la scène qui se joue sous les yeux d’un stade cueilli à froid pourrait être résumée en quatre mots : tempête sous un crâne. Alors que 50 000 personnes se mettent à gronder après un ballon perdu par Maxime Lopez, les Montpelliérains amorcent un contre. Immédiatement, Jordan Amavi appelle ses coéquipiers au secours avant de curieusement divaguer entre son couloir et l’axe du terrain. Dans la continuité de l’action, et alors qu’il avait par chance hérité du ballon, le latéral gauche de l’OM hésite et le rend à un Florent Mollet qui n’en demandait pas tant. Au terme de la contre-attaque et après que le milieu de terrain du MHSC ait eu tout le loisir d’ajuster son centre, Bouna Sarr marquera contre son camp. Les deux mains sur la tête, Amavi ne peut que constater les dégâts.

Il reste soixante-treize minutes à jouer et l’international français sait qu’il les disputera sous les sifflets. Six jours plus tard, et après un premier acte désastreux face à Rennes, Villas-Boas abrégera les souffrances de son latéral en le remplaçant dès la pause. Si l’entraîneur olympien indiquera avoir agi pour protéger son joueur, sa décision en dit long. Après neuf journées, ni le manager portugais ni le joueur ne semblent savoir comment briser une spirale négative qui dure depuis des semaines.

«Quand vous savez que vous allez être sifflé...»

«Il y a toujours eu des joueurs pris à partie par le public dans l’histoire de ce club, indique Elie Baup, ancien entraîneur de l’OM et désormais consultant pour beIN Sports. Quelque part, cela crée des conditions difficiles pour le joueur. Car quand vous préparez un match, il y a évidemment un côté psychologique qui entre en jeu. Pour réussir une bonne prestation, vous avez besoin de confiance. Or, quand vous savez que vous allez être sifflé dès votre premier ballon, ça devient tout de suite plus compliqué…» A l’instar de Ronald Zubar ou de Brandao - pour ne s’intéresser qu’à une époque récente, Jordan Amavi a même déjà dû avoir l’impression de jouer à l’extérieur au Vélodrome.

Et à en croire Christophe Hutteau, qui a transféré un certain nombre de joueurs vers l’OM, dont Mathieu Valbuena, le bruit ambiant peut vite devenir insoutenable. Pplus pour le cerveau que pour les oreilles, d’ailleurs. «Aujourd’hui, si c’était à refaire, je réfléchirais à deux fois avant d’orienter certains garçons vers l’OM, indique-t ’il. Parce qu’avec du recul, je sais qu’en termes de mental, le contexte était trop lourd pour eux. Il faut être très fort dans la tête pour signer ici. En tout cas pour y jouer et réussir à s’y exprimer pleinement.» Amavi l’est-il assez ? Alternant déboulés sur son couloir gauche et sautes de concentration, bonnes interventions et mauvais choix, le latéral est parfois difficile à suivre. A tel point qu’il est compliqué de savoir si la situation l’affecte réellement.

«C’est tout le travail d’un coach que de savoir si, oui ou non, le contexte inhibe son joueur, estime Baup. Au-delà des caractéristiques techniques du joueur que vous avez à gérer, il faut bien connaître l’homme. Il faut s’attacher à savoir comment il vit la situation et s’il est capable de passer outre.» De ce point de vue-là, Amavi a dû donner quelques garanties au staff de l’OM. Villas-Boas s’évertue en tout cas à le défendre lors de chacune de ses interventions médiatiques. «Quand tu siffles un de tes propres joueurs, tu tues l’équipe (…) avait déclaré le technicien olympien à l’issue du match nul concédé face à Rennes. Pour moi, c’est intolérable

«Si les performances s'améliorent, le vent peut tourner»

Preuve qu’il croit encore son joueur capable de rebondir ? Baup en est persuadé et salue le management du Portugais. «Si Villas-Boas ne le sent pas trop affecté et qu’il considère qu’il a sa place, alors il doit continuer à lui faire confiance, indique celui qui avait maintenu sa confiance à Gignac contre vents et marées. En parallèle, dans ce genre de contexte, vous devez demander au public de se ranger derrière l’équipe. C’est ce qu’il a fait

Reste que la balle est maintenant dans les pieds d’Amavi et que ni son entraîneur, ni ses coéquipiers - toujours prompts à le défendre depuis le début de la saison - ne peuvent redresser la barre à sa place. Mais comment s’y prendre ? Le latéral doit-il en faire plus ou, au contraire, se contenter de jouer simple ? Hutteau a son petit avis sur la question. «Honnêtement, je ne pense pas que ce soit le pedigree d’Amavi qui soit au cœur du problème, estime l’agent. Prenez Lorik Cana, ça n’a jamais été un technicien hors pair mais le public pouvait tout lui pardonner car il savait qu’à la fin du match, il quittait le terrain au bord des crampes. C’est un public à qui tu dois tout donner. Il faut de la générosité !»

Baup partage le constat et souligne une chose : à Marseille, il n'y a que le mistral qui souffle toujours dans la même direction. «Il est actuellement conspué, mais il peut renverser la tendance, indique celui qui a été vice-champion de France en 2013 avant de connaître une période plus mouvementée au club. Quand je dis que les jugements ne sont pas définitifs, c’est parce que je ne vois pas de calcul derrière l’attitude des supporters du Vélodrome. Ils s’attachent juste à ce que vous produisez sur le terrain. Donc si les performances s’améliorent, le vent peut tourner…» Nouveau point météo ce dimanche soir, au terme de la réception de Strasbourg, dix-septième du Championnat. Une rencontre qui doit permettre aux Olympiens - qui n’ont plus gagné depuis le 15 septembre - et à Amavi de trouver un second souffle.

Thymoté Pinon