(L'Equipe)

Pour Hatem Ben Arfa, «Les latéraux sont les joueurs les plus complets» : découvrez sa dernière chronique

Chroniqueur pour France Football pendant la Coupe du monde, Hatem Ben Arfa aborde cette fois le rôle et les qualités des latéraux. Avec un conseil assez inattendu pour Lucas Moura, son ancien coéquipier du PSG.

«J’ai l’impression que certains découvrent que les latéraux sont les dynamiteurs d’une équipe. Mais ce n’est pas nouveau. Si je me souviens bien, dans le Brésil de Pelé en 1970, Everaldo ou Carlos Alberto tenaient déjà ce rôle essentiel. À l’heure où il n’existe plus trop de numéros 10 ni de véritables distributeurs de jeu attitrés, les latéraux sont pour moi les rampes de lancement des meilleures équipes. C’est normal car ce sont les joueurs les plus complets, un peu à l’image des décathloniens : ils ont l’agressivité, l’endurance, la technique, le réalisme et la précision. Regardez un Marcelo, un Dani Alves, un Meunier, un Carvajal... Ils savent tout bien faire. Ce sont des numéros 10 de couloir, avec juste un numéro 2 ou 3 dans le dos.

Je suis prêt à parier que la sélection qui sera championne du monde possédera l’une des deux ou trois meilleures paires de latéraux de la compétition. C’est souvent le cas également en Ligue des champions. C’est de cette zone-là que partent beaucoup d’offensives, de là qu’est imprimé le rythme, de là que l’on peut apercevoir si une équipe est équilibrée ou pas, en panique ou en pleine confiance.

«Sans se prendre pour des cracks, Pavard et Hernandez ont su insuffler un vrai élan tout en assurant au maximum leur couloir.»

La paire que forment le latéral avec son ailier est également primordiale pour déséquilibrer les blocs défensifs adverses. Cette relation et cette complicité dans le couloir sont les clés d’une emprise certaine sur le jeu. Quand ça combine là, c’est le signe que l’équipe va bien. À l’avenir, je suis persuadé que de plus en plus d’ailiers vont accepter de reculer pour encore mieux exploiter leur potentiel. Car ce n’est plus un poste qui rebute les "offensifs". À un autre niveau, regardez ce qu’a fait Bouna Sarr à l’Olympique de Marseille. Dans cet esprit, je suis persuadé que s’il acceptait de reculer, Lucas, mon ancien coéquipier au PSG, deviendrait l’un des meilleurs latéraux du monde. Et quand je dis ça, je suis sérieux.»

Dans leur match face aux Bleus, il suffit de voir les performances de Mercado et de Tagliafico pour comprendre que l’équipe de France a appuyé exactement là où ça faisait mal dans le camp d’en face. Souvent pris de vitesse, trop régulièrement arrêtés et incapables de porter le danger en face, les latéraux argentins ont symbolisé l’inefficacité et les difficultés de cette sélection. A contrario, en face, Pavard et Hernandez, deux joueurs que franchement je découvre durant cette compétition, ont été frais, percutants, dynamiques et forces de proposition et de solutions. Sans se prendre pour des cracks, ils ont su insuffler un vrai élan tout en assurant au maximum leur couloir. Un peu à l’image des Uruguayens Caceres et Laxalt, deux latéraux compliqués à déborder. Car, selon moi, c’est ce qui distingue un bon d’un très bon spécialiste du poste : sa faculté à ne jamais se laisser déborder. Ça doit être lui le patron de tout le couloir. Il doit être impassable dans les un contre un. Sinon, c’est tout l’équilibre de l’équipe qui en pâtit.

«Je suis persuadé que s'il acceptait de reculer, Lucas Moura deviendrait un des meilleurs latéraux du monde.»

Hatem Ben Arfa

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