Soccer Football - Champions League Final - Real Madrid v Liverpool - NSC Olympic Stadium, Kiev, Ukraine - May 26, 2018 Real Madrid coach Zinedine Zidane walks past the trophy during the medal ceremony after winning the Champions League REUTERS/Andrew Boyers (Reuters)

«Plus qu'un entraîneur, on a l'impression que c'est un guide» : Zinédine Zidane vu par le monde du foot français

Zinédine Zidane a annoncé son départ du Real Madrid ce jeudi, quelques jours après avoir remporté sa troisième C1 en tant qu'entraîneur du club. Après la finale remportée face à Liverpool, des acteurs du football français s'étaient livrés à FF.fr sur la performance exceptionnelle de l'entraîneur français.

Olivier Létang* : «L'intelligence de prendre son temps»

«Les mots sont parfois galvaudés, là on peut vraiment dire que c'est exceptionnel. Le parcours de Zinédine Zidane est tout sauf le fruit du hasard et de la chance. Il a été un des plus grands joueurs au monde mais ça ne garantit pas d'être un très bon entraîneur. Il a construit cette réussite en structurant son parcours : formation, patience, travail et humilité. Il a eu l'intelligence de prendre son temps. Même quand il a eu ses diplômes, il est ensuite allé sur le terrain pour observer, appréhender l'environnement et apprendre à le maîtriser. Travailler avec Carlo Ancelotti a sûrement été une étape importante pour lui, il a cette même gestion humaine et une certaine proximité avec ses joueurs. C'était difficile de l'imaginer entraîneur quand il était joueur. Il pouvait y avoir des doutes sur sa personnalité assez timide, renfermée, il n'était pas très expansif.

C'est trop facile de dire qu'il est né sous une bonne étoile, personne n'avait jamais réalisé une telle performance, ce qui prouve bien que c'est très difficile. Après un début de saison compliqué, on a vu qu'il a réussi à trouver des solutions avec son staff pour inverser la tendance. Évidemment, c'est plus facile de gagner la Ligue des champions avec l'effectif du Real Madrid plutôt qu'avec celui d'un club plus modeste. Seulement, aujourd'hui, plusieurs clubs ont une surface financière très importante et tous ne gagnent pas. Le Real Madrid est aussi un club avec une institution très forte, ce qui permet d'avoir les outils pour bien travailler.
 
Après sa carrière d'immense joueur, il a déjà marqué le métier d'entraîneur. Il a un crédit extraordinaire, il l'avait déjà avant ce nouveau succès. Pendant la finale, je me posais la question : "La prochaine étape pour lui, c'est quoi ?" (rires). Tout dépend de ce que Zinédine aura envie de faire. Le métier de sélectionneur n'est pas le même que celui d'entraîneur mais la voie de l'équipe de France lui est toute tracée, que ce soit en terme de compétences ou de légitimité.»
*Président délégué du Stade Rennais

«C'est trop facile de dire qu'il est né sous une bonne étoile»

Youti Djorkaeff est admiratif de son ancien coéquipier en équipe de France. (DE MARTIGNAC/L'Equipe)

Je pense qu'il a gagné en maturité, en expérience et il y a eu ce désir d'être au quotidien près du terrain, dans le vestiaire, préparer des séances. Il y a les choix tactiques qui sont spontanés et qui interviennent pendant le match, mais ce qui est fort c'est tout le travail derrière. C'est la marque des grands entraîneurs et il y en a très peu au niveau de Zidane aujourd'hui. Et il n'a même pas encore l'expérience des autres mais il a un bagage qu'ils n'auront jamais : avoir été champion du monde, champion d'Europe et un des meilleurs joueurs selon moi. Mourinho n'aura jamais ça même s'il a d'autres qualités. Entre sa connaissance du football en tant que joueur et celle comme entraîneur, ça fait de Zidane un des meilleurs au monde à l'heure actuelle.

Ceux qui disent qu'il a de la chance n'y comprennent rien. C'est beaucoup, beaucoup de travail. Zidane connaît Cristiano Ronaldo à 1000%, Gareth Bale à 2000% et Sergio Ramos à 3000%, c'est ça qui fait la différence. Il connaît son vestiaire. Une fois qu'il a mis en place son système, il fait confiance à ses joueurs. Il suffit de voir quand il les embrasse après chaque victoire, c'est comme s'il était encore joueur. Je lui avais donné mon sentiment comme quoi je le trouvais habité par cette passion de l'entraînement.»

*Ancien coéquipier de Zidane

Youri Djorkaeff* : «Ceux qui disent qu'il a de la chance n'y comprennent rien»

«Ce qu'il a réussi à faire en deux ans et demi, c'est historique, fantastique et incroyable. Ce n'est pas quelque chose qui arrive par hasard, je pense que c'est un travail mûri et bien programmé. Quand il était joueur, on ne s'attendait pas forcément à le voir devenir entraîneur mais dès qu'il a pris sa décision, on sentait qu'il était prêt. Bien sûr, en équipe de France, il participait aux discussions avec les anciens comme Desailly, Blanc ou Deschamps.

«C'est la marque des grands entraîneurs et il y en a très peu au niveau de Zidane aujourd'hui»

Dans la carrière d'entraîneur de Zidane, ce qui l'aide beaucoup, c'est d'être Zidane. Les joueurs s'adressent à un des plus grands joueurs de tous les temps. Même les "chefs" de Madrid, Ronaldo et Ramos, écoutent quand il parle. Ils ont l'impression de parler d'égal à égal avec lui. Quant à son inexpérience, eh bien tous les entraîneurs démarrent un jour. Guardiola, quand il a pris le Barça et qu'il a tout gagné avec, il venait de la Masia. L'expérience c'est bien gentil, mais je pense qu'il y a surtout les bons et les mauvais.
J'aime son comportement avec les joueurs. J'aime voir lors du troisième but du Real que c'est Vazquez qui se jette dans ses bras alors qu'il ne joue pas. Il a tout le groupe dans la poche. S'il n'a pas gagné la confiance des gens avec les résultats qu'il a, je ne vois pas comment il pourrait plus l'avoir. Des détracteurs, des c***, il y en aura toujours. Comme ceux qui disent que Laurent Blanc a gagné des titres car il entraînait le PSG, en occultant le doublé qu'il avait fait avec Bordeaux.»

*Journaliste pour Canal+

«Zidane connaît Cristiano Ronaldo à 1000%, Gareth Bale à 2000% et Sergio Ramos à 3000%, c'est ça qui fait la différence»

Pour ceux qui le connaissent bien en tant qu'homme, c'est quelqu'un qui répond tout le temps aux messages, qui a une grande humilité et qui a acquis qu'on ne peut pas diriger des stars sans montrer un comportement toujours humble, à l'écoute. Tous les joueurs ne l'ont pas compris, d'où leurs difficultés après en tant que coach à gérer les égos. C'est en cela, le grand secret de sa réussite : modestie et simplicité.
Il ne faut pas oublier le rôle de sa famille, et notamment de son épouse. Il a des valeurs qui viennent de son père, il en parle souvent. La plus grande richesse est la richesse humaine. Et sa sincérité a fait que son groupe adhère en permanence. Ce n'est pas l'argent qui motive les grands joueurs, c'est la compétition, c'est le fait d'être heureux avec un coach qui va avoir la dimension humaine pour toucher le cœur des hommes. Il n'y a pas de réussite durable sans grand homme qui démontre de telles qualités de simplicité, d'humanité et de cœur. Le plus difficile n'est pas de gagner une Ligue des champions, mais de durer. Quand on voit ce qu'il s'est passé, c'est évident que la sélection française serait quelque chose de naturel. Je suis sûr et certain qu'il réussirait avec les Bleus. Le point qui est très important, c'est que Zidane est très jeune, et qu'il a de ce point de vue-là tout l'avenir devant lui.»

*Président du directoire de l'ASSE

Pierre Ménès* : «Il marche beaucoup sur l'affectif»

«Il faut se souvenir dans quel état il a pris l'équipe. C'était derrière Benitez. Ronaldo et Ramos étaient en rage. Il est arrivé, il a imprimé son style. Zidane est un entraîneur qui marche beaucoup sur l'affectif. Au PSG, on dit beaucoup qu'il faudrait quelqu'un qui a de l'autorité sur les stars. Moi, je pense surtout qu'au contraire, les stars ont besoin d'un coach qui les comprend, qui les cajole, qui les met dans les meilleures conditions psychologiques. Ce que faisait très bien Ancelotti au PSG, ou ce que fait très bien Guardiola à City, pour en avoir parlé avec Benjamin Mendy. Il faut également avoir le niveau pour les cajoler.

Plus qu'un entraîneur, on a l'impression que c'est un guide. Il transmet un fluide aux joueurs qui fait qu'ils ne paniquent jamais. Surtout, quand ils ont des moments compliqués, car ils en ont eu pendant la saison, il a toujours eu les mots qui vont avec. Il ne va pas apprendre à jouer au foot à ses joueurs, mais à se transcender à chaque match. La Juve a des grands joueurs. Le Barça a des grands joueurs. Ça veut dire que c'est facile pour tous les entraîneurs ? À un moment, ces équipes se rencontrent. Et depuis trois ans, c'est toujours le Real qui gagne.
La première qualité qu'il a eu est de s'entourer de personnes dont il a confiance. Après, ce qui impressionne le plus, c'est ce qu'il dégage et ce qu'il transmet. En plus, on sent qu'il a beaucoup d'humilité. Le plus souvent, il fait entrer les mêmes joueurs, mais qui font des différences car ils sont dans le même état d'esprit que tous les autres. Après, deviner qu'il deviendrait entraîneur ? Je dirais non, sans connaitre personnellement l'homme que c'était. Pour Deschamps, c'était une certitude déjà en tant que joueur. Le fait que ce soit le Real Madrid qui lui donne sa chance, ç'a peut-être suscité chez lui cette vocation-là. Il a pris le temps de se former, d'être adjoint d'un grand entraîneur puis d'entraîner la réserve.»

*Entraîneur français qui vient de quitter Caen

«Dans la carrière d'entraîneur de Zidane, ce qui l'aide beaucoup, c'est d'être Zidane»

Au sujet de Zinédine Zidane, Bernard Caiazzo estime que «tous les paramètres du succès sont réunis chez la même personne». (A.Martin/L'Equipe)

Bernard Caïazzo* : «Tous les paramètres du succès réunis chez la même personne»

«On est d'abord très fiers de lui. C'est extrêmement rare d'être l'un des meilleurs de l'histoire en tant que joueur et entraineur, c'est presque unique. Le résultat est là. On pouvait deviner qu'il allait devenir un tel coach. Mais avec cette précocité, arriver aussi vite à battre un record mondial historique, c'était difficile à deviner. Parmi les facteurs de sa réussite, je dirais qu'il a une connaissance du football rare. Mais aussi une dimension humaine et de grandes valeurs. Donc en fait, tous les paramètres du succès sont réunis chez la même personne. Même les plus optimistes, les plus fans, les plus proches, auraient imaginé ce type de performance.

«Il n'y a pas de réussite durable sans grand homme qui démontre de telles qualités de simplicité, d'humanité et de coeur»

Patrice Garande* : «Plus qu'un entraîneur, on a l'impression que c'est un guide»

«Je trouve ça prodigieux, fantastique, et puis ce n'est pas le hasard. C'est la concrétisation à la fois d'une culture de ce club et aussi de ce qu'a mis en place Zidane avec ses joueurs. Il dégage beaucoup, beaucoup de sérénité. Quand on regarde les matches, l'équipe est quelques fois malmenée, mais on sent cette confiance. Ils ne paniquent jamais. J'ai l'impression que c'est Zidane qui amène ça. Il a imposé sa personnalité, quelqu'un qui ne s'affole jamais, qui prend du plaisir dans tout ce qu'il fait. On ne le voit pas changer sur le banc malgré le scénario d'un match.

«Le fait que ce soit le Real Madrid qui lui donne sa chance, ç'a peut-être suscité chez lui cette vocation-là»

Clément Gavard et Hugo Girardot