Soccer Football - Africa Cup of Nations 2019 - Group A - DR Congo v Uganda - Cairo International Stadium, Cairo, Egypt - June 22, 2019 Uganda's Faruku Miya in action with DR Congo's Ley Matampi REUTERS/Suhaib Salem (Reuters)

«Personne ne nous attendait à ce niveau-là» : Farouk Miya, révélation ougandaise, évoque sa CAN, ses racines et ses rêves

Auteur de deux passes décisives et facteur X de l'Ouganda, Farouk Miya s'est livré à France Football. Il évoque son aventure en Égypte, son développement en Europe et ses racines, entre football et famille.

«Finir deuxième juste après l’Égypte, et devant la RD Congo, c’est une bonne performance. Quel est l’état d’esprit du groupe désormais ?
Cette phase de groupes a été très bonne pour nous, et c’est vraiment un plaisir. Personne ne nous attendait à ce niveau-là, pas même qu’on sorte du groupe... Il faut profiter, s’en réjouir, mais surtout aller de l’avant et vite se tourner sur le match de vendredi face au Sénégal. Tout le monde sait que c’est une énorme équipe, tout comme l’Égypte (NDLR : défaite 2-0 de l’Ouganda en poules), mais on n’a pas peur d’eux. Et il faut jouer comme l’Ouganda sait jouer. C’est une surprise d’être là !

Vous avez grandi en Ouganda et votre développement avec le football s’est fait là-bas, avant de découvrir l’Europe. Quels sont vos souvenirs ?
Ç’a commencé à l’école, et ensuite je suis rentré dans une académie, et tout a changé. C’était une bonne académie, un peu l’Ajax ougandais (sourire). Ils m’ont donné l'opportunité de jouer, d’aller faire des tournois, et c’est à ce moment-là que le Standard de Liège, en Belgique, m’a repéré. Tout est allé très vite, ensuite.

Vous êtes par exemple appelé en sélection à seulement 16 ans...
Je ne pouvais pas le croire ! J’étais jeune, et le coach me donnait une chance sans penser que je n’étais pas forcément prêt. Et j’y suis allé pour jouer sans pression, juste prendre du plaisir, être moi-même. C’était cool pour moi, pour mon développement. C’était spécial, je n’y étais jamais aller. Quand j’ai reçu l’appel, j’étais chez moi, tranquille, je rentrais des cours. Le directeur de l’académie m’a dit "On a appelé ta maman, et tu rejoins l’équipe d’Ouganda pour la prochaine compétition". Je n’y croyais vraiment pas. Dans ma tête, on se fichait un peu de moi... Mais non, je suis bien allé au camp d’entraînement ! J’y suis allé, j’ai rejoint l’hôtel, un peu anxieux. Mais bon, c’est allé vite pour que je me sente bien à force de côtoyer les joueurs. Je restais un peu timide mais ça s’est bien passé.

Rapidement, vous gagnez aussi un surnom : "Le chasseur qui ne rate jamais sa cible"...
Oui, "Muyizi Tasubwa", c’est Ougandais. Ce sont les fans qui m’ont trouvé ce nom. C’était après un coup-franc marqué lors d’un match avec mon académie, et ils ont cherché un surnom. Je n’aimais pas trop ce truc au début, mais après... Je me suis dit "bon, je m’en fiche, qu’il m’appelle comme ils veulent"... (rires) J’aurais préféré mon nom normal, mais finalement je l’aime bien. Il est positif, ce n’est pas un surnom pour dire du mal. Donc maintenant, je trouve ça cool et je remercie les fans ! (rires)

Quels sont vos liens, aujourd’hui, avec l’Ouganda ?
Ma famille vit en Ouganda, et je vais autant les voir que possible quand je rentre au pays. Ce n’est pas facile pour eux de venir me voir, c’était un peu mieux en Belgique qu’en Croatie. Notamment par rapport aux visas. Mais c’est moi qui vient dès que possible, et c’est surtout ma maman qui me manque... Je parle avec elle tous les jours, et pour les matches, c’est du bon soutien. Ils me manquent énormément mais ça fait partie des sacrifices qu’il faut faire pour atteindre ses objectifs !

«Pourquoi pas rééditer face à une nouvelle grosse nation»

Belgique, Azerbaïdjan, Croatie. Vu de France, ce n’est pas un parcours "traditionnel"...
C’étaient des options pour jouer en Europe, donc je les ai saisis. Toujours en gardant dans ma tête ce rêve, cette cible, qui est de jouer un jour dans un des cinq grands Championnats du monde. Les prêts, c’est parfois une décision du club qu’il faut accepter, mais c’est aussi une opportunité de jouer et de se montrer. Un jour, j’espère que ça fonctionnera.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus en Europe ?
Déjà, forcément, c’est mon rêve, ça l’a toujours été. Et c’est évidemment plus technique, plus professionnel, les conditions sont tops. Et j’adore pouvoir apprendre les langues et me développer. Un peu de français en Belgique, une langue que j’adore, même si c’est compliqué. Et j’essaye l’Italien ! Bon, c’est dur, hein... (rires) Le seul souci, par contre, c’est l’hiver. En Afrique, c’est toujours l’été ! Je ne suis pas habitué. Mais c’est génial quand même d’être en Europe.

À propos de la CAN, vos bonnes performances apportent forcément d’autres perspectives.
Ça renforce mes rêves. Et honnêtement, si une opportunité se propose dans un grand Championnat, elle sera impossible à refuser. J’en rêve, tout le monde en rêve, et si un club me veut, j’irais en me donnant à 200%. Je veux travailler, je veux me donner à fond, jouer comme je sais. C’est le rêve de ma vie !

Comment est le groupe avant le huitième face au Sénégal ?
L’équipe d’Ouganda, c’est assez cool. Il y a des gens incroyables dans le football ougandais. On peut faire plus que les gens attendent de nous. On se dit "bon les gars, allez, on joue, on verra, on donne le max et on va y arriver". Il y a un bon esprit, et on veut essayer de décider du scénario du match. On a battu la RD Congo, donc pourquoi pas rééditer face à une nouvelle grosse nation. On doit juste s’amuser, et se dire que c’est possible.

Ce n’est pas trop "impressionnant" de se dire qu’on va jouer des joueurs comme Sadio Mané ou, pour toi qui est offensif, Kalidou Koulibaly ?
C’est bien, au contraire ! On joue des joueurs qui ont gagné la Ligue des champions, qui ont tous joué la dernière Coupe du monde. Donc il y a de l’attente et l’envie de jouer. On est sur le même terrain, on peut gagner. Et j’aimerais dire aux fans de continuer à croire en nous, continuer à nous soutenir. On va continuer à tout donner et nous battre sur le terrain. Soyons fiers de porter ce drapeau le plus haut possible.»

Antoine Bourlon