vieira (patrick) (P.Gherdoussi/L'Equipe)

«Patrick va devenir un des meilleurs entraîneurs dans le futur» La première saison de Patrick Vieira à Nice passée au peigne fin

Malgré un effectif jeune, Patrick Vieira aura réussi une jolie première saison avec l'OGC Nice, caressant même l'espoir, pendant un temps, de se qualifier pour la prochaine Ligue Europa. Presque inespéré au regard de l'indigence offensive des Aiglons.

Après avoir construit sa légende de joueur à Arsenal, la Juventus ou encore l’Inter, Patrick Vieira, 43 ans en juin prochain, s’est lancé dans une nouvelle aventure en endossant le costume d’entraîneur. À l’instar de bon nombre de ses coéquipiers champions du monde 1998 - Zinédine Zidane, Didier Deschamps, Bernard Diomède, Thierry Henry ou encore Laurent Blanc -, le natif de Dakar avait très vite émis le souhait, après avoir raccroché les crampons, de se voir confier un rôle sur le bord du terrain. Tandis que Manchester City, son dernier club en professionnel, lui l'avait nommé pour son équipe réserve en 2013, New York City FC, filiale des Skyblues, l’avait invité à prendre les rênes de son équipe première en 2015. Deux expériences instructrices, enrichissantes et abouties qui lui ont donné le droit de montrer ses talents de coach en Ligue 1. Pour le plus grand bonheur de l’OGC Nice.

De la continuité et du contrôle

Malgré des débuts compliqués - trois victoires, deux matches nuls et cinq défaites lors des dix premiers matches de la saison - et un manque certain de consistance et de régularité, Patrick Vieira, à force de travail et de remise en question, a su relever la tête et remettre le Gym sur les bons rails. Et pourtant, après un violent revers concédé sur sa pelouse contre Dijon (0-4) fin août, l’OGC Nice, orphelin de Lucien Favre, titubait violemment et voyait une vague de critiques acerbes lui déferler en pleine poire. «On est dans le dur, c’est la réalité, concédait alors Patrick Vieira fin août. Il faut continuer de travailler, ne pas baisser les bras. Je crois énormément en ce groupe parce que le travail en semaine est là. La saison est très longue, on va retourner la situation. Sans aucun doute.» Résultat, c’est dos au mur, lors d’un déplacement au Groupama Stadium, que les Aiglons lançaient enfin leur saison en s’offrant le scalp de Lyon (1-0). Suivait par la suite un nouveau succès face au Stade Rennais (2-1). Et s’ils ne pouvaient rien face à la furia parisienne (0-3) et au Vélodrome contre Marseille (0-1), Patrick Vieira et ses hommes, au bénéfice de huit matches sans défaite, s’offraient une superbe remontée au classement et finissaient leur première partie d’exercice à une satisfaisante septième place.

Les ingrédients de ce renouveau ? La maitrise de nombreux dispositifs (le 4-3-3 et la défense à trois), une assise défensive retrouvée et une volonté d’optimiser l’utilisation du ballon. En somme, Patrick Vieira a puisé dans ce qui avait été proposé par son prédécesseur à la barre technique des Aiglons. «J’ai un regard extérieur sur la question, mais je trouve qu’il s’est bien servi du travail entrepris par Lucien Favre, remarque Stéphane Moulin, l'entraîneur d'Angers. Étant donné qu’il avait quasiment les mêmes joueurs, il a utilisé plus ou moins la même philosophie de jeu, pas toujours le même système. Cela avait déjà bien fonctionné auparavant avec Favre. Et je trouve que Patrick Vieira a bien réussi à maintenir ça.» Troisième meilleure défense de Ligue 1, avec trente-cinq pions encaissés, derrière le LOSC et l’ogre parisien, l’OGC Nice s’est mué en une véritable forteresse. Finies les expérimentations du début de saison, où les Niçois, en témoigne la joute face au PSG en septembre dernier, peinaient à défendre en bloc, et donc à sécuriser leur profondeur et la largeur. «Je crois surtout que son équipe avait une grande solidité défensive, parce qu’il a très bien vu que le point fort, ce serait d’avoir la possession. Mais aussi le contrôle du ballon et justement une certaine solidité défensive parce qu’il n’avait pas beaucoup d’armes sur le plan offensif. Il a très bien analysé les forces et les faiblesses de son groupe», reconnaît Stéphane Moulin. Largement suffisant pour jouer les trouble-fête en haut de tableau et s’inviter dans la course à l’Europe. Un miracle qu’il a aussi cultivé par son intelligence situationnelle et les bonnes relations qu’il entretient avec ses joueurs. «Il prend soins de ses joueurs, il est toujours présent pour eux dans les bons, comme dans les mauvais moments, révèle Frédéric Brillant, ancien joueur de Patrick Vieira à New York City. Il impose le respect et est ouvert à la discussion. Il est humble, simple, intelligent et à l’écoute.»

«Il a très bien analysé les forces et les faiblesses de son groupe.» Stéphane Moulin, entraîneur d'Angers.

Vieira, un entraîneur proche de ses joueurs. (F.Porcu/L'Equipe)

La jeunesse en première ligne

Avec de petits moyens et l’un des effectifs les plus jeunes du Championnat (le quatrième avec 24 ans de moyenne d’âge), Patrick Vieira a réussi quelques prouesses. Et ce n’est pas vraiment une surprise pour celui qui s’était fait les griffes avec les U21 de Manchester City. Le porte-drapeau de cette jeunesse flamboyante niçoise n’est autre que Youcef Atal, 22 ans, tantôt latéral droit, tantôt ailier gauche. Explosif, fin et élégant, l’Algérien fait parler son empreinte technique dans n’importe quelle zone du terrain, que les espaces soient réduits ou non. Avec six buts, l’ancien du Paradou est même le meilleur buteur du club avec Allan Saint-Maximin. En outre, les très jeunes Ihsan Sacko, Jean-Victor Makengo (tous deux 21 ans), Myziane Maolida, Ignatius Ganago (20 ans) ont tiré leur épingle du jeu, grappillant au fil de la saison de plus en plus de temps sur les terrains de Ligue 1.

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De cette liste, il ne faudrait pas oublier les quelques tauliers du vestiaire : Malang Sarr (20 ans) ou encore Allan Saint-Maximin (22 ans), encadrés par les excellents Wylan Cyprien (24 ans) et Adrien Tameze (25 ans), dont les qualités se marient parfaitement avec les principes de jeu de Patrick Vieira. «Les jeunes le voient en haute estime et ont un profond respect pour le joueur qu’il était, mais aussi pour la personne qu’il est. Il est très charismatique, et cela lui permet de créer des liens forts avec les joueurs, explique à FF.fr Gilberto Silva, champion du monde 2002 et coéquipier de Patrick Vieira à Arsenal. Il a fait un super boulot au club malgré les limites financières. Patrick va devenir un des meilleurs entraîneurs dans le futur, c’est un leader naturel et il fait les choses étape par étape.» Fréderic Brillant abonde dans le même sens. «Son expérience avec les jeunes de Manchester City et ce qu’il a emmagasiné jusque-là le rendent remarquable. On l’a encore vu cette saison avec la jeunesse niçoise. C’est encourageant pour les jeunes prometteurs du club et c’est aussi une richesse pour le club en général.» Une aubaine, en somme, pour l’avenir de l’OGC Nice. Et ce même si de nombreux départs sont à prévoir.

La détresse offensive comme bémol

Troisième plus mauvaise attaque du pays avec 30 buts inscrits seulement - seul Guingamp et Caen font pire -, Nice a éprouvé toutes les peines du monde pour faire trembler les filets adverses. Pour les troupes de Patrick Vieira, un pion équivaut presque à une victoire. Sur leurs quatorze victoires cette saison, huit ont été obtenues sur la plus petite des marges ! Une statistique révélatrice. La piètre première partie de saison de l’incontrôlable Mario Balotelli et les bisbilles entre l’Italien et son club sont aussi passées par-là. «C’était quand même difficile, parce qu’il s’est retrouvé rapidement sans attaquant à disposition cette saison. Donc c’était compliqué de pouvoir faire quelque chose, souligne l’entraîneur d’Angers. Je pense qu’il n’avait pas les forces offensives pour pouvoir aller plus loin.» Pourtant, cette incapacité chronique à planter le cuir au fond des filets n’aura pas vraiment brisé les Aiglons dans leur élan, puisque jusqu’au mois d’avril, les poulains de l’ancien Gunner étaient toujours en course pour une place qualificative à la prochaine Ligue Europa.
 
Un bien joli numéro d’équilibriste de la part de Patrick Vieira. Non sans risque, comme le murmure Stéphane Moulin, qui avait torpillé Nice (0-3) avec ses hommes. «Il faut rappeler que quand on les a reçus, Nice n’avait pas Saint-Maximin. Finalement, ils n’ont que très peu pesé sur le match et sur le jeu offensif. Ce jour-là, ils avaient beaucoup de mal à emmener le ballon dans les zones dangereuses. C’est une équipe qui peut être en danger quand elle est contrée, elle peut être fragilisée. Ils prennent beaucoup de risques à la sortie de balle. Donc quand il n’y a pas les forces devant, c’est compliqué pour eux.» Néanmoins, au regard de ce qui a été produit par l’OGC Nice cette saison, de nombreux observateurs couvrent Patrick Vieira d’éloges. Et l’avenir du technicien français s’annonce radieux après cette saison honorable, achevée à une belle huitième place. «Désormais, je pense qu’il va travailler encore mieux, parce qu’il connaît les joueurs qu’il a à sa disposition et les postes qu’il doit renforcer si nécessaire. Il trouvera une solution pour marquer plus de buts», affirme, non sans conviction, Gilberto Silva. Avec la hâte de revoir son grand ami à la manœuvre la saison prochaine.

Mehdi Arhab et Jérémy Docteur