Soccer Football - Ligue 1 - FC Nantes v Nimes Olympique - The Stade de la Beaujoire - Louis Fonteneau, Nantes, France - February 10, 2019 General view of fans looking at tributes left outside the stadium in memory of Emiliano Sala REUTERS/Stephane Mahe (Reuters)

«On lui disait au revoir pour la dernière fois» : FF vous raconte les adieux de Nantes et de la Beaujoire à Emiliano Sala

Pour la réception de Nîmes, le FC Nantes avait dédié ce dimanche à la mémoire d'Emiliano Sala, décédé à 28 ans. FF vous raconte une journée forte en émotions. Pour tout un peuple qui va maintenant chercher à tourner la page. Mais sans jamais oublier.

«Emiliano Sala, c'est le joueur dont rêve tout supporter. Un mec qui ne lâche rien, qui se bat pour le club et ses fans. Toujours disponible et souriant. Ce n'est pas forcément le meilleur qui a évolué au FC Nantes mais en termes d'implication, il est clairement dans les premiers. Un mec bien, tout simplement. Et c'est ça qui fait le plus mal.» Voilà trois jours que l'on avait eu la confirmation que le corps retrouvé en mer était bien celui d'Emiliano Sala. La fin dramatique de deux semaines où les interrogations étaient nombreuses. Avec la famille et les proches qui voulaient encore y croire. Le décès de l'Argentin, à 28 ans, a évidemment ému le monde entier. Et plus précisément à Nantes, où le joueur avait franchi plusieurs paliers sportifs. Pour s'offrir le plus grand challenge de sa carrière à Cardiff, qui avait investi 17 millions d'euros sur lui. Fauché cruellement en plein élan. Ce dimanche, le Football Club de Nantes avait prévu une journée hommage et forte en émotions pour ne jamais oublier leur ancien numéro 9. Places à neuf euros, des maillots noirs floqués des quatre lettres de Sala, un tifo à l'entrée des deux équipes, mais aussi un portrait installé aux abords du stade de la Beaujoire pour permettre à quiconque de venir se recueillir. Vendredi, le club avait également annoncé que le numéro 9 de Sala ne serait plus jamais porté.

C'est ainsi que tous les tickets pour ce Nantes-Nîmes ont été rapidement écoulés. Dix jours après la soirée inoubliable du match face à Saint-Étienne (1-1), tout un peuple s'était de nouveau donné rendez-vous. Comme pour illustrer que ce n'était pas un 10 février comme les autres, les allées de l'enceinte des canaris étaient noires de monde bien plus tôt que d'habitude.

Une heure avant le coup d'envoi, à 14 heures, un moment de recueillement était programmé devant le portrait d'Emiliano Sala. Environ 300 personnes avaient répondu à l'appel. Avec les mêmes mots qui reviennent pour décrire cet instant : «Pesant», «Lourd», «Silencieux». «C'était poignant, avoue Nicolas Télion, 22 ans. Des gens étaient en larmes. D'autres venaient déposer des fleurs, des dessins avec leurs enfants, des petits mots, des drapeaux, des écharpes. Il y a même une personne qui a laissé son maillot floqué Sala.» «C'était vraiment un recueillement, prolonge Christophe Bounlleau, 37 ans. Avec une petite minute d'applaudissements à la fin. Emiliano, c'était un Monsieur, il avait un grand cœur. On se rejoint tous là-dessus.»
 
Puis l'heure était venue d'entrer dans la Beaujoire. À l'échauffement, le portrait de Sala s'affichait également dans le rond central. De son côté, le groupe nantais accrochait un maillot de leur coéquipier sur les filets des cages. Comme pour que depuis tout là haut, "Emi" les accompagne malgré tout.

«Des gens étaient en larmes. D'autres venaient déposer des fleurs, des dessins avec leurs enfants, des petits mots, des drapeaux, des écharpes. Il y a même une personne qui a laissé son maillot floqué Sala»

De l'autre, les Nîmois déposeront un bouquet de jonquilles derrière l'un des buts.

«Tout était fait comme s'il était là»

Un geste unanimement salué par les supporters que nous avons joints. «Ils ont été magnifiques, félicite Sylvain. Avec une mention spéciale à Paul Bernardoni qui m'a semblé très touché dans ses gestes.» «C'est là qu'on a ressenti tous les applaudissements et qu'on ressentait beaucoup de peine pour les supporters et pour Emiliano, qui ne méritait pas ça», estime encore Baptiste Guillaume, l'attaquant nîmois.
À l'annonce de la composition des deux équipes, en plus du onze de Vahid Halilhodzic, le speaker canari évoquait et faisait répéter le nom et le numéro 9 d'Emiliano Sala. «C'était très touchant. Tout était fait comme s'il était là, remarque aussi Nicolas Télion. C'est ça qui était dur. Ça, avec en plus les cris des buts de Sala sur l'écran géant, avec une musique émotive. Les gens étaient vraiment très réceptifs. Avec des applaudissements, mais aussi de l'émotion. C'était un peu pesant, on sentait que c'était un match posthume.» À 14h57, la musique d'entrée des deux équipes était remplacée par le chant à la gloire de l'ancien numéro 9 : "C'est un Argentin, qui ne lâche rien. Emiliano Sala ! Emiliano Sala ! Emiliano Sala !"

Du côté de la tribune Océane, un tifo géant en noir et blanc affichait le numéro 9 retiré d'Emiliano Sala.

Les deux formations se rassemblaient ensuite autour du banc nantais pour la minute d'applaudissements respectée sur tous les stades de Ligue 1 et de Ligue 2 ce week-end. «Le plus beau moment du match», promet Sylvain. «Avec les applaudissements, les regards assez tristes, les pleurs. Des personnes du club attristées», décrit de son côté Baptiste Guillaume, l'attaquant du Nîmes Olympique, titulaire, buteur et passeur décisif. Aux quatre coins de l'enceinte, l'émotion était en effet au plus fort. «Je sentais les gens marqués, assure de son côté Nicolas Morin, abonné en Tribune Loire depuis huit ans. Je voyais par exemple un jeune de 13 ou 14 ans qui était littéralement en train de pleurer. C'est quand même fou. C'était un joueur de notre équipe, mais on ne le connaissait pas plus que ça. C'est dire qu'il a marqué tout le monde. On a tous au moins versé une larme depuis deux ou trois semaines.» Comme l'impression que tout un stade réalisait qu'il disait au revoir à leur "Emi". «C'étaient plus qu'onze joueurs. Les gens étaient tristes. Très peu avaient leur téléphone en main pour filmer, remarque Nicolas Télion. C'était vraiment un moment de recueillement. Le dernier adieu. On lui disait au revoir pour la dernière fois, ensuite la vie va retrouver son cours normal, ou presque. Car il va falloir avancer sans lui.»

«On lui disait au revoir pour la dernière fois, ensuite la vie va retrouver son cours normal, ou presque. Car il va falloir avancer sans lui»

Une minute d'applaudissements qui a également pu en soulager certains. «Elle a été très émouvante, confirme Antoine, 24 ans. Je crois que j'ai pris conscience à ce moment qu'il était parti. Donc cela a vraiment été dur en tribune mais l'enchaînement avec les chants a fait du bien. J'étais focalisé sur les joueurs et je me rappelais ce qu'on avait vécu avec Emiliano. Je me suis détruit la voix en chantant pour lui parce qu'il le mérite. Ça m'a permis de "passer à autre chose" même si on n'oubliera jamais. Ça met un terme aux semaines d'attente et d'incertitude.»

«L'esprit d'Emiliano restera au moins toute la saison»

Puis arrivait la neuvième minute. Pour un autre moment de communion. «Elle a été terrible également, se rappelle Nicolas Télion. Avec son portrait sur les écrans, tout le monde qui applaudit. Et ç'a duré bien plus qu'une minute, peut-être deux minutes trente.» Sur le terrain, en ce qui concerne les vingt-deux acteurs du match, l'impression était la même. «C'était un match spécial, complètement, décrit Baptiste Guillaume, joint par FF. Je ne vais pas dire que l'atmosphère était pesante mais elle était assez lourde à gérer, d'autant plus pour les supporters et les gens proches d'Emiliano, comme les joueurs. J'avoue que c'était assez compliqué de se mettre dedans.» Mais il a bien fallu faire avec. «On sait que c'est notre métier et il faut savoir faire abstraction. Cela a été un peu compliqué au début. Mais avec le temps, on essaie de ne pas trop y penser et de faire le boulot. On a senti qu'il était très aimé, et ça ne m'étonne pas.»

Puis le match devait bel et bien avoir lieu, théâtre de débuts parfaits pour les Nantais (deux buts en 38 minutes). Avant de complètement s'écrouler en seconde période et d'encaisser quatre buts. Pour un revers 4-2 à la maison qui n'arrange pas les affaires sportives du FCN (15e, cinq points d'avance sur la place de barragiste). «Ç'a un peu calmé tout le monde, confirme d'ailleurs Nicolas Morin. Il va falloir passer à autre chose parce que ça chauffe derrière pour le maintien.»

Faire perdurer sa mémoire, mais comment ?

Seule fausse note de l'après-midi ? À écouter la voix de plusieurs supporters, au-delà de cette lourde défaite, certains regrettaient le manque de chants durant la rencontre pour accompagner les adieux à Sala. «Par rapport à Saint-Étienne, j'ai été un peu déçu, lance Christophe Bounlleau. Le stade était plein mais avec beaucoup moins d'ambiance. Quand on voit que, la semaine dernière, on entendait un stade entier qui chantait. Là, on a senti que c'était un peu mou. Ce n'était pas pareil. Est-ce qu'on était un peu plus dans le deuil ou pas, je ne sais pas...» En fin de rencontre, certains sifflets regrettables se faisaient entendre dans un coin du stade de la Beaujoire. «Mais cela a été très vite couvert par des applaudissements, c'était une minorité», explique Nicolas Télion. Après une dernière communion avec les joueurs nantais, l'heure était de quitter les travées. Avec, pour certains, un dernier crochet par le portrait d'Emiliano. «J'espère qu'il y sera très longtemps», demande Antoine. L'occasion aussi de venir floquer son pull "Sala" comme ce Monsieur devant la boutique officielle.

Et maintenant ? Oublier ? Impossible. Faire perdurer sa mémoire ? Sûrement. Mais comment ? «Ce n'est pas une étape finale. L'esprit d'Emiliano restera au moins toute la saison. Il est toujours là», affirme Christophe Bounlleau. «Pour faire perdurer sa mémoire, je suis pour l'organisation d'un tournoi de jeunes portant son nom, propose Sylvain. En inculquant les valeurs d'Emiliano qui devraient être celles de tout bon joueur de foot. Ce serait très beau.» On ne doute pas que le FCN réfléchira dans les prochaines semaines à certaines initiatives. Pour le moment, après trois semaines en plein cauchemar, c'est tout Nantes qui va ouvrir une nouvelle page. Celle de l'après. Mais sans jamais oublier Emiliano Sala.

Timothé Crépin