matuidi (blaise) (B.Papon/L'Equipe)

«On l'appelait chewing-gum», «Un lâche rien», «Une sangsue» : L'activité et l'abattage de Blaise Matuidi racontés par des anciens coéquipiers

Blaise Matuidi fête ses 33 ans cette semaine. Si le champion du monde 2018 a toujours été loué pour son abattage et son activité sur un terrain, qu'en est-il vraiment pendant une rencontre, dans l'intensité d'un match ? Des anciens coéquipiers racontent.

Laurent Batlles* : «Blaise est capable de remplir plusieurs fonctions à la fois»  
«Ce qui m’a très vite impressionné, mais cela ne va pas vous surprendre, c’est son abattage. Lors des tests physiques, il était très au-dessus de la moyenne. Après, vous apprenez à le connaître, à en savoir plus sur son jeu et vous découvrez énormément de qualités. Je ne l’ai connu qu’un an car il a signé au Paris Saint-Germain dans la foulée et ce que je peux dire c’est que c’était mérité. Ce qui est précieux avec Blaise, c’est également sa fiabilité. C’est quelqu’un - je touche du bois - qui est très peu blessé et qui enchaîne les matches avec constance. Au départ, il courait un peu dans tous les sens, par manque d’expérience. Mais il s’est ensuite canalisé au fur et à mesure des saisons et est donc devenu de plus en plus précieux.

L’une de ses forces, c’est qu’il a toujours su se garder de faire ce qu’il ne savait pas faire. C’est une marque d’intelligence que de savoir rester dans son registre. Au-delà de ça, c’est quelqu’un qui donne tellement pour un collectif qu’il permet aux individualités d’avoir un meilleur rendement. Ç'a toujours été quelqu’un de travailleur et d’irréprochable. Il a toujours été à l’écoute des conseils, aussi. Son utilisation dans le 4-4-2 de Deschamps ? Ça ne m’a pas forcément surpris car Blaise est capable de remplir deux fonctions à la fois ! Voire plus. Il est à la fois capable de se projeter, de centrer, de bien défendre… Et en plus de tout cela, il compense les courses des autres et ça, le sélectionneur l’a bien compris. Je crois que tous les entraîneurs aimeraient disposer d’un joueur comme lui dans leur effectif.» T.P.
 
*Son coéquipier à Saint-Etienne lors de la saison 2010-11.

«L'une de ses forces, c'est qu'il a toujours su se garder de faire ce qu'il ne savait pas faire. C'est une marque d'intelligence que de savoir rester dans son registre.»

Laurent Battlès et Blaise Matuidi, époque stéphanoise. (ALEX/PRESSE SPORTS/PRESSE SPORTS)

Jérémie Janot* : «Il suffit de faire un toro pour comprendre»
«Quand il arrive à Saint-Etienne, c'est un gros espoir. A chaque mercato, on entendait qu'il y avait déjà des offres de gros clubs pour lui. Et ces gros clubs-là, ils ne se trompent jamais. Il s'est tout de suite imposé, et c'est vrai qu'il suffit de faire un toro avec Blaise pour comprendre. Il a cette faculté : tu crois qu'il ne va pas avoir le ballon... mais il l'a ! Et ça c'est incroyable. L'activité, l'abattage... Cette capacité à toujours harceler, faire des allers-retours. Un vrai box-to-box. C'est quelqu'un qui répète les efforts, qui répète les matches. Tu as l'impression qu'il n'a jamais de trous, tellement il a un abattage énorme quoiqu'il arrive... C'est un "lâche rien". Il a été capitaine chez nous, il aime bien les responsabilités, il les assume.»
 
*Son coéquipier à Saint-Etienne entre 2007 et 2011.

Depuis son poste de gardien, Jérémie Janot observait facilement l'activité de son ancien coéquipier. (LAHALLE/L'Equipe)

On jouait en 4-4-2 losange avec Jean-Marc Furlan. Blaise était donc seul en sentinelle. Mais je le voyais courir partout, je lui demandais régulièrement où il allait ! Voilà, c’est ça Blaise. Et vous êtes obligé d’avoir un joueur comme ça dans votre équipe si vous voulez aller loin. Son profil atypique suscite des critiques mais sa carrière plaide pour lui et prouve la valeur de ce joueur. Ceux qui ne souhaitent voir que des joueurs de PlayStation dans leur équipe n’ont rien compris. Les Italiens ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. Je me souviens de son premier match à domicile, les tifosi l’ont encouragé dès ses premières touches de balle. Tout le stade l’applaudissait et c’était une marque de reconnaissance. Je crois que les gens qui connaissent le football sentent que Blaise est quelqu’un qui ne te la fera jamais à l’envers. C’est un mec de devoir, tu sais que tu peux compter sur lui. Il apporte un équilibre et entraîne les autres avec lui. Et ça, ça n’a pas de prix.» T.P.

*Son coéquipier à Troyes entre 2005 et 2007, consultant beIN Sports pour la Serie A.

Gregory Paisley* : «Il apporte l’équilibre et ne te la fera jamais à l’envers»
«On le connaît, on connaît sa gestuelle, mais ce qui m’a très vite impressionné, c’est le coffre. La deuxième chose, c’est qu’il y a beaucoup de joueurs qui défendent en reculant, en essayant d’emmener leur adversaire vers un endroit. Pas lui. Lui, malgré son jeune âge à l’époque, il défendait déjà en avançant. Il allait agresser le porteur et ça ce n’est pas donné à tout le monde. Quand Blaise déclenche un pressing, il ne fait pas semblant. Il a toujours été dans cet esprit d’aller chercher le ballon et le joueur adverse. Il a fallu qu’il apprenne à se canaliser mais aujourd’hui encore, c’est quelqu’un qui ne compte pas ses efforts, c’est plus fort que lui. Il était déjà comme ça à l’entraînement avec l’ESTAC. Lors des séances, je lui demandais parfois de se calmer ! Quand on dit qu’un joueur joue comme il s’entraîne, je peux vous dire que cela se vérifie avec Blaise.

«Lors des séances, je lui demandais parfois de se calmer ! Quand on dit qu'un joueur joue comme il s'entraîne, je peux vous dire que cela se vérifie avec Blaise.»

A Saint-Etienne, on l'appelait chewing-gum. Il arrivait à te prendre le ballon dans n'importe quelle position, tu ne savais pas comment... Parfois, il était derrière un joueur et il parvenait à enrouler sa jambe. L'un des rares joueurs que j'ai connu qui arrivait à récupérer un nombre incalculable de ballons dans les pieds de l'adversaire. Et sans faire faute. Puis il relançait. C'était sa grande force. A 21 ans, c'était un mort de faim. Que ce soit en match ou lors de petits jeux à l'entraînement, tu étais trop content de l'avoir dans ton équipe.» T.C.
 
*Son coéquipier à Saint-Etienne entre 2007 et 2009.

Geoffrey Dernis, à gauche, avec "Robocop" Landrin et Blaise Matuidi. (E.Renard/L'Equipe)

A ce poste-là, Troyes n’a jamais pu le remplacer. Des joueurs comme ça avec son volume de jeu il y en a peu. C’était une sangsue toujours en train de presser d’aller vers l’avant. Quand on jouait à côté de lui, on savait que l’adversaire allait passer une soirée difficile. Blaise était toujours dans la recherche de progresser aux entrainements. Il se remettait en question tous les jours. Tout de suite, on a compris qu’il allait faire une bonne carrière.» E.G.
 
*Son coéquipier à Troyes entre 2004 et 2007.

Geoffrey Dernis* : «A Saint-Etienne, on l'appelait chewing-gum»
«A chaque début de saison, tu as toujours des tests à faire. Des tests de vameval. Blaise Matuidi, c'est quelqu'un qui tant qu'il n'était pas premier, il continuait. C'était une vraie machine. A l'époque, on avait Christophe Landrin, qu'on appelait Robocop aussi. Et Blaise et Christophe, quand on a fait le test de vameval, on était à 23 ou 24 km/h, ce qui est énorme en sachant tout ce que tu avais fait avant. Et il n'y en avait aucun des deux qui voulait lâcher. Blaise avait des capacités hors normes et un super mental, déjà, à son âge. En match, quand tu avais Blaise au milieu, qui pouvait travailler pour deux, pour les éléments offensifs, c'était un pur régal. Ce n'est pas qu'on jouait un peu la carotte, mais des fois tu savais très bien que si tu étais en retard défensivement ou pas à 100%, tu savais que Blaise était là pour compenser. Car en plus d'avoir un gros abattage, il avait une superbe lecture du jeu. Ç'a été un ratisseur de ballons monumental.

«Que ce soit en match ou lors de petits jeux à l'entraînement, tu étais trop content de l'avoir dans ton équipe.»

Jean-Louis Montero* : «Sur le terrain, il ne se faisait pas bouger, il n’avait pas peur»
«Le club venait d’être rétrogradé financièrement, et on venait d’être repris in extremis. Donc on avait un groupe très réduit. Au bout de cinq, six matches, Blaise s’est intégré à notre groupe. Et ensuite il ne l’a plus jamais quitté. La première chose qui m’a impressionné, c’est qu’on avait l’impression que ça faisait quinze ans qu’il était là. Il avait beaucoup d’envie, aucune timidité dans le jeu, il a mordu dedans à 200%. Il courait partout. En principe, quand on rentre dans un groupe pro et qu’on a 16, 17 ans, on est un peu timide sur le terrain, mais lui non, il donnait tout. C’était une belle surprise. Les automatismes ont été très, très rapides. Il perdait un peu plus de ballons car il manquait un peu d’expérience, mais il était très fougueux, il se projetait beaucoup vers l’avant, il prenait des risques. Avec l’expérience, il s’est amélioré sur ce point-là. Sur le terrain, il ne se faisait pas bouger, il n’avait pas peur. Mais ce n’était pas un leader, car l’équipe avait beaucoup de joueurs de plus de 30 ans. Mais, intrinsèquement, il n’y avait pas de différence entre lui et nous.

«C'était une sangsue toujours en train de presser d'aller vers l'avant. Quand on jouait à côté de lui, on savait que l'adversaire allait passer une soirée difficile.»

Emile Gillet, Thymoté Pinon et Timothé Crépin