eyraud (jacques henri) (N.Luttiau/L'Equipe)

OM, à qui la faute ?

C'est la crise à Marseille. Balayé 3-0 à Montpellier au coeur d'une seconde période catastrophique, l'OM a failli. Et ça paraît grave. À qui la faute ? FF cible les secteurs et les personnalités pas vraiment à la hauteur. Avec l'avis d'Albert Émon.

Des patrons en panne

Tout de suite, ça se voit : avec un Dimitri Payet et un Florian Thauvin à un très bas niveau, c’est tout l’OM qui bégaye. Cela s’est encore vu à la Mosson dimanche. Il est clair que les deux patrons techniques olympiens sont à la peine dernièrement. Pas de but, pas de passe décisive, de la maladresse bien étonnante comme cette énorme occasion vendangée par Payet dimanche à Montpellier (33e, 0-0). Derrière, les autres ne parviennent pas vraiment à s’affirmer. Autre patron en panne : Luiz Gustavo, qui n’a plus le même rayonnement même s’il est loin d’être le plus décevant de la bande… Des faillites individuelles qui se sont propagées sur un collectif qu’on a vu moribond en seconde période, semblant lâcher le navire à la première difficulté.

Lire :
-Franck Passi sur la situation de l'OM : «Il y a des manques»

SOS défense

La statistique, dévoilée par OPTA dimanche soir, fait très mal : Marseille a encaissé 21 buts en 12 matches de Ligue 1. Un chiffre qui n’avait pas été aussi élevé depuis la saison 1984-85 à ce stade de la compétition ! Le plus gros problème de l’OM est peut-être bien celui-là. Les Phocéens n'ont gardé leur cage inviolée qu’à deux reprises sur leurs dix dernières sorties toutes compétitions confondues. S’il effectue un début de saison décevant, Steve Mandanda ne peut pas être incriminé sur le naufrage montpelliérain tant, comme le dit Franck Passi (à lire ici), sans lui, l’addition aurait pu être bien plus lourde. C’est davantage un ensemble : entre la défense passoire d’un Adil Rami incapable de passer la première cette saison et le milieu de terrain d’un Kevin Strootman qui peine à justifier l’investissement effectué à son sujet cet été. Finalement, c’est bien collectivement et tactiquement qu’il y a un vrai problème dans l’organisation de cet OM-là.

Lire :
-Marseille sombre à Montpellier
-Les notes du match

Rudi Garcia

Deux ans déjà. Des sourires enjoliveurs, de franches poignées de main, de très (trop) hauts objectifs... En cette fin octobre 2016, le Champions Project est lancé, Rudi Garcia, les rênes en main, promet des jours meilleurs. Que retenir depuis ? Bien sûr, le redressement notable d'un club à la dérive à l'époque. Sans oublier l'émotion d'une finale de Ligue Europa avec une campagne échevelée comme on les aime du côté de Marseille. Mais à la longue, l'usure s'installe. Les joueurs ne semblent plus adhérer au discours de l'enfant de Nemours. On ne peut sans cesse tirer sur la ficelle du psychologique et espérer obtenir des résultats. Rudi Garcia doit se remettre en question. Il a su le faire la saison passée en passant à une défense à trois efficace en C3. Mais depuis le début de l'opus 2018-19, l'ancien de la Roma navigue à vue. Sorti du 4-3-3 ou du 4-2-3-1, aucune innovation n'a été imaginée pour surprendre l'adversaire.

Débat : Garcia est-il le premier responsable de la situation actuelle ?

Pis encore - et c'est la chose la plus inquiétante - en deux saisons, l'OM n'a acquis aucune identité de jeu. La folie, ça peut marcher un instant, les idées, c'est sur du long terme. Dimanche, à la Mosson, tout a explosé. Cette équipe a le cul entre deux chaises. Elle est fragilisée et sans capitaine à la barre, le bateau tangue violemment. Elle veut absolument défendre pour ne pas encaisser de but en premier, mais elle renie ses idéaux et souille la devise du club : «Droit au but.» Rudi Garcia en est le responsable. C'est à lui d'insuffler à nouveau de la fraîcheur et de trancher enfin dans ses choix. Stop à la demi-mesure ! Mitroglou ou Germain ? Il faut mettre un neuf titulaire et arrêter de flinguer la confiance des deux hommes en leur laissant croire qu'ils sont, tour après tour, indispensables. Amavi ? Il est temps d'installer Hiroki Sakai sur le flanc gauche, l'ancien Niçois ne met plus un pied devant l'autre depuis des lustres (voir ci-dessous) ! Il est aussi temps de donner du temps de jeu à Radonjic et Caleta-Car, des recrues qui ont coûté cher et qui sont en train de moisir sur le banc. Il est temps de se reprendre en main pour ne pas faire subir aux supporters phocéens une énième saison sans titre et sans podium. Garcia n'a plus le choix.

Elle veut absolument défendre pour ne pas encaisser de but en premier, mais elle renie ses idéaux et souille la devise du club : «Droit au but.»

Jordan Amavi

4 octobre 2017. Blessé, Layvin Kurzawa doit déclarer forfait pour le rassemblement de l’équipe de France. À sa place, Didier Deschamps décide de faire appel à Jordan Amavi. Une première chez les A pour le Marseillais récompensé alors d’un début de saison convaincant. Un peu plus d’un an après, l’ancien Niçois est loin, mais alors très loin des Bleus. En 2018, les matches se suivent et se ressemblent pour Amavi, incapable de redresser la barre d’un niveau en véritable chute libre. On l’a encore vu dimanche à Montpellier où il perd trop facilement le ballon sur les deuxième et troisième buts du MHSC… Avec, en toile de fond, un problème majeur : la non-concurrence au poste d’arrière-gauche. Rudi Garcia n’étant visiblement pas encore convaincu par les qualités du jeune Christopher Rocchia (20 ans) ni par un Hiroki Sakai qui avait pourtant bien dépanné à ce poste cette saison. Le tout, alors que l’OM n’avait pas trouvé chaussure à son pied lors du dernier mercato…

Un mercato raté

Sur le papier, le mercato estival de l'OM était correct : un jeune défenseur prometteur (Caleta-Car), un ailier (Radonjic) qui restait sur de très bonnes performances et un milieu expérimenté (Strootman). Mais, au regard des résultats actuels, et des "performances" de ces trois hommes-là, c'est finalement se demander si Marseille a visé juste avec ces 54M€ dépensés. Difficile, notamment pour Caleta-Car et Radonjic de déjà parler d'erreurs de casting tant leur temps de jeu ne leur a pas permis de véritablement se montrer. Tout en n'oubliant pas que ces deux éléments débarquaient de Championnats inférieurs à la Ligue 1 (Autriche et Serbie). Même s'il est vrai qu'ils ont pu se "distinguer" par plusieurs maladresses et prestations bien moyennes (Nîmes, Francfort, ...). Quant à Kevin Strootman, propulsé titulaire d'emblée après avoir été recruté contre 25M€, il ne doit pas forcément être le plus sujet aux critiques même si on est en droit d'attendre plus de constance de sa part. Au-delà du fameux "Grantatakan" d'un OM qui reste tout de même la deuxième attaque de Ligue 1 actuellement, c'est à se demander si Marseille ne s'est pas raté quantitativement. En effet, il n'est pas interdit de dire qu'un arrière gauche et un défenseur central supplémentaire n'aurait peut-être pas été de trop en ce moment...

Des dirigeants dépassés ?

Un président qui s'épanche étrangement sur l'évolution du football et sur la Super Ligue fermée européenne, un actionnaire quasiment invisible : les dirigeants olympiens, Jacques-Henri Eyraud et Frank McCourt en tête peuvent aussi être dans le viseur de cette situation. Notamment de celui des supporters, qui peuvent, à raison, leur reprocher la faillite du recrutement d'un numéro 9 cet été. On peut aussi se demander si le timing de la prolongation de Rudi Garcia, annoncé le même week-end que le Classique face au PSG, était le bon. On peut aussi pointer du doigt différentes déclarations qui n'ont pas forcément fait du bien à l'OM : pour ne citer que le fameux Champions Project ou les petites phrases de McCourt sur le fait que son OM devait jouer le titre et la Ligue des champions chaque année. Question communication, ça l'a fout mal. Il sera intéressant, dans les prochains jours, les prochaines semaines d'observer la gestion de crise d'un "couple" qui n'a peut-être pas l'habitude d'une telle tempête...

L'avis tranché d'Albert Émon* : «Mentalement, ils n'ont pas 90 minutes, et ça c'est terrible»

«Je ne pense pas qu'il y ait vraiment un fautif. C'est un mauvais départ, c'est irrégulier c'est vrai, mais ça reste une équipe de grande valeur. Si on analyse bien la première période contre Montpellier, il y avait quand même des actions de qualité. Il n'y a ni la faute d'un entraîneur ou d'une autre personne, c'est collectif. De dire que c'est la défense, que c'est l'attaque, c'est vraiment trop simple. Je pense que le collectif est pour beaucoup dans le football actuel. Garcia a mis en place une tactique, un 4-3-3 avec une base solide où il y a des joueurs expérimentés. Devant, vous avez trois joueurs qui, normalement, mettent pas mal de buts. Mais, mentalement, ils n'ont pas 90 minutes, et ça c'est terrible. Question recrutement, je pense que l'OM voulait vraiment Balotelli, ou du moins un attaquant de plus, mais peut-être qu'ils n'ont pas eu les possibilités financières, ou que cela a trop tardé. Et puis, l'an dernier, les deux attaquants marquaient des buts, il n'y avait pas de problème majeur à ce poste. Enfin, il y a plein de paramètres qui peuvent laisser penser que les joueurs ne sont pas dans la meilleure forme possible, comme la Coupe du monde pour les internationaux. Amavi est un joueur offensif, qui apporte vraiment un plus. Mais c'est vrai qu’il a un peu de mal défensivement. Payet est certainement un peu plus fatigué que les autres, il y a des périodes comme ça…»

*Ancien entraîneur de l'OM

Johan Tabau, Timothé Crépin et Erwan Issanchou