kamara (boubacar) (E. Garnier/L'Equipe)

Olympique de Marseille : Boubacar Kamara, de minot à costaud

La charnière centrale de l'OM lui était promise à moyen terme. Mais le talent n'attend pas. A 19 ans, Boubacar Kamara a conquis une place de titulaire cette saison. Avec un aplomb déconcertant.

On dit des Marseillais qu’ils ne craignent “dégun”. Entendez personne. L’adage phocéen est sûrement vrai pour Boubacar Kamara, 19 ans, originaire du 9e arrondissement de Marseille et auteur de 30 matches de Ligue 1 cette saison avec l’OM. Pourtant, début 2016, du haut de ses 16 printemps, certainement que le central olympien a trembloté lors de ses premiers pas en senior, avec la CFA, alors qu’il était doublement surclassé des U17. A la vue des Anguissa, Sparagna et autres espoirs marseillais de l’époque, ses yeux ont sans doute trahi un soupçon d'appréhension. De ses entraînements initiaux, une scène le marquera. Celle de son coach, alors Thomas Fernandez, qui s’adresse au cercle de joueurs qui lui fait face, prend un ballon et l’envoie dans ses bras de minot. Tous les regards se braquent alors sur sa gueule d’ange. «Il m’a dit : “Regardez bien ce ce petit-là, il a gagné sa place de titulaire pour le match de samedi”», racontait Kamara en mars dernier à l’AFP. 

Stéphane Sparagna, son coéquipier en charnière lors de ce baptême, n’a rien oublié des débuts prometteurs du natif de la cité phocéenne : «Le coach m’avait dit de lui parler, de le guider. Et ça s’était parfaitement passé. Il s’était montré serein et sérieux, malgré son jeune âge. Très costaud aussi, alors que ce n’est pas le plus grand physiquement.» Sa performance est telle qu’il n’a plus quitté le groupe. La saison suivante, Jacques Abardonado, nouvel entraîneur de la réserve olympienne, en fait même un titulaire indiscutable. «Il a un excellent jeu de tête, une grande intelligence de placement et un sens de l’anticipation très développé. Boubacar sait lire et anticiper les courses adverses et les ballons en profondeur. Puis, techniquement, il sait tout faire avec le ballon», analyse l’ancien défenseur marseillais surnommé Pancho.  

«Il a un excellent jeu de tête, une grande intelligence de placement et un sens de l'anticipation très développé.» (Pancho Abardonado, son ancien coach)

Arrivé à cinq ans à l’OM, le minot de la Soude a traversé toutes les catégories du club avant de signer son premier contrat pro début 2017. Avec notamment un passage en U13 sous les ailes protectrices de Bernard Ambrosino, formateur pas surpris de l’évolution de sa petite pépite : «Il rayonnait par son calme, la maîtrise de ses nerfs, par sa sobriété... A l’école de foot, il a toujours été un espoir. Mais pour moi, c’était plus. C’était une évidence. Il n’y a pas de secret, s’il a évité les blessures et réalisé ce parcours, c’est qu’il a toujours été très sérieux et intelligent. Puis, Bouba, il vit OM, il dort OM, il mange OM…» 

Aisance technique, sens de l'anticipation, sérénité absolue

La maturité n’aurait pas d’âge. L’inébranlable tranquillité du jeune Boubacar Kamara en témoigne. Et impressionne en interne. «Je me souviens d’un match contre Mont-de-Marsan où il avait été monstrueux. C’était fou, il contrait tout et dribblait même devant sa surface. La sérénité qu’il affiche est extraordinaire. Elle lui est bénéfique mais donne aussi confiance à ses coéquipiers car il la propage sur le terrain», ajoute son ancien entraîneur en National 2. Les prédispositions paraissent évidentes. Et on ne fait pas attendre le talent. Rudi Garcia le sait trop bien et lance le gamin lors du huitième de finale de Coupe de la Ligue face à Sochaux (défaite 1-1, 5-4 aux tab), un 13 décembre 2016. A ce moment, Marseille sait, pour l’avoir fait grandir en son sein, que c’est une de ses plus belles perles qu’il vient de lancer dans le grand bain.   

«Bouba, il vit OM, il dort OM, il mange OM...» (Bernard Ambrosino, son ancien coach)

Des tribunes à la pelouse

Son rêve de fouler la pelouse du Vélodrome s'exhausse en septembre 2017 lors d’un match face à Konyaspor (victoire 1-0) en Ligue Europa. L’international français U20 devient dès lors le plus jeune joueur de l’histoire de l’OM titularisé en Coupe d’Europe (17 ans et 10 mois). Un record au goût d’accomplissement. Mieux, de rêve de gosse pour celui qui, enfant, arpentait les tribunes endiablées du Vélodrome avec sa maman Cathy, longtemps abonnée chez les Yankee. «C’est une fierté immense d’évoluer dans son club formateur mais surtout dans son club de coeur. Avant d’être joueur, on était supporter. Cela nous donne un supplément d’âme», explique Stéphane Sparagna, lui aussi fidèle à l’OM depuis les débutants, avant de s’envoler vers Boavista (Portugal) en 2017.

Sa marge de progression fascine. Sa cote sur le marché européen explose. Mais son contrat expire en juin 2020.... Bien que son coeur soit indéniablement olympien. «Quel jeune de l'OM ne rêverait pas de prolonger avec son club ?», avait-il déclaré, spontanément, en conférence de presse le 6 avril dernier. Malheureusement le romantisme footballistique se noie souvent dans les négociations salariales et les intérêts divers. Pour le moment, un simple désaccord sur la durée du futur bail ne cesse de repousser sa prolongation, selon L’Equipe. Sur le rectangle vert, «Bouba» a d’autres chats à fouetter. Notamment un Mondial U20, à partir du 23 mai, qu’il jouera en tant que capitaine des Bleuets. Dans le sillage de son coéquipier Thauvin, champion du monde U20 en 2013 et champion du monde tout court en 2018, rien ne peut le dévier de son chemin. Personne. Dégun. 

Augustin Audouin

«Bouba», qui chantait des gradins à la gloire des Phocéens, a pu expérimenter, cette fois du terrain, l’inégalable ferveur du peuple marseillais lors du grandiose quart de finale retour de C3, la saison dernière, face à Leipzig (1-0, 5-2). «Il y avait tellement de bruit qu'on est rentré aux vestiaires avec mal aux oreilles à la mi-temps. A la fin je m'étais cassé la cheville. Il restait encore sept minutes sur le terrain, c'était vraiment long, mais quand Hiroki (Sakai) a marqué, là ça a explosé tellement que je n'avais même plus mal à la cheville !», confiait-il à l’AFP en mars dernier.

«Il a la capacité de créer des décalages, de casser les lignes»

Puis, ses petites piges en Ligue 1 et Ligue Europa - dans l’axe, au milieu et dans les couloirs droit ou gauche - se sont transformées en contrat à durée indéterminée en charnière centrale en 2018-2019. Cette saison, le défenseur d’1,86m a enchaîné 26 titularisations dans l’élite. Aux côtés de Luis Gustavo, de Rami et surtout de Caleta-Car, le droitier a discrètement mais solidement fait son trou. Et épate par la propreté de ses interventions (une moyenne de 2,1 tacles par match pour 0,8 faute) et l'intelligence de son positionnement, toujours pensé pour faciliter l’interception. «Il pourrait peut-être prendre plus de risques dans les relances. Pour l’instant, il assure le coup défensivement. Il a la capacité de créer des décalages et de casser les lignes par la passe. Il peut devenir un incroyable central», assure Pancho Abardonado. Bernard Ambrosino ne le contredit pas : «Ce n’est que mon avis mais pour moi, il est destiné à être un grand défenseur.» 

«Quel jeune de l'OM ne rêverait pas de prolonger avec son club ?» (Boubacar Kamara)