andersen (joachim) (A.Martin/L'Equipe)

OL : Joachim Andersen, l'éducation danoise

Pur modèle de la pédagogie danoise, à la fois sur le terrain et en dehors, Joachim Andersen s'est bien exporté partout il est passé. Quand bien même ses débuts à Lyon laissent croire le contraire. Portrait.

Jour de présentation, accoutré dans un costume impeccable, mine décontractée et mèche blonde parfaitement sculptée, Joachim Andersen a des airs de premier de la classe. Il parle de façon posée, pèse chacun de ses mots. Si sa réputation ne le précédait pas, il passerait aisément pour un jeune cadre de la section marketing de l'OL. Mais la réalité est toute autre : le Danois au minois de mannequin est devenu, en juillet dernier, la recrue la plus coûteuse de l'histoire de Lyon (avant d'être repris en vol par Jeff Reine-Adelaïde quelques semaines plus tard), moyennant 24 millions d'euros. Un des visages d'une équipe lyonnaise new look, prise en main par le duo brésilien Sylvinho-Juninho, et un vaste chantier, déjà marqué par les interrogations tactiques. L'entraîneur brésilien le martèle jour et nuit : il faudra du temps, encore davantage pour ses nouvelles ouailles qui ont débarqué dans un club en pleine mutation. Et pour Andersen, récupérer complètement d'un pépin physique qu'il traînait depuis avril. «Je me sens de plus en plus en confiance après ma blessure et après avoir enchaîné les matches avec l'équipe, lâche l'intéressé. Je suis sûr que je vais encore évoluer pour jouer un plus grand rôle, à la fois en défense mais aussi dans la construction du jeu depuis l'arrière.» Confiant. Fidèle à lui-même, surtout. Il faut bien l'être quand, très tôt, l'étiquette de grand espoir danois vous colle à la peau.

Tête sur les épaules, habile balle au pied

«Quand vous regardez les jeunes joueurs danois de son âge qui sont partis à l'étranger, peu ont réussi, confie Uffe Pedersen, ancien entraîneur adjoint des U21 de la sélection nationale. Ce n'est pas très dur de jouer au Danemark. Mais quand vous allez à l'étranger, il faut s'affirmer. Vos coéquipiers vous mettent la pression car ils veulent votre place. Mais Joachim sait gérer ça. Plus grosses étaient les équipes que l'on jouait, meilleur il était.» Tout en assumant ce qui fait sa particularité, celle d'un défenseur particulièrement habile ballon au pied. Il faut dire que le bonhomme a été trimballé de poste en poste dans sa jeunesse, une façon pour son entraîneur de l'époque, Jens Frankoch, de mettre son talent et sa maturité athlétique à l'épreuve. «Il était attaquant surtout, parfois ailier, mais il pouvait jouer n'importe où. Il aurait même pu être gardien tellement il était doué. Je pensais qu'il allait finir arrière droit car il était très offensif et rapide.» Rapidement, il se coule dans le moule stéréotypé du défenseur danois et impressionne dans tout le pays, de la ville de Greve, où il fait ses débuts, à Copenhague et Herning, où il signera à 15 ans en faveur de Midtjylland, son club de coeur.

Il passe par toutes les catégories jeunes de la sélection nationale et devient capitaine en U19. Mais sa formation exclusivement danoise souligne, comme pour d'autres de ses coéquipiers, quelques manquements énoncés par Uffe Pedersen : «Nous avons passé beaucoup de temps à travailler avec nos défenseurs pour qu'ils soient bons avec le ballon, dans la relance, pour construire le jeu. Mais nous avons parfois oublié l'aspect défensif.» Même si pour l'ancien technicien, Andersen était «différent, jamais pris de vitesse car toujours bien placé», le principal intéressé a également eu cette réflexion. Et peut-être la crainte de se claquemurer dans le carcan du bon relanceur mais mauvais défenseur. De quoi le pousser à plier bagage à 17 ans pour Twente puis à 21 à la Sampdoria pour s'octroyer de nouvelles casquettes. «Giampaolo était considéré comme l'un des meilleurs entraîneurs pour organiser une défense en Italie, souffle un proche pour expliquer ce départ prématuré en Serie A. Et le club avait d'excellents antécédents de développement de jeunes joueurs et de ventes à de grands clubs, comme Milan Skriniar.» «Beaucoup de gens ont été surpris par son départ en Serie A. Niels Frederiksen (l'entraîneur danois des U21 à l'époque, NDLR) m'avait dit qu'il était sceptique car il pensait que ça serait un trop grand bond en avant, raconte Jonas Ryefelt, journaliste au journal Ekstra Bladet. Mais il a travaillé très dur pour savoir quand être agressif et quand adopter une attitude plus posée

«Beaucoup de gens ont été surpris par son départ en Serie A. Son entraîneur en U21 était sceptique car il pensait que ça serait un trop grand bond en avant» (Jonas Ryefelt, journaliste à Ekstra Bladet)

Start-up nation, Lego et vol de sodas

Il faut du courage pour, si jeune, assumer des choix de carrière potentiellement lourds de responsabilités. Mais le gamin est bien entouré, suivi et poussé par son père depuis son plus jeune âge. Entraîneur, puis tout à la fois dirigeant de club et homme d'affaires dans la production de plastique pour Lego, Jacob Andersen a appris au fiston à régler sa vie comme du papier à musique. Joachim a beau être footballeur, sa carrière dessine parfois même des contours entrepreneuriaux. «Il a engagé beaucoup de personnes pour l'accompagner : un agent, un analyste qui lui fait des retours après chaque match, un avocat spécialisé dans le droit du sport, un physio réputé pour être l'un des meilleurs de Scandinavie et un coach mental», murmure un membre de son entourage. Andersen, qui suivait un cursus de commerce international à distance depuis son départ à l'étranger, a eu son diplôme l'été dernier, et tient déjà une holding en commun avec le paternel. Parce que le foot ne dure pas toute une vie, comme il l'a déjà dit et répété. Et Jonas Ryefelt raconte une autre anecdote : «Il avait un agent, Jens Orgaard, dont il a dû se séparer parce qu'il avait eu une relation avec sa mère. Il n'a jamais eu aucun problème avec ça, mais il a juste estimé qu'il était préférable de séparer affaires personnelles et vie professionnelle.»

A Twente, où il côtoie Hakim Ziyech, Andersen perfectionne sa rigueur défensive et gagne en leadership. Une étape essentielle avant son départ en Serie A. (L'Equipe)

Clair, net et précis. Même si ça ne l'a pas toujours été. Au Danemark, où le goût de l'effort et le bonheur au travail sont d'importance, Joachim Andersen a connu une période plus nonchalante. «Il pouvait manquer d'implication à l'entraînement ou dans les matches contre des petites équipes, rembobine Jens Frankoch. La seule chose qui m'inquiétait, c'était de voir s'il allait réussir à se dédier 100% au foot et adopter l'attitude adaptée au haut niveau, que ce soit dans l'hygiène de vie ou sur la concentration quotidienne.» Il se repose parfois sur son statut d'immense espoir, ce qui a pour conséquence d'irriter la figure paternelle. A Midtjylland, lorsqu'il était au centre de formation, il vole même un pack de sodas avec un coéquipier. Pris la main dans le sac par Claus Steinlein, aujourd'hui président du club, il est renvoyé deux semaines chez lui, avec comme punition la lecture et la dissertation d'un bouquin. S'en suit une soufflante familiale digne du hairdryer Sir Alex Ferguson : «Sois sérieux ou rentre chez toi et trouve-toi des études et un travail normal !», lui intime vivement son père Jacob, qui veut voir son fils faire la carrière dont il aurait rêvé pour lui-même, quelques années plus tôt. Un tournant dans le parcours du néo-Lyonnais.

De quoi favoriser son intégration, que ce soit en Italie, ou maintenant en France. A Lyon, il a emménagé avec sa compagne dans la périphérie de la métropole. «Je pense que je m'adapte bien, s'avance l'intéressé. On a un excellent groupe de joueurs, un staff formidable et des installations à la pointe de la technologie. J'ai commencé à apprendre le français, ce n'est pas facile mais comme je parle déjà italien, ça m'aide un peu.» Et s'il concède avoir connu des débuts délicats, encore un peu gêné par sa blessure estivale, le défenseur danois n'est pas inquiet pour la suite des événements. Reste à se fondre, comme d'autres, dans un collectif qui peine encore à se dessiner sous la houlette de Sylvinho. Et à prendre encore un peu plus ses marques en Ligue 1, où «il n'y a pas autant de possibilités qu'en Serie A en matière de passes vers l'avant.» Uffe Pedersen en est sûr, ses débuts hésitants sont anecdotiques : «Il a pu rencontrer quelques problèmes dans sa façon de jouer par le passé, mais dans ces cas-là, il redouble toujours d'efforts à l'entraînement et fait appel à ses ressources mentales pour rebondir. C'est quelqu'un qui déteste perdre. Il veut toujours gagner, peu importe comment.» Parce que c'est son projet !

«C'est quelqu'un qui déteste perdre»

Joachim Andersen ne s'est pas transformé en élève modèle du jour au lendemain, mais pas loin. Ses origines du nord du Danemark, où la population est connue pour son côté très terre-à-terre, lui ont vite rappelé l'humilité de rigueur. Y compris dans le monde du ballon rond. Dans un mélange de bonhomie naturelle et d'éducation très start-up nation, Andersen perçoit l'intérêt d'entretenir une excellente image extérieure. Sans pour autant être lisse. «Il a toujours le sourire aux lèvres et une attitude très positive avec les médias, éclaire Jonas Ryefelt. Cette ouverture lui a vraiment profité. Il a été suivi par la télévision danoise lorsqu'il a signé à Lyon, ce qui a rendu le battage médiatique encore plus important.» Ainsi, il entretient la réputation d'un mec aimable et très avenant dans son environnement. Ce qu'il est vraiment selon Ryefelt : «Cet été, il a rendu visite à ses coéquipiers U21 de la sélection alors qu'il était blessé et qu'il se dirigeait vers une nouvelle équipe. Son geste et ce qu'il a dit à propos de ses coéquipiers à ce moment-là en disent long sur lui en tant que personne.»

«Je pense que je m'adapte bien. On a un excellent groupe de joueurs, un staff formidable et des installations à la pointe de la technologie» (Joachim Andersen à France Football)

Antonin Deslandes (avec Justin Carayol)