roux (nolan) (NEGREL CHRISTOPHE/L'Equipe)

Nolan Roux : «La gagne et le plaisir, ça va ensemble»

Lors du dernier mercato, Nîmes a fait appel à lui pour l'aider dans son opération sauvetage. Depuis, en trois semaines, Nolan Roux a déjà marqué autant de buts que lors des sept premiers mois de l'année. L'attaquant aux 72 buts en Ligue 1 raconte ce plaisir de goûter de nouveau à l'élite.

«Comment avez-vous réagi quand Nîmes vous a contacté en janvier dernier ?
Ça ne m'a pas pris longtemps. Il me restait cinq mois (de contrat) à Guingamp. Ou alors c'était cinq mois en Ligue 1 à Nîmes. Ma réflexion a été assez rapide. Ça s'est fait vite.
 
Y avait-il une crainte de rejoindre une équipe alors très en difficulté en Championnat ?
C'est toujours compliqué quand on joue le maintien. Il y a une pression de résultats. Donc, oui, c'était un challenge à relever. Dans ma réflexion, j'y ai pensé. C'est le défi qui m'a plu. Pour être honnête, quand je suis arrivé ici, j'ai fait abstraction du classement et des résultats. Pour moi, c'était une nouvelle saison.

La fiche de Nolan Roux

Avant Nîmes, est-ce que vous pensiez que les portes de la Ligue 1 étaient fermées pour vous ?
Non. Même s'il y a eu la descente avec Guingamp (NDLR : en 2018-19), avec les cinq premiers mois en Ligue 2 où je n'ai pas beaucoup joué (NDLR : 14 apparitions, 4 titularisations, 2 buts), je ne me le suis pas dit. Même si on peut en douter, oui. C'est compliqué de retrouver un club de Ligue 1 en ne jouant pas beaucoup en Ligue 2. Mais, au final, dans le foot, ça peut aller très vite. Il faut toujours garder confiance en soi et travailler pour être prêt. Je n'ai pas beaucoup fait de matches avec Guingamp, je suis arrivé à Nîmes, le lendemain, j'ai joué et j'ai enchaîné tous les matches. C'est là où on te dit qu'il faut prendre du plaisir quand il y en a à prendre parce que ça passe vite.
 
C'est que vous gardez une certaine cote...
Peut-être... J'ai du mal à parler de moi (Il sourit.). Mais, oui, sûrement. Des attaquants, il y en a plein. J'ai de l'expérience, j'ai eu la chance de jouer certaines compétitions européennes (NDLR : 11 matches de C1 et 5 de C3 avec Lille, barrages compris, 21 matches de Ligue Europa avec Saint-Etienne). Est-ce que ça a joué, je ne sais pas. En tout cas, c'est une fierté de pouvoir revenir en Ligue 1 avec Nîmes.

«J'ai l'impression de redécouvrir la Ligue 1»

Les lumières et les projecteurs de la Ligue 1 vous avaient-ils manqué ?
Les projecteurs et tout ça, non, ce n'est pas mon truc. Ce qui m'a manqué, c'est l'ambiance d'un match de Ligue 1. C'est simple. Je me rappelle du match où on est descendu avec Guingamp à Rennes. J'étais sur le banc et je me suis dit ça. En revenant ici, j'ai pris carrément du plaisir à être sur un terrain, à pouvoir jouer. En plus, l'ambiance aux Costières est vraiment top. Quand je suis rentré contre Monaco, j'avais l'impression que je retournais à mes 20-21 ans quand j'arrivais en Ligue 1. L'impression de redécouvrir ça alors que j'ai fait dix ans en Ligue 1. Revenir, c'est un énorme plaisir. Ici, on sent un public qui pousse son équipe, qui se lève à la moindre occasion. Quand il y a un tacle ou une bonne relance, il applaudit. Tout ça, sur le terrain, on le sent et on a envie de faire encore plus parce qu'on nous le rend bien.
 
On sent que cette expérience à Nîmes est en train de vous faire beaucoup de bien.
Bien sûr, je suis honnête là-dessus. C'est un réel plaisir, ça fait du bien. Je savais que j'allais reprendre du plaisir. C'est aussi ça ma motivation.

Plaisir retrouvé. (E.Garnier/L'Equipe)

«À Guingamp, je ne faisais pas forcément partie de ce renouveau du club. Aujourd'hui, je n'en veux à personne»

Comment auriez-vous envie de résumer vos dix-huit mois à Guingamp ?
C'est une expérience. Personnellement, au niveau statistiques, ça a été un an et demi de moins bien. Je ne le pensais pas, le club non plus. Je ne jette pas tout. J'ai eu une blessure là-bas que je n'avais jamais connu. Mentalement, ç'a été un peu difficile. On est descendu. Il y a eu beaucoup de changements de coaches, de joueurs... Je ne faisais pas forcément partie de ce renouveau du club. Aujourd'hui, je n'en veux à personne. Mon passage là-bas n'a pas été bon. Maintenant, dans ces moments, on en tire des choses à retenir.
L'ego a dû en prendre un coup, de passer d'une saison à 15 buts avec Metz (2017-18) à 4 buts en dix-huit mois à Guingamp...
Pour l'ego non, mais pour le sportif, le compétiteur, le joueur, oui. Quand on est attaquant, on a envie de gagner des matches, de marquer des buts. C'est frustrant et énervant. J'aurais voulu marquer des buts pour aider l'équipe. On m'a déjà posé la question si c'était un regret de venir à Guingamp, non, pas du tout. Sinon, je n'y serais pas allé. Je n'ai jamais choisi mes clubs en me disant : "Allez, je vais là-bas et on verra bien." Non. J'ai toujours eu la chance de choisir. C'est un luxe. Là, ça n'a pas marché, mais ça m'a servi d'expérience.

Lire : Nolan Roux : «Pamela Anderson à Sainté, ça ferait un peu bizarre»

Qu'avez-vous connu à Guingamp que vous n'aviez jamais connu ailleurs ?
Le fait de marquer aussi peu de buts (Il sourit.). C'est ce que je retiens. Et, même si ça s'est mal passé, je retiens aussi la finale de Coupe de la Ligue. Je n'en avais jamais fait. C'est une expérience énorme. On la perd aux penaltys (NDLR : face à Strasbourg), ça, c'est horrible. Mais vivre ça, sachant qu'on n'était pas bien en Championnat... J'ai toujours dit que si on avait gagné cette finale, derrière, ça nous aurait mis un coup de boost, et je ne suis pas sûr qu'on serait descendu. C'est facile de le dire après mais je pense que ça nous aurait relancé.

«On dit toujours qu'il peut y avoir des chats noirs...»

À quel point est-ce dur d'enchaîner deux descentes de suite en Ligue 2 ?
C'est le faire avec deux clubs avec lesquels je n'aurais jamais pensé descendre. Je suis arrivé à Metz, ils avaient bien fini la saison précédente, ça ne se passe pas bien ensuite, on perd des matches, notamment à la fin, avec un peu de manque de réussite. Je change de club, je vais à Guingamp qui venait de finir 10e ou 11e. Je me dis : "Non, on ne descendra jamais, ce n'est pas possible." Et puis les mauvais résultats, le manque de réussite... On se dit : "Mais qu'est-ce qu'il se passe ? Je n'ai jamais fait de descente, j'ai fait que des montées. Comment se fait-il qu'il se passe ça en deux ans ?"
 
On se sent maudit ?
Pas maudit, je n'y crois pas. On dit toujours qu'il peut y avoir des chats noirs... Dans ce cas-là, c'est onze sur le terrain, ce n'est pas une personne. On se demande comment ça se fait, deux fois d'affilée, ça fait chier. À la base, je ne pense pas à moi, je pense club, je pense équipe. Et rien ne pouvait laisser présager à ça...

«Quand je suis arrivé, ce n'était pas un groupe meurtri, touché par la situation, mais plutôt solidaire»

De là à ce que ça trotte dans votre tête en arrivant à Nîmes ?
Justement, non. Je suis venu ici en faisant abstraction des résultats précédents, même si je regardais la Ligue 1 et Nîmes parce que j'ai Lucas Deaux, un ami, qui jouait. Quand je suis arrivé, je n'ai pas vu un groupe qui était mal classé. Ça m'a fait tilt. Ce n'était pas un groupe meurtri, touché par la situation, mais plutôt solidaire et qui voulait sortir le plus rapidement possible de cette zone-là. J'ai ressenti ça aussi au premier match. Je me suis dit : "Mais ce n'est pas une équipe qui a peur de jouer, de mal faire." J'ai trouvé un très bon groupe mentalement et humainement.

«À Nîmes, j'ai trouvé un bon groupe d'humains»

Dans votre interview à L’Equipe, dimanche dernier, vous disiez : "J'ai toujours cherché à voir mes coéquipiers comme des hommes, pas comme des footballeurs, pour mieux les comprendre." Des hommes, c’est ce que vous avez trouvé à Nîmes ?
Bien sûr. J'ai trouvé un bon groupe d'humains. Il y a le joueur de foot, mais l'humain est important pour comprendre comment le joueur évolue. Quand je suis arrivé ici, par expérience, j'ai vu des mecs qui, justement, se servaient des qualités de tout le monde pour gagner des matches. C'est super important. J'en ai discuté avec Lucas (Deaux) qui m'a dit : "Franchement, le groupe est super bien, il n'y a que des bons mecs." Et c'est ce que j'ai vu tout de suite en arrivant. Les bons groupes, il y en a plein mais en fonction des résultats, on se cache un petit peu, on a peur de mal faire. Là, je ne ressens pas ça. C'est un atout.

Cette même interview à L'Équipe a fait beaucoup parler, notamment avec un discours qu'on n'entend pas souvent dans le monde du foot.
Je lis un peu les journaux de temps en temps. Il y a beaucoup d'aspects financiers et autres, et c'est normal, mais ça reste un plaisir, un jeu, une passion. Et ça, par moments, on peut l'oublier parce qu'on nous demande d'être performants tous les jours. C'est normal, on est formaté pour être des compétiteurs. Moi le premier. Quand je suis arrivé au centre de formation à Lens, on m'a inculqué la gagne. Mentalement, ça peut être difficile, il ne faut pas craquer parce qu'on est jugé. Ça forge. Moi, quand je rentre sur un terrain, ok, c'est pour prendre du plaisir, mais c'est pour gagner. La gagne et le plaisir, ça va ensemble. C'est toujours à toute vitesse, mais à la base, c'est un jeu.

Et prendre parfois un peu de hauteur, ça fait du bien.
Bien sûr, et il en faut. Sinon, on reste toujours dans une bulle foot, performance... Des fois, il faut un peu de recul. Il ne faut pas douter, avancer. C'est facile à dire, mais c'est pour ça que j'ai toujours dit : "Peu importe contre qui je joue, tant que je sais avec qui je joue." C'est le plus important : "Est-ce que je connais mes coéquipiers ? Comment jouent-ils ? Comment on joue ?

Quand vous étiez à Metz, vous nous disiez que vous pouviez pêcher sur l’autoroute tellement il pleuvait. Et à Nîmes ?
Je suis arrivé il y a trois semaines et demi. Il n'y a pas plu une goutte... sauf aujourd'hui (NDLR : L'interview a été réalisée jeudi 27 février) ! Aujourd'hui, il pleut. Ça ne me dérange pas mais je préfère le soleil !
 
Vous allez pouvoir pêcher, du coup ?
Je pense, oui. Pour l'instant, je n'ai pas le temps, on enchaîne les matches. Je suis vraiment venu dans l'optique du maintien, des résultats et de prendre du plaisir. Je suis vraiment à fond dans mon métier et pour l'instant ça marche. Au vu des efforts fournis, de ce que je vois, ce qu'on fait, on le mérite. Maintenant, je sais très bien par expérience que tout ça peut s'écrouler en une fraction de seconde. C'est ce que j'ai dit plusieurs fois : il faut rester super attentif à ce qu'on fait sur le terrain, garder l'identité du club pour continuer à avancer. Il y aura des obstacles, c'est encore long mais il faut prendre aussi du plaisir dans ce qu'on fait.

«J'ai toujours dit : "Peu importe contre qui je joue, tant que je sais avec qui je joue"»

Une chose est sûre : Nolan Roux n'a pas perdu son âme de compétiteur. (NEGREL CHRISTOPHE/L'Equipe)

«Je pars du principe qu'à partir du moment où je prends du plaisir sur un terrain, je suis content de ça»

Comment pensez-vous être vu aujourd'hui en France ?
Avant, je sais qu'on me jugeait pas trop mal. Maintenant, j'ai vu beaucoup de critiques. Ça fait partie du foot. C'est comme ça. Aujourd'hui, vous ne marquez pas, vous tombez aux oubliettes. Vous marquez, c'est un coup de chance... Il y a plein de choses qui se disent sur tout le monde. On est dans une arène, on est jugé par tout le monde. Je n'ai rien contre ça parce que ça fait partie du métier. C'est médiatisé, c'est télévisé, on analyse tout. Il faut être prêt à ça même si ça touche la personne. Pour moi, ça ne va pas plus loin. Je vois et entends les critiques, mais voilà, c'est tout, je ne vais pas insulter cette personne. Ça s'arrête-là. J'essaie de faire mon métier du mieux possible, c'est déjà bien. Je pars du principe qu'à partir du moment où je prends du plaisir sur un terrain, je suis content de ça. On est tous compétiteur dans l'âme, on a envie de gagner mais tant que j'entre sur le terrain, que je prends du plaisir, que je sois bon ou pas, ça arrive, je ne suis pas un robot, on n'est pas des machines, ça me va. Dans ma tête, je suis bien. Je n'ai aucun regret dans mes choix, dans ma carrière. Je vibre quand j'arrive sur un terrain de foot le week-end. Et ça, je l'avais un peu perdu ces cinq derniers mois. Là, je redécouvre la Ligue 1, avec des objectifs.
 
Verra-t-on Nolan Roux jouer un jour à l'étranger ?
Je ne sais pas. On m'a déjà posé cette question. C'est possible...
 
Est-ce une envie ?
Pas particulièrement. Je ne me dis pas : "Allez, dans quatre mois, il faut que je sois en Grèce, en Espagne, au Portugal." Non, là, je vais tout faire pour qu'on soit maintenu dans quatre mois. Le but, c'est ça. Peu importe combien de buts je marque, peu importe combien de victoires il y a. Je suis ici pour qu'on se maintienne, c'est tout ce qui m'intéresse. La suite, je ne la connais pas.
 
On est bien en Ligue 1 ? Le Championnat est beaucoup décrié cette saison...
Bien sûr qu'on est bien. Je la connais depuis dix ans. C'est un Championnat dur physiquement et mentalement. Tout le monde se connaît. Chaque équipe a son identité. C'est dur. Mais dans la difficulté, on prend du plaisir.

«Je ne suis pas prêt du tout à arrêter ma carrière»

Avez-vous déjà une idée de ce que vous ferez après votre carrière ?
Bonne question (Il sourit.). Parce que je ne suis pas prêt du tout ! On dit souvent qu'il faut y penser, mais non, je n'y pense pas. Je n'ai pas envie que ça s'arrête. Ça va être le cas un jour, malheureusement, mais venir ici m'a reboosté complètement. Donc, non, je ne suis pas prêt à me dire que je vais passer mes diplômes d'entraîneur. D'ailleurs, je pense que je ne suis pas fait pour ça. On dit souvent que le joueur prendra du plaisir à diriger une équipe après sa carrière. Mais non ! Je suis tellement quelqu'un de compétiteur que je ne peux pas rester sur la touche à regarder et ne pas être actif... Peut-être plus avec les jeunes à la rigueur.
Sinon il faut jouer jusqu'à 50 ans pour prendre du plaisir le plus longtemps possible...
Ouais... Avec les copains le week-end ! Déjà, là, quand je vois Florent Balmont, un ami, qui continue à jouer, qui court toujours autant, je le félicite. C'est beau. C'est quelqu'un avec qui j'ai joué : ces mecs-là, je les ai observés quand je suis arrivé de Brest. Je vais à Lille et je me dis : "Mais oui, ces mecs-là, ils ont tout compris. Ce sont des compétiteurs dans l'âme." Tu fais un tennis-ballon avec Balmont, s'il perd, il envoie chier tout le monde. Même chose si tu joues aux cartes. C'est comme ça que sa passion le tient. Il prend du plaisir à être sur le terrain et à gagner des matches. Il l'a en lui.»
Timothé Crépin

Toute l'actualité de la Ligue 1