Renato Sanches (Bayern) Dortmund, 10.11.2018, Fussball Bundesliga, Borussia Dortmund - FC Bayern Muenchen 3:2 *** Local Caption *** (FrankPeters/WITTERS/PRESSE SPO/PRESSE SPORTS)

Mercato : Renato Sanches (Lille), l'étoile mystérieuse

Nouveau joueur du LOSC, qui a investi près de 20 millions d'euros pour le faire venir, Renato Sanches sera, comme toujours depuis le début de sa carrière, très attendu. Surtout, il sera intéressant d'observer si le jeune portugais de 22 ans est enfin capable de prouver tout le bien dit de lui depuis tant d'années... Retour sur un parcours loin d'être aisé.

Le soulagement doit être total pour lui. Trois ans après avoir rejoint le Bayern Munich, Renato Sanches quitte définitivement la Bavière pour tenter de (re)lancer sa carrière dans le Nord, à Lille. Montant estimé du transfert : 20 millions d'euros pour un contrat de cinq ans. La fin de derniers jours assez mouvementés pour le Portugais. Lancé à cinq minutes de la fin de la rencontre de la première journée de Bundesliga face au Hertha Berlin le 16 août, le joueur, qui vient de fêter ses 22 ans, étalait ses états d'âmes en public estimant : «Ce n'est pas une bonne situation. C'est la deuxième fois que je veux m'en aller et qu'ils m'en empêchent, disait-il en pointant du doigt ses dirigeants. Cinq minutes de jeu, ce n'est pas suffisant.» Ce à quoi son président, Karl-Heinz Rummenigge, répliquait : «Nous ne le vendrons pas. Il ferait mieux de se calmer.» Ambiance. Dans la foulée du match nul face au Hertha, Renato Sanches faisait même l'impasse sur le décrassage prévu par Niko Kovac, qui souhaitait le garder pour cette nouvelle saison, et son staff. Sanction : une amende de 10 000 euros. Devant cette situation bien trop délicate, la donne a finalement changé dans l'esprit du Bayern Munich. De là donc à le laisser filer définitivement.

Quand le Benfica l'achète pour moins de 1000 euros

En passant du Bayern Munich à Lille, Renato Sanches ouvre donc un nouveau chapitre de sa carrière. Dans un club bien moins huppé, avec des projecteurs peut-être moins nombreux même s'il sera attendu, l'ancien du Benfica devrait surtout avoir du temps et des minutes pour pouvoir s'intégrer au mieux et ainsi refaire surface après avoir été (trop ?) rapidement envoyé sur le devant de la scène.

L'histoire de Renato Sanches est aussi riche que son talent. Un père originaire de Sao Tomé-et-Principe, ancienne colonie portugaise située à l'ouest du Gabon, en Afrique, une mère cap-verdienne et une enfance très vite tourmentée. Et sujette à polémiques dès que le joueur a commencé à percer. Le petit Renato n'est en effet âgé que de cinq mois lorsque son père part en France pour y travailler, emmenant son minot avec lui. Sans inscrire son jeune fils à l'état civil... pendant cinq ans. Une situation que le paternel a évidemment fini par régulariser, mais qui a toujours entraîné des doutes sur l'âge réel du Portugais, officiellement venu au monde le 18 août 1997. Né dans un quartier très défavorisé de Lisbonne, Sanches, dont l'idole n'est autre que Clarence Seedorf, intègre son premier club, l'Aguias da Musgueira. Il se fait d'ailleurs remarquer en taguant son nom, avec un de ses coéquipiers, sur l'enceinte de Musgueira. Mais ce sont surtout ses qualités qui font parler dans la capitale. À neuf ans, en 2006, le Benfica l'enrôle pour moins de 1000 euros.

Fan de Bob Marley, de rap, des Los Angeles Lakers, équipe de NBA, et de Kobe Bryant, légende du basket américain, Renato Sanches intègre l'équipe réserve benfiquiste en octobre 2014, à dix-sept ans. Le début d'une trajectoire fulgurante. Ses 24 matches (11 titularisations) et deux cartons rouges ne font pourtant pas rêver en 2014-15, où il dispute également la Youth League (éliminé en quarts de finale). Le 30 octobre 2015, à un quart d'heure de la fin, et alors que son club mène aisément 3-0, Renato Sanches effectue ses premiers pas avec l'équipe première du Benfica. Le 25 novembre, il devient le plus jeune joueur de l'histoire des Lisboètes à prendre part à un match de Ligue des champions face à Astana. Le 4 décembre, il prend le record de précocité des buteurs benfiquiste au XXIe siècle en scorant face à l'Academica Coimbra d'une splendide frappe.

Une découverte du haut niveau qui connaît d'ailleurs un incident notable avec ces cris racistes à son encontre lors d'une partie sur la pelouse de Rio Ave. Ce soir-là, Renato Sanches se met à mimer un singe pour répondre à la bêtise...

«Il y a peu de joueurs de son talent en Europe, promet à l'époque Rui Vitoria, son entraîneur. Il doit travailler mais je lui prédis un grand avenir.» Luis Felipe Vieira, président de la formation portugaise, ne dit pas mieux : «Il deviendra l'un des meilleurs joueurs du monde. Il possède des qualités physiques uniques. Il va arriver au top niveau mondial.» Coach d'un Bayern qui fait tomber le Benfica de Renato Sanches en quarts de finale de la Ligue des champions début 2016, Pep Guardiola évoque le Portugais en assurant qu'il «a beaucoup de qualités et de personnalité. C'est un futur grand joueur».
 
En mars, s'il fait partie de la sélection U19 de son pays, il honore déjà sa première avec la tunique des A face à la Bulgarie en match amical en remplaçant William Carvalho (0-1). Il attrape alors le bon wagon pour l'Euro 2016 en France. Car malgré une fin de saison sans éclair et une très forte concurrence au milieu des William Carvalho, Joao Moutinho, Adrien Silva, Danilo Pereira ou Andre Gomes, Renato Sanches convainc Fernando Santos de l'emmener dans ses valises. Peut-être aidé par le forfait de Bernardo Silva, le Monégasque.

«C'est un futur grand joueur» Pep Guardiola.

Le Bayern grille Manchester United

Au coeur de cette saison décidément incroyable pour lui, dans une lutte avec le Manchester United de Jose Mourinho, compatriote portugais, et alors que l'agent du joueur n'est autre que Jorge Mendes, le Bayern Munich récolte la mise en enrôlant Renato Sanches à la mi-mai pour 35 millions d'euros. Somme à laquelle pouvaient alors s'ajouter 45 millions d'euros de bonus : 5M€ par saison si le milieu dépasse les 25 rencontres jouées. 20M€ s'il est retenu dans la liste des nommés pour le Ballon d'Or France Football ! Ses qualités athlétiques, sa capacité à se projeter en transition, avec une propreté technique balle au pied subjuguent l'Europe.

Avant de rejoindre la Bavière, il entre en jeu à vingt minutes de la fin lors du premier match de l'Euro 2016 face à l'Islande, devenant, à 18 ans et 301 jours, le plus jeune joueur portugais de l'histoire à disputer un match dans une grande compétition, devant Cristiano Ronaldo (19 ans, 128 jours). Son impact est remarqué lors de la rencontre folle face à la Hongrie (3-3), mais c'est surtout lors de la phase finale qu'il va marquer les esprits. C'est lui qui mène la contre-attaque sur le but victorieux de Ricardo Quaresma devant la Croatie en huitièmes de finale (1-0 a.p.). Dans ce match, et alors qu'il était entré en jeu en début de seconde période, son impact a été salué tant il a été le seul à tenter des choses dans le pire match de cet Euro 2016. Carlo Ancelotti, son futur entraîneur à Munich, s'enflamme : «C'est le meilleur joueur de cet Euro. C'est un phénomène.»

En quarts, devant la Pologne, Sanches rassure son pays en égalisant d'une frappe soudaine du pied gauche en première période (plus jeune joueur à inscrire un but en phase finale d'un Euro) avant de faire preuve de sang-froid pour transformer son tir au but (1-1 a.p., 5 t.a.b. à 3). Il est élu homme du match. Juste avant la demi-finale, son nom entre dans l'actualité sur des déclarations de... Guy Roux qui met publiquement en doute son âge. «Il dit qu'il a 18 ans, mais je crois qu'on doit regarder d'un peu plus près son passé, lançait l'ancien coach d'Auxerre à une télévision roumaine. Sa naissance a été déclarée plusieurs années après, sa date de naissance n'est pas correcte. Je peux vous assurer qu'il a 23 ou 24 ans.» «J'ai grandi au Portugal, répliquait le principal intéressé. J'ai passé dix ans au Benfica. Comment pourrais-je avoir 25 ans ? Il n'y a aucune logique dans les propos de certaines personnes.» À l'époque, les médias lusitaniens évoquent même une possible plainte du joueur envers le Français.

Déjà une dernière chance ?

Sur le terrain, en finale, moins en vue, il est remplacé à la 79e minute par Eder. La suite, on la connaît avec ce premier titre inoubliable de champion d'Europe. «Le gamin a quelque chose, écrit FF à l'époque pour faire le bilan de son Euro. Intelligent et intrépide, il a apporté son culot et sa fraîcheur.» L'ascension est folle. L'emballement est intense. Renato Sanches est même élu Golden Boy 2016. Avant, donc, d'éprouver les pires difficultés pour passer un cap. 25 matches (9 titularisations) toutes compétitions confondues en 2016-17. Il n'est pas retenu chez les A du Portugal pour disputer la Coupe des Confédérations en 2017 et est même laissé à la disposition des Espoirs pour l'Euro de la catégorie. Prêté pour tenter de s'aguerrir à Swansea, en Premier League, Sanches ne confirme pas plus. Et au pays de Galles, c'est son physique qui le trahit. À se demander, alors, comment et quand le Portugais allait pouvoir enfin revoir la lumière. Sous les ordres de Niko Kovac, ce n'est pas mieux, son temps de jeu restant bien trop faible en 2018-19. Jusqu'à atterrir au LOSC. Avec quel niveau ? Dans quelles conditions ? On imagine que le LOSC a poussé les examens pour s'assurer des capacités du jeune portugais. Mais sera-t-il capable d'atteindre à son niveau de 2016 ? A-t-il gommé certains défauts, notamment au niveau des ballons perdus ? Cette arrivée ressemble en tout cas à une dernière chance, déjà, de prouver que sa place est au haut niveau.

Timothé Crépin