caqueret (maxence) (A.Martin/L'Equipe)

Maxence Caqueret, casser les lignes et les codes

Aux antipodes du profil charpenté et trapu longtemps favori pour occuper l'entrejeu, Maxence Caqueret a bâti ses forces sur un socle bien à lui. Celui d'un QI foot supérieur, d'un entourage sain et d'un état esprit alliant leadership subtil et confiance en soi.

La boulangerie-chocolaterie, le pharmacien, le fleuriste. Le centre commercial des Balmes est de ces lieux usités, courants, qui offre ces moments de vie ordinaires et quotidiens. Lyon est à 15 kilomètres à peine, Corbas a l’aspect paisible. On s’y croise, se lance trois mots autour d’un journal ou d’une baguette de pain. «Le père de Maxence, je le croise régulièrement au PMU, sourit d’emblée un gars du coin à l’évocation du petit surdoué de la commune. C’est quelqu’un d’avenant.» Caqueret de son nom, Maxence n’a pourtant pas attendu les compliments du monde pro pour faire irruption dans les discussions de café. Embrayant le pas de l’autre fierté locale, Houssem Aouar, il débute à Corbas, et joue attaquant. «À l’époque, le district ne voulait pas que les gamins de 5 ans jouent, retrace Jean-Louis Farizon, qui l’accueille alors à Chaponnay-Marennes. Ils les considéraient comme trop jeunes. Maxence était natif de Vénissieux et le club de sa ville s’était plié aux recommandations du district. Les parents de Maxence sont donc venus nous voir et nous les avons accueillis les bras ouvert. Nous leur avons dit “Pas de problème, Maxence peut venir jouer avec les autres.”»

«Force tranquille»

De suite, ses facilités épatent. «Maxence est un gamin qui est arrivé tout fabriqué, poursuit Farizon. Quand je dis “tout fabriqué”, c’est parce qu’il s’agit d’un petit à qui nous n’avons pas eu besoin d’expliquer ce qu’était un plat du pied. Il avait cette aisance naturelle du gamin qui s’était déjà exercé chez lui ou je ne sais où. Il n’y avait pas besoin de lui faire travailler les fondamentaux.» Surtout, ce Maxence Caqueret version junior a la tête bien faite. La photographie figée du petit garçon frêle et timide passée, chaque interlocuteur dresse le portrait d’un personnage sérieux et malin, leader par l’exemple et le travail.

«Un problème ? Il ira régler ça avec les personnes idoines, pas en faisant du bruit»

«À part» et «bien élevé» pour Farizon, «un bon garçon intelligent» pour Lionel Rouxel, son sélectionneur en équipe de France, «rigoureux» et «force tranquille» pour Armand Garrido, ancien formateur à l’OL. «Il n’arrivera jamais en retard, souligne ce dernier. Ce n’est pas non plus quelqu’un qui fera un scandale s’il est remplaçant. Il manifestera peut-être une forme de mécontentement mais en respectant les règles. Il ira régler ça avec les personnes idoines, pas en faisant du bruit.»

Maxence Caqueret, le visage encore poupon avec les U16 de l'équipe de France, en 2015. (F.Porcu/PRESSESPORTS)

Naissance programmée

À Chaponnay-Marennes, où il reste jusqu’à ses 11 ans avant que la machine régionale nommée OL ne flaire le bon coup, aucun problème n’est de toute façon à signaler. «Il avait cette faculté de jouer collectif, poursuit Farizon. Et puis bon, quand l’équipe prenait l’eau, il avait quand même ce truc pour aller nous marquer deux buts, reprendre sa place comme si de rien n’était, puis se remettre à faire jouer les copains. C’était un enfant bien élevé, discret et qui nous facilitait les choses.» Un trait de caractère, une éducation qu’il tient forcément d’un environnement soudé. Entre autres un papa attentif, un frère passionné de ballon et défenseur non retenu, lui, par l’OL. «La famille, ce sont des gens très simples, gentils et très reconnaissants, énumère Armand Garrido. Ce sont des gens qui ne manquent pas de venir vous saluer quand vous vous trouvez à proximité d’eux.» Tout était donc réuni pour une transition sans accroc vers le monde professionnel. «Disons que les voyants étaient au vert... Parce qu’au delà de la technique ou de la dimension physique, la personnalité et l’entourage comptent. Et de ce côté-là, on avait également quelques certitudes. Mais oui, s’il avait fallu mettre une pièce, on aurait peut-être misé sur lui…»

Récupération naturelle

Petite cote, donc, valeur sûre dans toutes les catégories de jeunes de l’OL, puis, très rapidement, en bleu blanc rouge. Une grosse dizaine de sélections dans toutes les équipes de France, des U16 aux U19, et une constante : Caqueret court beaucoup et récupère - au sens premier du terme - très vite. Constamment dans le top 3 lors des tests physiques auxquels se soumettent les jeunes Bleus au début de certains rassemblements, le Lyonnais impressionne par son volume. À tel point que Lionel Rouxel doit parfois freiner celui à qui il a offert ses premières capes à l’été 2015. Depuis, catégorie après catégorie, il n’a cessé de le suivre. «C’est un garçon qui a toujours aimé aller chercher le ballon dans les pieds de l’adversaire et qui doit donc être capable de cibler les bons moments pour aller harceler l’adversaire», souligne le sélectionneur. Voilà pour ce qui est de la marge de progression.

«Je dirais qu'il s'agit d'un gros récupérateur»

Pour le reste, le numéro 8 coche toutes les cases. Y compris - et peut-être même surtout - là où on ne l’attend pas. Car en dépit d’un gabarit fluet, qu’il doit encore «étoffer», dixit Garrido, Caqueret n’a encore jamais refusé un duel. Et c’est peut-être là qu’il détonne le plus. Entre les lignes, c’est en tout cas ce que Garrido sous-entend lorsqu’il lui est demandé dans quel domaine son ancien protégé est le plus fort. «Maxence a toujours été un garçon très complet, donc c’est difficile de ressortir un point fort en particulier, précise le formateur avant d’aller plus loin. Mais s’il faut vraiment ressortir une qualité en particulier, je dirais qu’il s’agit d’un gros récupérateur.»

Avec Rayan Cherki, Maxence Caqueret représente l'avenir de l'OL. (A.Martin/L'Equipe)

L'OL à tout prix

Comment expliquer alors que le milieu de terrain ne soit pas apparu un peu plus tôt chez les professionnels ? La question se pose d’autant plus que le jeune homme avait, selon un proche du vestiaire lyonnais, effectué une «énorme préparation la saison dernière», sous Bruno Génésio. «On se demande pourquoi il n’a pas joué dans la foulée ni sous Sylvinho, s’interroge Garrido. Je n’en sais rien, c’est le football. Tout ça tient à peu de choses, vous savez.» Pas de quoi inquiéter le principal intéressé, dont la sérénité est probablement l’un des principaux atouts. Son sélectionneur de toujours ne l’a par exemple jamais senti particulièrement impatient, quand bien même certains camarades enchaînaient les apparitions chez les pros.

«Maxence voulait devenir pro, mais à l'OL»

Et si un prêt fut un temps envisagé, voir Caqueret éclore ailleurs que dans le Rhône aurait surpris Rouxel : «Il y a quelque chose qui m’a frappé quand j’ai reçu les garçons en U16 : Maxence voulait devenir pro comme tous les autres, bien sûr, mais il voulait le devenir à Lyon, dans son club formateur. J’ai trouvé ça assez fort car ce n’est pas une réponse que l’on entend souvent.» Le natif de Vénissieux a donc pris son mal en patience, oscillant entre les séances collectives avec les grands et les rencontres de Youth League avec ses coéquipiers de la génération 2000, celle des Amine Gouiri et autre Melvin Bard.

L'altruisme et l'ambition

Brassard au bras, dans le second cas, Caqueret présentant le profil type du leader par l’exemple. «Il fait partie des gens à qui vous pouvez donner des responsabilités, tout simplement», résume sobrement Rouxel dans une synthèse qui fait soudainement écho aux propos de Farizon. Plongé une douzaine d’années en arrière, l’ancien formateur n’a de cesse de vanter l’attention que son ancienne pépite a toujours porté aux autres : «Il savait faire jouer les copains et ça, nous ne l’oublierons jamais. Si Maxence voyait un gamin qui était démarqué, il lui donnait le ballon, peu importe si le petit qui allait le recevoir était bon ou moins bon.» Le qualificatif trahit un mode de pensée, une façon d’être. Mais la question ne se pose plus. Maxence Caqueret est dans la cour des grands, promis à une carrière fastueuse. À condition de s’affirmer encore davantage ? C’est ce que croient savoir ceux qui l’ont côtoyé. Alors, le jeune milieu aura l’opportunité de poursuivre son chemin doré. Au PMU de Corbas, voilà de nouvelles occasions, pour Papa Caqueret, d’exprimer toute sa fierté.

Antoine Bourlon  et Thym Pinon 

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