amavi (jordan) payet (dimitri) (B.Papon/L'Equipe)

Marseille : Jordan Amavi, c'est quoi le problème ?

S'il n'est pas l'unique responsable des grandes difficultés défensives de l'OM cette saison, Jordan Amavi ne répond pas vraiment, si ce n'est pas du tout aux attentes. FF.fr a tenté de comprendre quel était le problème.

«Layvin Kuzawa forfait, Jordan Amavi est appelé en équipe de France.» Le 4 octobre 2017, en conséquence de prestations plutôt convaincantes, le latéral gauche de l'OM est récompensé avec une première convocation chez les Bleus. Sa dernière. Car depuis, l’ancien joueur d’Aston Villa a été très irrégulier et n’a cessé de régresser. Manuel Amoros, Rolland Courbis, Éric Di Meco ont tous la même réaction : ils ne «comprennent pas et ont dû mal à expliquer» ce qu'il se passe avec Jordan Amavi. Cette saison, le défenseur olympien a joué 10 matches de Championnat et deux de Ligue Europa. Un temps de jeu important et plusieurs couacs à la clé. Dernier exemple en date, et probablement le plus difficile à vivre pour lui, la rencontre à Montpellier avant la trêve (0-3). Débordé en permanence, inefficace offensivement, l’ancien d’Aston Villa a réalisé un non-match (comme l’ensemble de l’équipe). Pire, lors des second et troisième buts des Héraultais, la responsabilité d'Amavi était bel et bien réelle. En zone mixte, le latéral avait préféré ne pas répondre aux journalistes en expliquant : «S'arrêter pour vous dire quoi ? Que j'ai été mauvais ? Vous le savez déjà !» Ancien latéral droit de l’Olympique de Marseille et de l’équipe de France, Manuel Amoros regrette ces prestations délicates  : «Son début de saison est très moyen. C’est dommage parce qu’il a les qualités pour passer un palier et apporter énormément à l’OM.» Rolland Courbis ne dit pas mieux : «C'est inexplicable ! Pourtant, lorsqu'il a débarqué à Marseille, son intégration a été parfaite avec des progrès réguliers. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, si c’est une blessure, un problème extra-sportif... Son rendement n'est plus le même.»

La fiche de Jordan Amavi

«Peut-être que c'est son vrai niveau qu'on voit en ce moment...»

Après une période anglaise délicate (Aston Villa en 2016-17), marquée par une grave blessure au genou, Jordan Amavi avait su rebondir. Mais depuis... «Peut-être qu’il est à son niveau, peut-être qu’il n’arrive pas à passer ce cap qui lui permettrait d’aller plus loin, pense Amoros. Est-ce qu’il a des soucis en dehors du terrain ? Je ne sais pas. Il faut surtout qu’il bosse plus à l’entraînement. Pour le moment, il lui manque beaucoup de choses. De l’implication, de la concentration de l’envie… On a le sentiment qu’il en veut, mais il ne le matérialise pas sur le terrain.». Éric Di Meco estime qu'il passe là un vrai test : «Si, cette saison, il n’arrive pas à rebondir, la question sur un éventuel surrégime la saison dernière va se poser. Peut-être que c'est son vrai niveau qu'on voit en ce moment.»

En plus de ce niveau de jeu, le mental de Jordan Amavi semble faillir. Manuel Pirès, son ancien formateur à l’OGC Nice, n’exclut pas cette hypothèse : «Jordan est typiquement le joueur qui est arrivé à ce niveau grâce à son mental, car il ne lâchait jamais, a-t-il détaillé au Phocéen. Là, incontestablement, il subit un contrecoup psychologique. Il a tellement donné durant des années qu'il accuse peut-être le coup.» Le club phocéen, si particulier par son ambiance et son atmosphère serait-il une marche trop haute pour le Marseillais de 24 ans ? «Lorsque des footballeurs perdent la confiance, c'est très difficile dans un club comme l'Olympique de Marseille, c'est encore plus compliqué», promet Courbis. «L'OM est peut-être un club trop gros, c'est peut-être le genre de joueurs qui doit évoluer dans des formations comme Nice, Montpellier, Toulouse», ajoute l'ancien entraîneur olympien. Une théorie prolongée par Di Meco : «Il faut des qualités mentales pour jouer à Marseille. Le fait d'être devenu international a peut-être provoqué une attente plus importante du Vélodrome et qu'il a du mal à la gérer.»

«Le fait d'être devenu international a peut-être provoqué une attente plus importante du Vélodrome et qu'il a du mal à la gérer.»

Une concurrence pourtant quasi inexistante

«Il a le privilège de ne pas avoir de concurrence, c’est vraiment une chance inouïe», constate pourtant Amoros. Il est vrai qu’à l’Olympique de Marseille, Jordan Amavi ne doit pas faire face à un autre latéral gauche de métier. Le jeune Christopher Rocchia étant visiblement encore trop tendre alors que la solution Hiroki Sakai n'a été testé que peu de fois malgré quelques réussites comme face à Strasbourg. Pour un club qui vise les places européennes, la situation est quasiment inédite. Mais cette "chance" se transforme en réel désavantage d’après Amoros : «Peut-être que s’il avait quelqu’un derrière lui pour le pousser, qui lui mettrait plus de pression, ça ne serait pas plus mal.» Un sentiment pas forcément partagé par Éric Di Meco : «Non, normalement c'est le contraire : si tu n'as personne derrière, tu dois jouer sans pression. Si on explique qu'il a besoin de la pression pour être performant, ce n'est pas logique de dire qu'il la supporte mal. Voir un latéral droit (Sakai) prendre sa place a dû lui mettre un coup sur le casque, c’est certain.»

En effet, depuis l’éclosion de Bouna Sarr sur le côté droit, Hiroki Sakai est donc de plus en plus basculé par Rudi Garcia sur le flanc gauche. Si Manuel Amoros estime que le Japonais «est plus à l’aise sur le côté droit que le gauche», il s’agit d’une véritable alternative. «Quand il (Amavi) voit que l'entraîneur peut préférer un Sakai du mauvais côté plutôt qu'un Amavi pourtant gaucher, la confiance en prend un coup», résume Courbis. Depuis quelques matches, la situation est même encore plus tendue pour l’ancien Niçois qui voit un Lucas Ocampos se positionner sur le côté gauche dans le 3-5-2 (ou 3-4-3) testé par Garcia. Courbis encore : «L’entraîneur lui met la pression en montrant qu’il peut changer de formule en positionnant Ocampos un peu plus haut. Mais Amavi peut jouer dans ce rôle, il faut juste qu’il se bouge. Une carrière de footballeur ne dure pas très longtemps. Il faut qu’il arrive à saisir tous les bons moments.»

«Ne pas l'enterrer trop vite»

Dans le football moderne, les latéraux deviennent de plus en plus offensifs au détriment du rôle initial de défenseur. «Je pense qu’Amavi est un joueur assez juste. Il sait quand il doit monter, il sait quand il doit descendre, analyse Amoros. Il a également une bonne couverture et il a, quand même, ce rôle défensif que d’autres joueurs n’ont pas.» Sa vitesse et «son coffre» comme le souligne Éric Di Meco sont également des atouts pour l’OM mais sans la confiance, le rendement est forcément moins important. «Peut-être qu'il serait au niveau dans un effectif qui tournerait fort, se demande Di Méco. Il n'a peut-être juste pas les épaules pour tirer l'équipe vers le haut. Peut-être qu’on l’a encensé trop vite mais il ne faut pas l’enfoncer trop vite également. Ça va très vite, ça peut très vite repartir. Regardez Rami, on l’a enterré et il revient bien en forme.» Le réveil a intérêt à très vite sonner pour Amavi, surtout que l'OM risque de chercher à se renforcer dans un mois, lors du mercato d'hiver...

Florian Grégoire