Soccer Football - Africa Cup of Nations 2019 - Round of 16 - Madagascar v DR Congo - Alexandria Stadium, Alexandria, Egypt - July 7, 2019 Madagascar players celebrate in front of fans after winning the penalty shootout REUTERS/Mohamed Abd El Ghany (Reuters)

«Madagascar, on percevait qu'il y avait du travail en amont» : deuxième partie de notre bilan de la CAN 2019

Pour faire le bilan de la CAN 2019, FF a fait appel à un entraîneur spécialiste de l'Afrique (Pierre Lechantre), un consultant (Brahim Thiam) et à son journaliste-maison (Nabil Djellit). Deuxième partie aujourd'hui avec, au menu, la nouvelle formule de la CAN, les bonnes surprises et le meilleur joueur.

Pour retrouver la première partie de notre bilan avec le niveau de jeu, l'équipe la plus impressionnante et les déceptions, c'est par ici.

La nouvelle formule de la CAN

Brahim Thiam (consultant beIN Sports) : «Les stades, une parodie»
«Jouer l’été, je trouve que c’est mieux. Tu te cales sur les calendriers internationaux et européens. Ça permet aux clubs de ne pas perdre les joueurs en plein hiver. Avoir incorporé huit équipes de plus, c’est bien, ça ouvre le football à tout le monde. Et on a vu les pays dominant le foot africain trembler face à des petites équipes qui, sur une CAN à seize, n’auraientpeut-être pas eu de chance d’exister. Ce n’est que du positif. C’est à ce tarif qu’on fera progresser le foot africain. Il faudra juste revoir, avec la CAF, la formule sur l’affluence des stades afin de les remplir… Les stades ont été aux trois quarts vides et ils ont laissé entrer les gens gratuitement pour la finale. C’est une parodie. Des gens sérieux ne font pas des choses comme ça… La chaleur ? Ce n’est pas dangereux. On aurait été au Cameroun, oui, il aurait fait un peu plus chaud qu’en Egypte. Mais quand tu joues l’hiver, et que tu es dans un club en Europe, tu passes de 30 degrés à -4 : ça, physiologiquement, c’est plus dangereux que jouer une CAN quand il fait chaud.» T.C.

Pierre Lechantre (entraîneur de Simba Sports Club, ancien sélectionneur du Cameroun) : «Laissons les arbitres décider eux-mêmes»
«J’ai trouvé que l’Egypte avait répondu présent, elle a été nommée organisatrice à la va-vite. J’ai vu des terrains de qualité, ce qui n’est pas toujours le cas pour la CAN. J’ai trouvé que l’organisation était irréprochable. On pourrait encore faire un discours sur la VAR, j’ai trouvé qu’on n’avait pas suffisamment parler du penalty refusé à la Tunisie… Alors qu’on voit un penalty sifflé pour le Nigeria pour la même main. Je trouve que ça n’apporte rien ! A la limite, laissons les arbitres décider eux-mêmes. Ensuite ce n’est pas plus mal que ça soit l’été, j’ai l’impression qu’il y a eu plus d’investissement du côté des joueurs, même si ça arrive en fin de saison et qu’ils sont fatigués. Il n’y a pas de bonne solution. Ce n'est pas mal aussi de jouer à 24 équipes, parce que le CHAN (championnat d’Afrique des nations de football), permet de voir jouer les locaux. Et jouer à 24 équipes permet de laisser plus de place pour découvrir ces locaux du CHAN. » N.J.

Nabil Djellit (Journaliste à France Football) : «On a découvert d’autres footballs»
«Cette nouvelle formule me plaît bien. A 24, j’avais des réserves mais finalement je trouve que c’est bien de voir d’autres footballs, d’autres manières de jouer et des nouveaux joueurs. Ça nous a permis de découvrir Madagascar, le Bénin, le Kenya ou même l’Ouganda. C’est une richesse. L’été, je comprends les réserves mais de toute façon en Afrique il fait tout le temps chaud. Les aléas climatiques ont toujours fait partie du football africain. En plus, ça arrange les joueurs même s’ils arrivent parfois usés physiquement. Au moins, cela ne les met pas en difficulté avec leurs clubs parce qu’avant en pleine saison, les joueurs perdaient souvent leur place de titulaire à moins d’être une grosse star. Certains clubs étaient même réticents à l’idée de recruter un joueur africain.» H.B.B.

Les bonnes surprises

Brahim Thiam : «Madagascar, le coup de cœur»
«Évidemment, le coup de cœur, que ce soit l’équipe ou le coach Nicolas Dupuis, c’est Madagascar. Il faut vraiment leur tirer un grand coup de chapeau. J’ai aimé le Bénin qui a fait du bon travail et qui, même s’il n’a pas gagné de match, est allé en quarts de finale. Avec un coach qui connaît bien l’Afrique comme Michel Dussuyer. J’ai aussi bien aimé deux-trois arbitres qui ont été très bons comme Monsieur Allioum ou Monsieur Ghorbal. » T.C.

Pierre Lechantre : «Madagascar, le ballon circulait bien»
«Obligatoirement, c’est Madagascar. Ça me fait réfléchir à une chose, je pense que Nicolas Dupuis a dû avoir ses joueurs beaucoup plus longtemps que les autres. Le problème quand on est entraîneur d’une équipe africaine et si de nombreux joueurs évoluent à l’étranger, c’est qu’on les a pratiquement que quinze jours ou trois semaines avant la CAN et sinon c’est une semaine de temps en temps pour les matches pendant la saison. C’est trop peu pour préparer et mettre en place un système tactique, un fond de jeu. Madagascar a dû profiter de ça pour construire une équipe dont le jeu était bien huilé, j’ai trouvé que le ballon circulait super bien et c’est une raison qui m’amène à croire qu’il y aura de plus en plus de petites équipes qui parviendront en phase finale. Madagascar, outre le fait qu’il y avait quelques individualités intéressantes, on voyait le jeu en une touche, on percevait qu’il y avait du travail en amont. D’autres équipes de haut niveau reposent leur niveau de jeu sur quatre, cinq, six individualités. Ça crée un niveau d’équipe qui n’est pas maximal. » N.J.

Nabil Djellit : «Le Mali ? C’est très prometteur pour la suite»
«Madagascar est évidemment une bonne surprise. En plus d’un bon parcours, c’est aussi une équipe qui a joué au foot et qui a proposé du jeu avec un bon milieu de terrain. J’ai bien aimé l’âme de cette équipe. Certains n’ont pas hésité à se dépasser comme Metanire sur son couloir droit. Le Bénin a aussi fait de très bonnes choses. Ils ont réussi à éliminer le Maroc, ce n’est pas anodin. Même s’ils n’ont pas gagné un seul match, on a senti une véritable équipe et un groupe solide autour de Michel Dussuyer. Pour finir, il y aussi le Mali même s’il est sorti assez tôt. C’est une équipe qui revient de loin et qui a prouvé qu’elle avait des bonnes individualités avec une certaine forme d’insouciance. C’est très prometteur pour la suite.» H.B.B.

Le meilleur joueur

Brahim Thiam : «Mahrez-Mané»
«En dégager un n’est pas facile. Les deux meilleurs joueurs sont, pour moi, Mahrez et Mané. Mané était attendu, et malgré son échec sur penalty, il a tout de même marqué derrière et il a continué à être bon. La force d’un grand joueur est d’analyser, se remettre en cause, tout de suite être efficace et repartir au combat. C’est ce qu’il a fait de manière intelligente. Concernant Mahrez, entre celui de 2017 et celui de 2019… Un joueur de grande qualité qui s’est mué en compagnon de bonne fortune quand il faut défendre. Ensuite, Mahrez, c’est un pied gauche magique, qui a un impact sur un match. Il a fait des choses de grand joueur. » T.C.

Pierre Lechantre : «Bounedjah avec ses qualités de gnaque»
«Je vais parler de joueurs dont tout le monde parle. Mais j’ai bien aimé quelques joueurs nigérians. Je regarde beaucoup les joueurs de côté, vu mon ancien job d’ailier gauche. J’ai remarqué qu’il y avait de la qualité d’ailiers ou de latéraux offensifs qui amenaient des bons ballons, mais il y a eu une pénurie dans cette Coupe d’Afrique d’avants-centres de haut niveau. Quatre buts pour le meilleur buteur, ce n’est pas beaucoup ! Je dirais Bounedjah quand même avec ses qualités de gnaque, mais ce n’est pas une surprise, il serait intéressant de le voir dans un plus grand Championnat. Il réunit beaucoup de qualités, il presse sur les défenses adverses, c’est peut-être lui le joueur à ressortir sur cette Coupe d’Afrique, avec aussi un bon Mahrez qui a montré qu’il était là dans les moments défensifs. Mané est meilleur à Liverpool, il est mieux entouré. Quand tout dépend de lui, c’est plus difficile, c’est l’homme à abattre. En club, il est moins marqué.» N.J.

Nabil Djellit : «Mahrez a assumé son rôle de leader»
«J’hésite entre Belaïli et Mahrez. Belaïli est vraiment la sensation de cette compétition. C’est un joueur puissant qui a beaucoup progressé. Il a mis Brahimi sur le banc. Il fait des différences, il est efficace et ne compte pas ses efforts. C’est la grosse révélation de la compétition avec Bennacer. De l’autre côté, on a Mahrez. C’est peut-être ma préférence. En général, on demande à un grand joueur d’être présent dans les grands matches et il a assuré. Son coup franc face au Nigeria reste l’image forte de la CAN pour moi. Même si parfois il manque de volume, avec l’Algérie il n’a pas hésité à faire les efforts défensifs. Il a aussi dû s’adapter après la blessure d'Atal. L’association avec Zeffane était peut-être moins huilée mais il a toujours joué juste. Il a assumé son rôle de leader et a rappelé qu’il faisait partie des meilleurs joueurs de la planète.» H.B.B.

Hanif Ben Berkane, Nicolas Jambou et Timothé Crépin