martinez (pablo) ajorque (ludovic) (E.Garnier/L'Equipe)

Ludovic Ajorque avant l'entrée en lice de Strasbourg en Ligue Europa : «C'est un truc de fou»

Le Racing club de Strasbourg retrouve l'Europe avec ce match aller du deuxième tour préliminaire pour la Ligue Europa face au Maccabi Haïfa. La Meinau, qui s'annonce bruyante comme toujours, comptera évidemment sur Ludovic Ajorque. Le Réunionnais de 25 ans raconte sa folle première saison dans l'élite et son impatience de vivre des soirées européennes.

«Vous allez découvrir l’Europe avec Strasbourg. Avec quelle émotion ?
Ça fait rêver. Il n’y a pas si longtemps, j’étais à La Réunion, en National, puis en Ligue 2, et là je me retrouve à Strasbourg à jouer un barrage de Coupe d’Europe. C’est magnifique. C’est un rêve. C’est un truc de fou pour moi qui vient de La Réunion. C’était assez compliqué d’arriver à ce niveau-là. Donc jouer la Coupe d’Europe, c’est exceptionnel. On joue une équipe israélienne, mais c’est un match très important pour la suite de notre saison. On veut à tout prix se qualifier, et ça passe par deux bons matches contre eux.

La route vers la phase de poules sera longue…
Oui, on sait qu’il y a six matches pour y arriver. On sait que ce sera difficile parce que le Championnat reprend également et qu’il va falloir gagner. On va se donner les moyens. On a tout fait jusqu’à maintenant pour bien reprendre et bien nous préparer pour passer ces six matches.

Vous avez dû reprendre plus tôt que les autres clubs de Ligue 1. Avec des vacances raccourcies. Sans regret ?
Non, au contraire, c’était plaisant, c’était pour la bonne cause. Quand on te dit que tu vas reprendre plus tôt parce que tu vas jouer un barrage de Coupe d’Europe, je m’en fous, je reprends plus tôt ! S’il fallait reprendre un mois avant, je l’aurais fait. Jouer la Coupe d’Europe n’est pas donné à tout le monde. Ça se trouve, ce sera mon dernier match européen. On ne sait jamais dans la carrière d’un joueur, ça va vite…

Lire : Comment voir Strasbourg-Maccabi Haïfa ?

«Moi, la Coupe d'Europe, c'est sûr que je vais la jouer à fond»

Quel a été le discours de Thierry Laurey, votre entraîneur, par rapport à cette gestion de la Coupe d’Europe, avec également le Championnat qui va venir se mêler ?
L’année dernière, on a joué notre premier match de Championnat face à Bordeaux, qui était en plein barrage de Coupe d’Europe. Il nous a dit que ce serait difficile, avec beaucoup de matches et qu’il faudra être prêt mentalement et physiquement pour assumer tout ça. Ensuite, c’est à nous de jouer sur le terrain. Il faudra bien récupérer entre les matches, il n’y a pas de secret. L’hygiène de vie est aussi importante.

Sentez-vous l’attente des supporters strasbourgeois, qui n’ont plus vu l’Europe depuis 2006 ?
Oui, beaucoup. Il y a une certaine excitation. On sait que le club revient de très loin. Avant, il y avait une grosse histoire. Ils ont joué la Coupe d’Europe. Le fait de gagner la Coupe de la Ligue la saison dernière et donc de jouer l’Europe les rend heureux, je pense, de revivre ce genre de soirées.

On reproche souvent aux clubs français de ne pas jouer cette Ligue Europa à fond : est-ce que Strasbourg va la jouer à fond ?
Oui. Si on a repris plus tôt, c’est qu’on a envie d’y arriver. On ne se prend pas la tête. La saison dernière, on nous avait dit qu’on ne gagnerait pas la Coupe de la Ligue. On l’a gagné. Cette année, on va tout faire pour bien représenter les clubs français. Après, c’est sûr qu’on a encore beaucoup de matches pour y arriver. Mais, jeudi, déjà, ce sera montrer une belle image du foot français. Moi, la Coupe d’Europe, c’est sûr que je vais la jouer à fond. On a tous envie de se donner les moyens d’aller jusqu’aux poules.

Une première saison avec un club de Ligue 1, et déjà un premier trophée pour Ludovic Ajorque, avec la Coupe de la Ligue. (P.Lahalle/L'Equipe)

Vous avez découvert la Ligue 1 la saison dernière. Pour neuf buts. Cette première était-elle inespérée ?
Non. Je venais de Ligue 2 (NDLR : de Clermont, avec qui il avait marqué 14 pions en 2017-18). Malheureusement, j’ai eu une blessure assez tôt qui m’a éloigné des terrains pendant très longtemps (NDLR : Il n’a pas joué en Ligue 1 entre la 6e et la 15e journée). Ensuite, c’était assez satisfaisant. Marquer neuf buts pour une première saison, c’est bien. Mais, cette année, je pense qu’on va m’attendre pour confirmer. C’est le plus dur. À moi de travailler pour que cela se passe bien.

Dans quels domaines ?
Je n’ai pas la prétention de dire que je suis bon dans un domaine et moins bon dans un autre. Je sais que j’ai encore beaucoup de travail à faire. Techniquement, je dois être encore plus juste. Même chose dans mon jeu dos au but et dans mon jeu de tête. C’est progresser encore un peu dans tout.

Comment expliquez-vous que cela se soit si bien passé pour vous ?
C’est le club. Un club sain. Il y a un bon président, qui a la tête sur les épaules. Un bon coach, un bon staff. Le stade est toujours rempli. Le public est magnifique. Il y a tout pour réussir ici. La saison dernière, même quand on perdait, les supporters étaient toujours derrière nous. On ne peut que réussir à Strasbourg.

Au-delà de la Coupe de la Ligue, quel souvenir restera inoubliable ?
À part la Coupe de la Ligue ? (Il sourit.) Le match où j’ai marqué deux buts à Monaco était assez exceptionnel (NDLR : Deux buts et une passe décisive pour une victoire 5-1 de Strasbourg au stade Louis-II). Ce jour-là, j’ai fait des choses que je ne sais pas si je les referais un jour (Il rit.). Prendre le ballon depuis mon camp et aller jusqu’au but adverse pour marquer… C’est assez exceptionnel.

«On ne peut que réussir à Strasbourg»

Vous disiez tout à l’heure qu’il avait été difficile d’arriver à ce niveau. Quel moment compliqué vous revient ?
Quand j’ai signé pro à Angers et qu’il fallait partir en prêt au Poiré-sur-Vie, c’est un moment où je me suis dit que je n’allais peut-être pas y arriver. En plus, je m’étais blessé en y arrivant et c’a été ensuite compliqué pour retrouver un club. Je vais à Luçon et ensuite je vais faire un essai à Clermont… Je me suis dit qu’il allait falloir cravacher. Je n’ai rien lâché. Le mental est très important. Et nous, Réunionnais, on l’a tous parce qu’on est loin de notre famille, on fait beaucoup de sacrifices, donc on n’a pas le choix.

Récemment, le journal L’Equipe a fait état d’un intérêt de l’Eintracht Francfort pour vous. Comment avez-vous accueilli cela ?
(Il sourit.) Je laisse mon agent gérer pour ça. C’est flatteur de voir l’intérêt d’un club allemand comme celui-là. Ils ont été demi-finaliste (de la Ligue Europa) la saison dernière. Mais je m’occupe du sportif. Je me concentre davantage sur le match du 25, car il est très important pour nous.»

«J'ai tellement travaillé pour y arriver que je prends du plaisir à être là»

Comment se vit la concurrence avec les autres membres de l’attaque strasbourgeoise ?
On est plusieurs et ça se passe très bien. On joue à deux attaquants donc on a chacun sa chance. Le coach fait confiance à tout le monde. On joue beaucoup. On tente beaucoup. L’année dernière, cela s’est très bien passé puisqu’on a fini parmi les meilleures attaques de Ligue 1 (NDLR : La sixième, avec 58 buts). Donc, concurrence, non, il y a beaucoup d’entraide entre nous, on s’aime bien.

Vous êtes passé, en cinq ans, du Poiré-sur-Vie à la Ligue Europa avec Strasbourg : on imagine que ces étapes et ces moments font très vite grandir dans une carrière…
Oui. Je découvre l’Europe un an après la Ligue 1. Je gagne la Coupe de la Ligue. Ça va très vite ! Je ne pouvais pas rêver mieux.

Vous vous pincez, parfois ?
Je suis conscient. J’ai tellement travaillé pour y arriver que je prends du plaisir à être là. J’ai le soutien de toute ma famille et de personnes qui sont à La Réunion. Je suis conscient que je suis arrivé à ce niveau, mais je suis aussi conscient qu’il va falloir continuer à travailler pour y rester.

Lire : Ajorque raconte son parcours et ses galères

«Quand j'ai signé pro à Angers et qu'il fallait partir en prêt au Poiré-sur-Vie, c'est un moment où je me suis dit que je n'allais peut-être pas y arriver»

Timothé Crépin