poggi (louis) santelli (benjamin) (P.Pochard/L'Equipe)

Louis Poggi (Bastia) : «L'amour pour ce club n'est pas calculé»

À 34 ans, Louis Poggi n'a jamais osé quitter sa Corse qu'il aime tant, lui qui a disputé 93 matches chez les pros avec le Gazélec Ajaccio. L'été dernier, il a dit oui à un Bastia redescendu bien bas. Tout un symbole pour lui alors que le Sporting joue pour une place en quarts de finale de la Coupe de France face à Caen.

«Louis, avec votre expérience, ce huitième de finale face à Caen est-il particulier ?
Ce n'est pas pour jouer les vieux, mais c'est un match particulier où il y a de l'attente par rapport au club et à son vécu. Mais c'est une rencontre comme les autres, qu'on ne va pas jouer avant. On va la préparer le plus sereinement possible. On n'a rien à perdre.

Ça doit vous rappeler certains souvenirs du haut niveau...
Oui, en effet, pour nous, les anciens (NDLR : Louis Poggi, Ludovic Genest, Gilles Cioni, Gary Coulibaly...), ça rappelle les bons souvenirs. J'espère que ça forgera un peu d'expérience aux plus jeunes pour les préparer pour l'avenir au club.

Caen n'est pas au mieux en Championnat (17e), le public bastiais joue toujours son rôle à domicile : n'est-ce pas la situation idéale pour créer l'exploit ?
Oui, mais ça reste une équipe de Ligue 1. À partir de là, bien ou pas bien en Championnat, elle joue dans l'élite, ça va être un match compliqué. On est outsider. Furiani va jouer un rôle dans ce match. À nous de prendre tout ça en compte.

«Bastia est un club à part»

Racontez-nous ce "nouveau" Bastia. Le Sporting a quitté la Ligue 1 il y a un peu plus d'un an et demi maintenant (2017) pour repartir très bas...
Je ne l'ai pas connu en Ligue 1, j'étais à Ajaccio. On vivait ça à travers les copains et les gens qu'on côtoie. Ce club a pas mal souffert et il essaie de se reconstruire tout doucement. Ce n'est pas facile parce qu'il y a des a priori sur certaines choses. On est là pour aider le club, à ce qu'il reparte de la meilleure des façons. On a essayé de faire notre mieux en Championnat (NDLR : dans la poule D de National 3, Bastia est leader avec neuf points d'avance sur Cannes). Même si ce n'est pas fini, on est en bonne position. Ensuite, on a tenté de faire un parcours en Coupe pour redonner la lumière que doit retrouver ce club. Bastia est un club à part. L'amour pour ce club n'est pas calculé. Même en National 3, il y a une ferveur énorme. Les gens le soutiennent. C'est tout à leur honneur.

De quels a priori parlez-vous ?
À la base, déjà, les gens ont des a priori sur la Corse. Donc des a priori sur les clubs corses. Mais ce n'est pas plus chaud qu'ailleurs. J'ai fait le tour de France et de tous les Championnats, ici, c'est moins chaud que dans certaines régions.
Quand vous vous déplacez à l'extérieur en N3, l'accueil est-il particulier ?
On sait que les équipes vont avoir envie de battre le Sporting. Car le club est en N3 mais il véhicule beaucoup de choses et on sait que la motivation est multipliée. Tant mieux pour nous, ça fait des bons matches.

Les supporters bastiais seront en nombre contre Caen. (S. Boue/L'Equipe)

Cette «image corse» paraît être un boulet...
Au bout du compte, ça me fait rire. Quand on nous dit "Sales Corses", aujourd'hui, on le prend avec le sourire...

À ce point ?
Oui. Pour certains, ce n'est pas une insulte. Donc on le prend comme tel. Mais, à un moment donné, ça peut commencer à énerver, et c'est peut-être pour ça qu'on dit que c'est un peu chaud. Au tour précédent, contre Noisy-le-Grand, on nous a fait passer pour ce qu'on n'était pas. Et il n'y a pas eu de souci majeur.

Votre rôle, pour le coup, est peut-être de savoir canaliser les plus jeunes qui sont plus touchés par rapport à ça...
On fait passer le message qu'il ne faut pas se rebeller. Des fous il y en a partout, des gens difficiles à canaliser il y en a partout et des amoureux du football, il y en a partout.

Aujourd'hui, après tout ce qu'il avait vécu en interne, sentez-vous ce club davantage apaisé ?
On en entend des vertes et des pas mûres. Donc je ne m'en mêle pas, ça ne me regarde pas trop. Maintenant, les gens parlent sans trop savoir. Un club de foot reste compliqué à gérer et le Sporting cherche aujourd'hui à rectifier le tir. On verra ce que ça donne.

Lire : Le programme TV des huitièmes de finale de la Coupe de France

Sur quels valeurs votre collectif, à commencer par votre coach (Stéphane Rossi), se basent-ils ?
Il y a pas mal d'insulaires donc on se base sur certaines valeurs de l'île. Les joueurs qui sont arrivés avaient le même état d'esprit et ç'a très bien pris. Il faut que ça continue pour que cela fructifie dans les années à venir et pour que le club retrouve la lumière des Championnats qu'ils ont toujours connus.

Pour la montée en N2, ça semble bien parti...
Comme on dit, tant que ce n'est pas fait mathématiquement... C'est vrai qu'au regard du groupe qu'on a et de ce qu'on dégage en ce moment, il n'y a pas de raison que ça n'aille pas au bout. Mais ce sont des matches comme celui de Caen qui sont, entre guillemets, pièges. Il ne faudra pas perdre toute la motivation si jamais on est éliminés. Ce n'est pas ça qui doit mettre la demeure en péril. La Coupe, on y prend goût. Et c'est bien là qu'on doit jouer notre rôle si ça se passe mal. Car la priorité reste le Championnat. La Coupe sert à faire redécouvrir le club, montrer qu'il y a certaines valeurs et qu'on peut accomplir de belles choses. Les gens pourront voir certaines révélations dans notre équipe. Mais ce que j'ai envie de montrer, c'est ce groupe qui a été créé, qui dégage un truc particulier. Un groupe comme celui que j'avais connu au GFCA (NDLR : Le Gazélec avait connu deux montées successives pour vivre sa première saison en Ligue 1 en 2015-16) et qui avait renversé des montagnes. Un collectif sain, où personne ne se tire dans les pattes. Chacun aide le copain.

Et vous, dans cette fin de carrière, comment voyez-vous votre rôle ?
À un moment donné, il faut appeler un chat un chat : quand on arrive à un certain âge, il faut savoir dire stop. Mais je relève le challenge de Bastia car c'est un projet intéressant. Dans la vie d'un homme, aider un club historique comme le Sporting quand on est de Bastia, cela a toute son importance. Ça met un peu de piment dans une fin de carrière, c'est valorisant.

De là à dire qu'il s'agit de votre dernière année ?
On verra année par année comment répond le corps. Pour le moment, ça tient. Il y a aussi tous les à-côtés : il y a une après-carrière à préparer.»

«Quand on nous dit "Sales Corses", aujourd'hui, on le prend avec le sourire»

«La Coupe sert à faire redécouvrir le club, montrer qu'il y a certaines valeurs et qu'on peut accomplir de belles choses»

Timothé Crépin

Retrouvez cette semaine dans France Football "Bastia, renaissance, acte I". Focus sur le renouveau du Sporting. Pour lire l'article, c'est ici.