bamba (jonathan) (L.Argueyrolles/L'Equipe)

Ligue 1, Saint-Etienne : les dessous de l'affaire Jonathan Bamba

En conflit avec sa direction au sujet de sa prolongation de contrat, Jonathan Bamba a été envoyé en réserve. Entre le board stéphanois et le meilleur attaquant de Verts, les relations se sont nettement détériorées.

«Jonathan Bamba ? On discute. On l'a rencontré récemment avec ses deux agents et son frère. Il nous a dit qu'il était très heureux à Saint-Étienne, qu'il souhaitait rester. On verra. Que ce soit pour lui ou les autres, des décisions seront prises dans la semaine», expliquait récemment le président Romeyer dans Le Progrès. Le verdict est finalement tombé la semaine dernière. Très performant depuis le début de saison, l'attaquant a été envoyé en réserve pour avoir refusé de prolonger son contrat (d'autres joueurs sont dans la même situation, mais sont toujours au sein du groupe professionnel). Pour rappel, l'international Espoir est lié jusqu'en juin 2018 avec son club formateur. Cette décision radicale a fait l'effet d'une petite bombe en Ligue 1, et a suscité bon nombre de commentaires.

Il y a ceux qui comprennent la position de Saint-Étienne, liée à l'intérêt supérieur du club. Mais d'autres, à l'instar de Christophe Dugarry, n'en reviennent pas du traitement réservé à l'attaquant de 21 ans. «Sous prétexte que le gamin ne veut pas prolonger, tu le mets en réserve ? C'est scandaleux de faire ça !», a lâché l'ancien international sur les ondes de RMC. Pourquoi en est-on arrivé là ? Pourquoi les Stéphanois n'ont-ils pas verrouillé bien en amont un joueur qu'ils ont formé pendant six longues années ?

Premiers éléments de réponse. L'hiver dernier, de retour de prêt de Saint-Trond, Jonathan Bamba est dans l'expectative. Il attend d'en savoir plus sur son avenir. «Nous avons eu un rendez-vous avec les dirigeants stéphanois, nous explique Samir Khiat, l'un des trois agents du joueur (avec Aboubakar Traoré et Michael Ncho). Et on nous a dit clairement que Christophe Galtier ne comptait pas sur lui. On a rappelé qu'en fin de saison, il ne lui resterait plus qu'un an de contrat. Un dirigeant nous a rétorqué que si le joueur explosait, le club en assumerait les conséquences. Ce même dirigeant a ajouté que Bamba n'avait pas le niveau de l'équipe une, et qu'il pourrait tout juste jouer en CFA2». «On a écouté et accepté les choix du club, on s'est concentré sur l'avenir sportif du joueur en s'activant pour lui trouver un prêt où il allait avoir du temps de jeu et pouvoir s'épanouir», ajoute Aboubakar Traoré. Un épisode qui a tendu encore un peu plus les relations, qui ne se sont toujours pas relâchées, loin de là.

 
Aujourd'hui, au moment où les Verts souhaitent s'inscrire dans la durée avec leur jeune joueur, ils sont rattrapés par un passif qui remonte aux deux dernières années. «C'est simple, malgré des belles apparitions lors de la saison 2015/2016 (5 matches et 1 but), on ne lui a jamais fait confiance. On s'est démené pour lui trouver des prêts. On a fait le choix du Paris FC pour la simple et unique raison qu'il aurait du temps de jeu, précise Michael Ncho. Puis il a participé au Tournoi de Toulon. Il finit dans l'équipe type de la compétition, et contribue à la qualification des Bleuets en finale. Il revient à Saint-Étienne. Et là, on l'envoie de nouveau en réserve. Quinze jours avant la fin du mercato, les dirigeants sont revenus vers nous pour nous demander de lui trouver un prêt, sinon il ferait la saison en réserve car le coach ne compte pas sur lui. On trouve une issue à Saint-Trond. Les Belges voulaient mettre une option d'achat. A la base, Saint-Étienne était d'accord sur le principe de fixer un prix en cours de saison. Jonathan a été bon (3 buts et 2 passes décisives). En novembre, Saint-Trond appelle Saint-Étienne pour fixer le prix. Mais les dirigeants stéphanois mettent leur veto. Du coup, des dirigeants belges nous appellent pour nous informer qu'aucun accord ne serait trouvé avec l'ASSE et que du coup le joueur ne jouerait plus pour Saint-Trond. Nous sommes dans l'obligation d'attendre le 1er janvier pour le sortir de cette impasse».

Samir Khiat, l'un de ses représentants : «Un dirigeant a ajouté que Bamba n'avait pas le niveau de l'équipe une, et qu'il pourrait tout juste jouer en CFA2».

Bamba après son but face au Kazakhstan, en septembre, avec les Espoirs. (P.Lahalle/L'Equipe)

Pour justifier le froid relationnel avec les dirigeants, les représentants de Bamba invoquent deux raisons essentielles. «On nous explique que c'est un joueur offensif très important, un titulaire indiscutable et que le coach a foi en lui, et en même temps, on lui propose 25 000 euros brut par mois, lâche Ncho. Nous sommes désolés, mais il y a une incohérence entre les dires et les actes. L'autre élément important à nos yeux, qui explique en grande partie la rupture des discussions, c'est le manque de respect des dirigeants. On a été très étonnés par le ton employé par l'un des dirigeants, pour ne pas dire plus. Tout cela parce qu'on n'était pas d'accord sur les conditions salariales. On est prêt à tout entendre, mais à un moment donné... Evidemment, nous sommes les représentants du joueur, nous sommes toujours d'accord pour s'asseoir autour d'une table mais avec un minimum de respect, parce que c'est l'intérêt de Jonathan qui prime».
 
Pris dans l'étau de ce rapport de force, Oscar Garcia doit lui faire sans son argument offensif numéro 1 de ce début de saison (4 buts en 8 matches). «C'est une décision des dirigeants et je comprends pourquoi, explique le coach. Elle nous pénalise sportivement. C'est mon opinion et aussi celle des joueurs. J'ai parlé avec eux. J'espère que ça s'arrangera». En attendant, Jonathan Bamba, à défaut d'être sur le terrain, peut se consoler du soutien reçu de la part du milieu du football. «Il reçoit des messages quotidiens de ses coéquipiers, de joueurs de l'équipe de France Espoir, ainsi que de ses anciens dirigeants et coéquipiers dans les clubs où il a été prêté. Beaucoup de supporters lui témoignent de l'affection. C'est un garçon qui a une bonne réputation, il a été toujours été apprécié. Sa mise à l'écart n'est pas un problème de comportement, loin de là. Il est costaud, fort mentalement. C'est un moyen de pression de leur part et un message négatif envoyé. Ce n'est pas avec ce genre de tours de force qu'on nous fera céder, que les choses soient bien claires. C'est un salarié du club, il honorera ses convocations en équipe réserve si c'est la volonté de l'AS Saint Etienne», conclut son représentant.

Pas une histoire de gros sous

Dès lors, des crispations, et une certaine défiance, se sont installées. Elles renvoient à un passé récent où l'ASSE n'a pas toujours bien su gérer ses jeunes pousses. L'épisode Bamba cristallise tout cela, et en coulisses à Saint Etienne, certains rouages essentiels du club reconnaissent l'approximation de la gestion des jeunes pépites ces dernières années (Saint-Maximin, Ghoulam...) lors du chapitre Galtier. Lors de sa deuxième partie de saison à Angers, Jonathan Bamba est performant. A distance, il éclipse même des recrues stéphanoises qui lui ont été préférées (Tannane, Jorginho...). En fin de saison, le vent tourne (enfin) pour Bamba. Le sujet de la prolongation de contrat au sein de son club est mis sur la table. Les négociations vont rapidement échouer. Beaucoup d'informations se mettent alors à circuler, notamment des chiffres sur les prétendues prétentions salariales du joueur. Alors que Bamba réussit un excellent début de saison, le climat se détériore entre les différentes parties, jusqu'à l'arrêt des discussions.

Côté dirigeant, comme le confirme RMC, on affirme avoir fait une contre-proposition de salaire conséquente, alors que les représentants du joueur assurent n'avoir rien reçu. Une histoire de gros sous ? Non, réfutent ces derniers. «Contrairement à ce qui se raconte, il y a eu une seule proposition pour Jonathan Bamba, assène Aboubakar Traoré. Elle est effectivement très loin de la valeur du joueur sur le marché. On a fait une contre-proposition. En toute transparence, ce n'est pas une question d'argent. Tous les montants indiqués dans la presse sont totalement faux, et très loin de la réalité. Il y a beaucoup de fantasmes qui circulent. Si cela était une histoire d'argent, nous avions des offres importantes financièrement cet été, mais nous avons fait le choix de rester à Saint-Étienne pour la simple raison que le coach croit en "Jo" et qu'il souhaitait en faire un élément important de son effectif».

Oscar Garcia : «C'est une décision des dirigeants et je comprends pourquoi. Elle nous pénalise sportivement. C'est mon opinion et aussi celle des joueurs. J'ai parlé avec eux. J'espère que ça s'arrangera».

Nabil Djellit