bard (melvin) (P.Lahalle/L'Equipe)

Ligue 1 : Melvin Bard (OL), la hargne à gauche

Originaire de l'ouest lyonnais et arrivé sur le tard à l'OL, Melvin Bard franchit les paliers depuis quelques mois avec son club formateur. Un de ses anciens éducateurs et un ex-coéquipier au Domtac FC présentent le jeune latéral gauche.

Lyon, 18 septembre 2020. Alors qu'il a signé deux jours plus tôt une prolongation de contrat jusqu'en 2023, Melvin Bard débute sa première rencontre de Ligue 1 contre Nîmes. Pourtant, les premiers pas de cette jeune pousse du centre de formation de l'Olympique Lyonnais font moins parler que ceux de Maxence Caqueret ou Rayan Cherki avant lui. Si le latéral gauche de 19 ans ne prend pas autant la lumière, c'est aussi parce que son parcours ne ressemble en rien à ceux des deux pépites lyonnaises. Natif d'Ecully, Melvin Bard débute le foot à l'Arbresle, dans l'ouest de Lyon, avant de rejoindre le Domtac FC, autre club local, dès la catégorie U11. Alors loin de s'imaginer à l'OL, le gamin grandit progressivement au sein de ce club amateur où il rencontre Matthieu Roth, éducateur et directeur sportif, et Ruben Pain, coéquipier durant presque six ans et aujourd'hui éducateur au club. Jusqu'à son départ pour le centre de formation de l'OL en 2016, les deux se souviennent d'un jeune déterminé, accrocheur et qui prenait du plaisir avec ses potes. Pas d'un crack en devenir.

- La fiche de Melvin Bard

Bienveillance et ambition

«Une attitude exemplaire. Un garçon très poli, bien élevé. C'était l'exemple type du gamin qu'on aimerait avoir tout le temps.» Quand on lui demande de présenter le jeune joueur, voilà les premières pensées de Matthieu Roth. De ses yeux d'éducateurs, il se souvient d'abord de l'état d'esprit du jeune Melvin, attentif aux autres et prêt à toujours encourager : «Avec ses partenaires, il était bienveillant et meneur. Un leader positif.» Ruben Pain, son ancien coéquipier, ne peut qu'acquiescer : «C'était un super coéquipier. Toujours à se déchirer pour les autres et l'équipe. Il était dans le partage, pas du tout dans le "moi je".» Une attitude inspirée d'un environnement familial bienveillant. «C'était aussi un gamin bien entouré, dans un environnement sain. Sa famille a joué un rôle important dans sa réussite. Son père connaît très bien le foot, ils ont su l'accompagner dans sa progression», résume Matthieu.
Au Domtac, Melvin Bard enchaîne les saisons au sein de sa catégorie jusqu'à une année U15 où tout se déroule parfaitement sur et en dehors du terrain. «On finit invaincu et on n'avait pas l'impression de jouer en club mais d'abord avec un groupe de potes. Ça nous a énormément rapprochés», raconte Ruben. Une année idyllique pour le groupe, que l'ancien coéquipier résume en un souvenir : «Déplacement à Evian un dimanche. On en a profité pour passer le week-end sur place. Le samedi, on dormait dans une sorte de gîte où on a mangé en deux services car on était trop nombreux. Melvin a mangé aux deux, il s'empiffrait de pâtes c'était incroyable ! On se moquait tous de lui mais le lendemain, on a gagné 5-0 et il a fait un énorme match. À l'entraînement avant le match, on était resté quinze minutes de plus pour bosser des célébrations. Sur le premier but du match, il a fait la truite pendant que notre buteur faisait le pêcheur ! (Rires.)»

Un état d'esprit positif et collectif qui n'empêche pas le jeune joueur de nourrir déjà des ambitions personnelles. «C'était un jeune très exigeant avec lui-même. Déterminé et volontaire pour donner le meilleur. Il avait toujours l'envie de bien faire, était à l'écoute pour apprendre et progresser», souligne Matthieu Roth pour illustrer la soif de progrès de son ancien joueur. Au fil des saisons au club, Melvin Bard est plus en vue que ses coéquipiers sans pour autant envisager d'avoir sa chance au niveau supérieur. «En tant que coéquipier je le trouvais déjà au-dessus du lot à cette époque. Après, on ne connaissait rien du monde pro. Un centre de formation, c'était un rêve pour nous, on n'en parlait pas sérieusement», précise Ruben Pain.

Pourtant, alors qu'il a 16 ans, Bard attire un certain Armand Garrido. Recruteur à l'OL pendant une trentaine d'années, il avait fait part de son premier souvenir au Dauphiné Libéré : «Je cherchais désespérément un défenseur gauche et on me parle d'un petit intéressant à Domtac. C'est une équipe loin du niveau national, mais pourquoi pas. Je le regarde et je me dis : "Il y a du boulot avec les pieds, mais il y a du tempérament. On tente le coup."» Une opportunité inespérée, que Bard n'allait pas laisser passer. «Une fois arrivé là, je savais qu'il ne lâcherait rien», affirme Ruben Pain.

«Un centre de formation, c'était un rêve pour nous, on n'en parlait pas sérieusement» (Ruben Pain, son ancien coéquipier)

Melvin Bard en 2018, lors d'un match de Youth League avec l'OL. (A.Martin/L'Equipe)

Un "lâche rien"

Car sur les pelouses, la première qualité de Melvin Bard qui saute aux yeux de tous, c'est bien son état d'esprit hargneux. «Sur le terrain, c'était un leader par l'exemple. Il se donnait à fond, toujours engagé», décrit Matthieu Roth. Aux premières loges pour observer cette envie de son inusable coéquipier, Ruben Pain détaille : «C'était un "lâche rien" qui mettait beaucoup d'agressivité, et qui n'aimait vraiment pas perdre.» Un volume de jeu qui pousse ses entraîneurs à le placer au cœur du terrain : «Au départ il jouait au milieu. C'est en grandissant qu'il a été replacé derrière parce qu'il aimait défendre et ne rechignait pas à la tâche.» Ruben Pain se souvient de ces changements de postes : «En U13 il jouait devant, quand on est passé à 11 il a commencé ailier gauche, puis très rapidement milieu axial pendant toute une saison avant de finalement redescendre latéral gauche.»

L'ancien coéquipier a même fait les frais de ce choix : «Je m'en souviens bien parce qu'à l'époque c'était moi le latéral gauche ! (Rires.) Après, il n'a pas attendu d'être replacé là pour être un bon défenseur parce qu'il a toujours eu la hargne à la récupération. Il était déjà très présent sur l'adversaire, à gratter des bons ballons.» Et ce n'est pas en débarquant, tardivement, au centre de formation de l'Olympique Lyonnais que cette qualité va s'estomper. «Au bout de deux mois, j'ai été impressionné. Il s'est accroché, il est passé devant tout le monde», se rappelait Armand Garrido. À l'OL, cet immense défi donne des ailes au jeune Melvin Bard.

L'OL, le tremplin

S'il affirme ne pas être étonné que l'OL soit venu chercher le joueur en U16, Matthieu Roth ne décrit pas non plus une pépite destinée au plus haut niveau quand il refait le fil de son parcours : «Il a eu une progression très régulière. Tout le monde voyait qu'il avait des aptitudes et qu'il pouvait franchir les paliers en grandissant. Mais il a été surclassé uniquement sur sa dernière année au club.» C'est bien l'arrivée en centre de formation qui ouvre la page d'une énorme progression. L'année qui suit son départ du Domtac, Ruben retourne régulièrement voir son pote sous les plus belles couleurs de la région. Il est encore marqué par le nouveau joueur qu'il voit évoluer : «Vraiment, très vite, on pouvait constater une progression fulgurante en moins d'une saison. Je ne pensais pas que ça irait si vite, même si ç'a toujours été un garçon qui voulait se donner les moyens d'atteindre ce qu'il voulait. L'OL l'a aidé à faire de ses qualités une vraie force.»

Mais aussi à gommer ses points faibles : «Ce qui m'a le plus marqué dans sa progression, c'était la qualité de son pied droit. On était deux gauchers, autant dire que notre pied droit n'était pas phénoménal... (Rires) Je l'avais rarement vu autant utiliser ce pied, et là ses premiers ballons c'était : contrôle du droit, puis transversale.» Avoir mis le pied (gauche) dans la porte a suffi à Melvin Bard pour forcer l'entrée, grâce à son envie et sa hargne. Alors que les opportunités pointent désormais le bout de leur nez, «ce sera à lui de les valider», résume Ruben Pain. Avec le départ de Marçal et celui, probable, de Youssouf Koné, une place est à prendre sur le côté gauche de la défense lyonnaise. Le genre de choses qu'on ne dit pas deux fois à Melvin Bard.

Quentin Coldefy