samba (brice) (P.Lahalle/L'Equipe)

Ligue 1 : Brice Samba (Caen) raconte les anecdotes et moments de sa carrière, «Quand tu es à Marseille, ta vie change»

Doublure de Rémy Vercoutre à Caen après avoir quitté l'OM cet été, Brice Samba (23 ans) a passé le questionnaire du «Jour où» de FF. L'occasion de revenir sur sa vie et sur sa jeune carrière. Du Congo à la Normandie. En passant par la fois où il a raccroché au nez de José Anigo... qui voulait le recruter.

Le jour où il démarre le football
«J'ai quelques flashs de mon enfance. Je suis né au Congo-Brazzaville. À un an, je suis parti en Côte d'Ivoire parce que mon père (NDLR : qui porte le même nom, et qui a été une figure de la sélection du Congo) avait signé là-bas, à l'Africa Sports. J'ai commencé vers quatre ou cinq ans. J'étais joueur de champ. Je n'avais pas un poste défini, comme c'est souvent le cas quand on est jeune. Mais je me souviens que j'évoluais souvent en tant que milieu excentré gauche. Mais pas défenseur, un peu plus haut. Mes idoles d'enfance ? J'aimais bien Iker Casillas. Mais le club que je supporte, c'est Barcelone et le joueur que j'aime vraiment, c'est Lionel Messi.»

«Plus petit, j'aimais être sur le terrain»

Le jour où il arrive en France
«Après Africa Sports, mon père est parti jouer en France, à Pacy-sur-Eure, alors qu'avec ma mère, mes frères et mes sœurs, nous sommes restés en Côte d'Ivoire. Mais à la fin de l'année 2000, avec mon cousin, que je considère comme mon grand frère, on a décollé d'Abidjan le 31 décembre. Avec le but de rejoindre mon père. À la base, on devait tous venir. Mais faute de moyens, je suis venu seul. Le reste de ma famille est arrivé un mois plus tard. À l'époque, j'avais six ans. J'ai rapidement intégré un club, à Villepinte, en région parisienne. Avant de rejoindre Pacy-sur-Eure l'année suivante.»

Le jour où il devient gardien de but
«C'est lors d'une séance d'entraînement à Pacy-sur-Eure justement. Il manquait un gardien. J'ai proposé à mon entraîneur d'aller dans les cages. Et il m'a dit que j'étais meilleur que le portier en place. (Il sourit). Du coup, j'y suis resté. Et j'avais déjà tout ce qu'il fallait chez moi puisque mon père était gardien. À l'époque, ç'a été une révélation. Plus petit, honnêtement, j'aimais être sur le terrain. À la maison, je m'amusais avec les gants de mon père, mais sinon, je préférais être joueur de champ.»

Quand il encaisse «cinq ou six buts» lors d'un test au Havre

Le jour où il rêve de devenir footballeur professionnel
«À onze ans, juste avant d'entrer au centre de formation du Havre. Le jour où je me suis rendu chez ma famille d'accueil, mon père m'a filmé en me demandant ce que je voulais faire de ma vie. Je lui ai répondu que j'espérais devenir footballeur professionnel. J'ai lancé ça en rigolant, sans me prendre au sérieux. Quand je revois cette vidéo aujourd'hui, je me dis que je n'ai pas parlé pour rien.»

Le jour où il est détecté par Le Havre
«Après Pacy-sur-Eure, j'ai joué à Évreux. A chaque fois, j'ai été surclassé avec les 92, qui avaient donc deux ans de plus que moi. Je m'entraînais avec le frère de Steve Mandanda, Riffi. Un mercredi, mon coach vient me voir. Il me dit qu'il faut que je me rende au Havre pour m'entraîner. Je lui dis ''comment ça ?''. Je n'ai pas compris pourquoi. Derrière, j'appelle mon père, qui m'a toujours interdit d'aller au-delà de 100 mètres de la maison. (Il sourit.) En fait, il était déjà au courant et m'a donc autorisé à m'y rendre. J'ai dix ans quand j'arrive là-bas et je dispute un match avec des joueurs de treize ou quatorze ans ! C'est l'une des premières fois que je jouais sur un grand terrain. Je ne comprenais rien ! Je fais le match, mais j'ai été nul, nul, nul, et j'ai encaissé cinq ou six buts. Pour moi, c'était (les cages, le terrain) trop grand. Derrière, je rentre chez moi. Je me suis alors dit que j'avais été au Havre pour rien. Deux ou trois jours après, mon père reçoit un courrier du club, stipulant qu'ils me voulaient dès l'année suivante. Je ne réalisais pas ! C'est plutôt quand je suis passé pro, à seize ans, que je me suis vraiment rendu compte de ce qu'il m'arrivait et que j'allais en faire mon métier.»

«Je reçois un coup de fil d'Anigo. Je ne le prends pas au sérieux et je raccroche. Je croyais à une blague d'un pote»

Le jour où il raccroche au nez d'Anigo
«Je m'en rappelle très bien. C'était en décembre (2012), le 26 ou le 27, j'étais en vacances à Paris avec un ami. Je reçois un coup de fil d'Anigo, alors entraîneur de l'OM. Je ne le prends pas au sérieux et je raccroche tout de suite. Je croyais à une blague d'un pote. Mon agent m'appelle et me dit : ''Il y a José Anigo qui t'appelle, et toi, tu lui raccroches au nez. T'es fou !'' Anigo me rappelle et m'annonce : ''Je vais être clair avec toi, nous, on te veut dès maintenant pour la succession de Mandanda. On va faire en sorte que tu signes le plus vite chez nous.'' En plus, l'OM, c'est LE club de ma famille, tout le monde supporte Marseille à 100 % (NDLR : il y signe en 2013).»

Le jour où il démarre en Ligue 1
«C'était contre Guingamp (17 mai 2014, 1-0). Je remplace Steve (Mandanda), blessé à la suite d'un choc à la tête, au bout de quinze ou vingt minutes. Il a loupé la Coupe du monde 2014 à cause de ça, d'ailleurs. C'était le dernier match de la saison. Je me rappelle être sur le banc avec Benjamin Mendy. Honnêtement, on était en train de parler de nos vacances, on se disait qu'on allait faire ci, faire ça. Limite, on ne regardait même pas le match. À un moment, il me touche la cuisse et me dit ''Brice, Brice, Brice, tu vas entrer, Steve est K.O''. Je tourne la tête, et je vois Laurent Spinosi, l'entraîneur des gardiens, qui me fait signe de me dépêcher. Je n'étais pas du tout prêt ! Ça s'est super bien passé. C'était une drôle de sensation de démarrer à ce moment, surtout avec le stade plein pour le tout dernier match.»

«Quand tu passes une saison à l'OM, c'est comme si tu avais vécu deux ans d'un coup»

Le jour où il découvre la Ligue des champions avec l'OM
«Avec mon tout premier match contre Reims en Coupe (5 janvier 2014, 2-0 a.p.), c'est mon autre meilleur souvenir de mon passage à l'OM. Vivre une campagne de Ligue des champions (NDLR : avec Arsenal, Dortmund et Naples dans le même groupe), c'est vraiment magique. Bon, on avait pris zéro point, mais c'était magnifique. Avant, je vivais ça depuis ma télévision ou sur ma PlayStation. Mais là... Je souhaite à tout footballeur de connaître ça un jour.»

Le jour où il prend trois buts à Grenoble (CFA), avec une élimination en 32es de finale de Coupe de France
«Mon pire souvenir à l'OM. On fait 3-3 à Grenoble (4 janvier 2015, avec une élimination aux tirs au but, 5-4). Mon père m'avait prévenu en me conseillant de bien préparer ce type de matches pièges. J'étais sur une assez bonne période, le coach Bielsa me faisait énormément confiance. Il m'avait donné tous les matches de coupes. J'ai mal préparé la rencontre dans ma tête. Ç'a été ma pire semaine à Marseille. Globalement, si je devais résumer mon aventure à l'OM, je dirais que j'ai énormément appris et grandi. Si tu passes une saison dans ce club, c'est comme si tu avais vécu deux ans d'un coup. Et ce, même si je n'ai pas beaucoup joué. Tu vois que c'est vraiment un club à part à tous points de vue. Quand tu es à Marseille, ta vie, elle change. Je ne regrette en aucun cas mes cinq années là-bas, c'était juste magnifique. Donc quitter ce club cet été a été d'un côté compliqué parce qu'on sait ce qu'il représente. Mais de l'autre, j'avais envie de faire avancer ma carrière. Mais y rester ne m'aurait pas dérangé.»

«Caen - Le Havre, c'est normal que ça frictionne un tout petit peu»

Le jour où il décide de dire oui à Caen
«C'était vers le 2 ou 3 juillet dernier. Cela a été une décision assez rapide à prendre. Avec mon agent, on avait parlé (de mon avenir) un mois auparavant. Je savais à quoi m'en tenir. Ça s'est accéléré en deux jours début juillet. Je ne dis pas qu'il fallait absolument partir de l'OM, mais j'avais aussi envie de changer un peu d'air. On n'a pas continué l'aventure ensemble aussi par rapport au nouveau projet qui s'est mis en place. On n'est pas tombé d'accord sur comment s'engager dans le futur. De mon côté, j'avais une forte envie de jouer, d'où ce choix de Caen. Même si, avec le club, les choses ont été très claires : un gardien est en place, en la personne de Rémy Vercoutre. Pour moi, Caen était la meilleure des solutions.»

Le jour où il comprend que Le Havre, son ancien club, et Caen, son équipe actuelle, ne s'aiment pas vraiment
«(Il sourit.) Je l'ai su très tôt puisque lorsque j'étais au Havre, je jouais souvent contre Caen. En plus, c'est moi qui nous a fait gagner contre eux cet été (NDLR : lors du Trophée des Normands, remporté aux tirs au but, avec une tentative décisive détournée par Samba).»

Ç'a un peu fait jaser. C'est le foot, c'est comme ça. (On le relance sur le fait qu'il soit passé, à l'échelle normande, de Barcelone au Real Madrid.) On peut dire ça comme ça. (Il sourit.) Ça reste gentil. Ce sont les deux clubs phares de la Normandie, c'est donc normal que ça frictionne un tout petit peu. Mais c'est assez sympa.»

Propos recueillis par Timothé Crépin