(F.Faugere/L'Equipe)

Ligue 1, 2e journée : le réveil après un cauchemar, la Meinau se prépare à retrouver la Ligue 1

Avec la réception de Lille, dimanche après-midi (15h), Strasbourg et son stade de la Meinau retrouvent l'élite du football français. Plus de neuf ans après le dernier match du RCSA en Ligue 1, le moment sera forcément spécial.

Il y a des instants, comme ça, qu’il faut savourer et apprécier. Celui de dimanche, que s’apprêtent à vivre les supporters du Racing Club de Strasbourg, sera assurément l’un de ceux-là. Plus de neuf ans et trois mille trois cent quatre-vingt-deux jours après une défaite contre Caen, le 10 mai 2008 (1-4), la Meinau va retrouver l’élite du football français. «Je ne suis pas sûr de tout de suite réaliser qu'on jouera un match de première division à la Meinau, explique Aurélien, trente-deux ans et supporter du Racing depuis près de vingt ans. Lors de notre double rétrogradation, du National à la CFA2 en 2011, je me demandais même si je reverrais un jour un match professionnel dans ce stade.»

C’est que l’attente a été longue, et les moments compliqués. Un redressement judiciaire en 2011 immédiatement suivi d’une liquidation, une relégation au cinquième échelon français, le rachat du club par Marc Keller (pour un euro symbolique en juin 2012), deux montées successives, trois saisons en National, puis deux nouvelles accessions de rang. En six ans, de la cinquième division au retour en Ligue 1, le Racing a tout connu, tout affronté. Et, lorsqu’il en avait le plus besoin, le club a toujours pu compter sur le soutien sans faille de ses supporters. Alors forcément, au moment où les portes du stade s’ouvriront, peu après 13 heures dimanche, les fidèles du champion de France 1979 vont ressentir une émotion toute particulière. Sylvain, vingt-neuf ans, s’y attend. «Dans ce même stade, sur cette même pelouse, le Racing a joué des matches de CFA2 il y a quelques saisons. C’est fou, quand on y repense. C’est comme le moment où l’on se réveille après un mauvais cauchemar.» Clin d’oeil du hasard, le dernier match de première division qu’avait vécu Sylvain à la Meinau était un… Strasbourg-Lille (avril 2008, 0-1).

«Dans ce même stade, sur cette même pelouse, le Racing a joué des matches de CFA2 il y a quelques saisons. C'est fou, quand on y repense. C'est comme le moment où l'on se réveille après un mauvais cauchemar.»

«Énormément d'excitation dans la ville»

La saison strasbourgeoise ne débutera certes pas dimanche : elle avait été lancée huit jours plus tôt, sur le terrain de Lyon (0-4). Mais un retour en Ligue 1 ne peut être réellement validé que quand toute la ville y goûte. «Je ressens énormément d’excitation, raconte Andy, vingt-trois ans, qui entame sa onzième saison comme abonné. Il y a de l’impatience, une hâte de retrouver un Championnat qu’on n'aurait jamais dû quitter. Strasbourg est une ville de foot, qui vit au rythme du Racing depuis toujours. Certains vous diront même que le président du RCSA est plus important que le maire de la ville.» Pour étayer ses propos, Andy évoque des chiffres, baromètre majeur pour évaluer et situer quelque chose en football. Cette saison, alors que la campagne a pris fin ce vendredi 11 août, le Racing a explosé son record d’abonnements : 15 650. Jamais, dans son histoire, le club n’en avait vendu autant. Ils étaient 11 700 abonnés lors de la dernière saison de Strasbourg en Ligue 1, en 2007/08. Preuve statistique, s’il en fallait une, que l’Alsace était pressée de revoir Strasbourg dans l’élite.

«Nous savons que cette saison sera difficile», glisse Emmanuel, quarante et un ans. Jusqu’ici, il se rendait «régulièrement» au stade avec sa femme et son fils. Et pour ne rien rater de cette année particulière, il a décidé de prendre un abonnement. «Nous le savons tous, l’objectif du club, c’est le maintien. Il va devoir réapprendre et se remettre dans le bain de la Ligue 1, puisqu’il est de nouveau dans la cour des grands. Mais nous, supporters, seront là dans les bons comme dans les moins bons moments.» Les bons moments, justement, on ne peut vraiment s’en délecter qu’après avoir connu des galères.

Des records d'affluence partout où le Racing est passé

Ce qu’il y a d’assez remarquable et de fantastiquement beau, avec Strasbourg, c’est que la ferveur ne s’est jamais estompée. Dans toutes les catégories amateurs par lesquelles il est passé, de la CFA2 au National, le club a toujours battu les records d’affluence du Championnat. Pour sa première rencontre de cinquième division, face à Illzach-Modenheim le 3 septembre 2011, la Meinau avait accueilli 9813 spectateurs : plus du double du précédent record, détenu à l’époque par Rouen (4734 spectateurs en 1999). «En tant que supporter, ce n’est pas évident de se retrouver en CFA2, reprend Sylvain. Mais je pense que tout le monde a repris espoir petit à petit, se disant que notre club ne pouvait pas rester longtemps à ce niveau. Durant ces saisons amateurs, je me suis vraiment rendu compte que je ne suis pas fan de foot, mais fan du Racing !».

Il y a, bien sûr, un sentiment de fierté après tout ce qui a été fait. D’accomplissement, aussi, même si le football est un romantique qui peut parfois reprendre aussi vite qu’il a donné. Mais, à Strasbourg, il y a surtout de la reconnaissance. Andy souligne et remercie «l’ensemble des joueurs et des entraîneurs - en précisant les noms de ces derniers, François Keller, Jacky Dugueperoux et Thierry Laurey - qui ont permis au Racing de revenir sur le devant de la scène». Parfois, il faut tout recommencer à zéro pour réécrire une histoire et la rendre encore plus belle. Celle vécue par les supporters du RCSA, de 2010/11 à ce match du dimanche 13 août 2017, est magnifique à raconter. Strasbourg et sa Meinau sont de retour dans l’élite, et bien qu’il se soit passé tellement de choses entre temps, c’est comme si rien n’avait changé.

Ils racontent la Meinau, leur «deuxième maison» :

Andy : «La Meinau, c'est ma deuxième maison. Tout simplement. Les jours de match, je suis au stade deux heures avant le coup d’envoi, avant l’ouverture des portes. J'en profite pour m'installer et contempler ce stade magnifique qui se remplit et monte en intensité au fil des heures jusqu'au coup d'envoi. J'en profite, aussi, pour installer drapeaux et bâches avec l'association de supporter dont je fais partie : le "Kop Ciel Et Blanc". L'ambiance, à la Meinau, c'est quelque chose d'énorme. Le Racing est une passion que m'a transmise mon père, décédé il y a cinq ans. Il aurait aimé voir son club où il est aujourd'hui Et c'est avec une part de lui que je suis dans les stades de France chaque Week-end.»

Aurélien : «Le kop strasbourgeois a décidé de se déplacer du quart de virage Nord-Ouest à la tribune ouest (derrière le but) en début de saison dernière. Le risque était présent de se trouver éparpillés et que ça ne prenne pas, vu la largeur de la tribune et sa capacité. Or c'est tout l'inverse, on a connu une ambiance et une ferveur comme on en a très peu vu dans l'histoire récente du club. J'ai toujours aimé fréquenter le kop. Car si, sur le terrain, le niveau de jeu (et les résultats) n'étaient pas toujours présents, au moins on passait un bon moment, on encourageait notre équipe jusqu'à s’époumoner et on avait au moins nous la sensation d'avoir tout donné. Là, on avait la chance ces derniers temps de cumuler les temps et les plaisirs en tribune ou sur le terrain.»

Emmanuel : «L’ambiance à la Meinau, c’est du non-stop. Le mur "bleu et blanc" ne s’arrête jamais. Et au moment d’un «aux armes», c’est tout le stade qui chante à l’unisson. Quand tu sors de là, tu n’as plus de voix. Mais c’est tellement vibrant que tu en as la chair de poule. En quelques mots… Un seul amour et pour toujours : Racing club de Strasbourg.»

Sylvain : «Parler du stade de la Meinau, pour moi, c’est comme parler de ma maison. C’est un endroit réconfortant, qu’on a toujours plaisir à retrouver. Le stade n’est pas tout neuf, il a certainement beaucoup de défauts. Mais c’est un endroit que j’aime, qui rappelle tant de souvenirs ! L’ambiance qui y règne est selon moi un miroir de l’Alsace : chaleureuse ! Il y a une vraie ambiance de foot, une grosse ferveur. Encore plus depuis le déplacement du kop derrière les buts. Ce stade, c’est le top !»

Sam Myon