SPAIN - 19th of September: Gerard Pique during the match between FC Barcelona against SD Eibar, for the round 4 of the Liga Santander, played at Camp Nou Stadium on 19th September 2017 in Barcelona, Spain. (Credit: Mikel Trigueros / Urbanandsport / Cordon Press) Cordon Press *** Local Caption *** (Mikel Trigueros/CORDON/PRESSE/PRESSE SPORTS)

Liga, Atlético Madrid - FC Barcelone : Gerard Piqué, symbole du déchirement espagnol

Le défenseur du FC Barcelone Gerard Piqué cristallise l'attention des médias espagnols, après s'être prononcé en faveur du droit de vote pour l'indépendance de la Catalogne. La crise politique espagnole s'est invitée au coeur de la sélection nationale.

Né à Barcelone, le défenseur blaugrana Gerard Piqué (30 ans) a beaucoup fait parler de lui de l’autre côté des Pyrénées, au sujet du référendum d’autodétermination de la Catalogne organisé le 1er octobre. Le vote, jugé illégal par la cour constitutionnelle et le gouvernement espagnol, a été violemment réprimé par les forces de l’ordre, causant plus d’une centaine de blessés. Le Catalan s’est prononcé en faveur du droit de vote au référendum, notamment sur Twitter, où il a posté plusieurs messages. Le jour du scrutin, Piqué publiait sur le réseau social : «Ensemble, nous sommes imparables pour défendre la démocratie».

Sa prise de position lui a attiré les foudres de nombreux supporters espagnols. Après une victoire anecdotique du Barça face Las Palmas (3-0), le même jour que le référendum et dans un Camp Nou à huis clos, le défenseur s’est exprimé devant les caméras et les larmes aux yeux : «Je crois que je peux continuer à aller en sélection parce qu’il y a beaucoup de gens en Espagne qui sont en total désaccord avec les faits qui se sont produits en Catalogne et qui croient vraiment en la démocratie. Si le sélectionneur ou toute autre personne de la Fédération pense que je suis un problème ou que je gêne, je n’aurais pas problème à faire un pas de côté et à quitter la sélection avant 2018.» Le lendemain, Gerard Piqué a rejoint Las Rozas, le centre d’entraînement de la Roja, où il a été littéralement conspué.

Difficile en Espagne de voir l’institution qu’est la Roja prise dans la tempête. Une réunion est organisée dans le vestiaire pour trouver une solution au «cas Piqué». Le quotidien Marca a donc opté pour l’union sacrée en titrant «Un Pacte pour l’Espagne» le 4 octobre, d’un ton grave et solennel. La photo montre le défenseur catalan célébrer son but lors du premier match de poules à l’Euro 2016 face à la République Tchèque (1-0) avec son partenaire de charnière centrale Sergio Ramos. Tout un symbole, puisque c'est une manière aussi de dissiper les rumeurs de mauvaises relations entre Piqué et le Madrilène.

Deux jours plus tard, Piqué est sifflé mais aussi applaudi à chaque ballon touché à Alicante, lors de l’avant-dernière journée des qualifications face à l’Albanie (3-0), ce qui en dit long sur le déchirement et le tiraillement des espagnols. L’hymne espagnol devait être comme une «punition» pour le catalan, suppose Antonio Merino dans El Periodico : «Alors que ses coéquipiers regardaient droit devant et que Ramos levait les yeux au ciel, comme il le fait toujours, Piqué regardait d’un côté, puis de l’autre d’un regard vide». La presse espagnole, qui s’est abondamment demandée si un joueur soutenant un référendum illégal pouvait jouer en sélection nationale, a décortiqué et interprété les moindres faits et gestes du joueur.
 
Les critiques à l’encontre du Barcelonais n’ont pas lieu d’être, pour Ruben Amon, journaliste à El Pais, qui l’a défendu : «Il n’est pas nécessaire de sentir la Roja comme une peau pour la défendre avec honnêteté sur un terrain de football. Et l'on ne peut pas contraindre les joueurs à un vœu de silence ou un compromis identitaire. La sélection n’est pas un corps militaire…» Les conférences de presse de la sélection ont été largement animées par le cas Piqué. Julen Lopetegui a quant à lui écarté tous les doutes possibles le concernant :  «Gerard est une partie de l’âme de la sélection espagnole, il n’y a pas de place pour le doute le concernant». Pour le sélectionneur, qui voulait rester focalisé sur «l'actualité sportive, et pas  la politique», force est de constater que les deux sont intimement liées, surtout en ce moment en Espagne.

Jérémy Nedelec