(Martin/L'Equipe)

«Les joueurs de Guingamp ne sont pas boulangers ou paysagistes la semaine», «On est envieux de ce qu'ils ont réalisé» : Guingamp agace-t-il Rennes ?

Il y a dix ans, Guingamp s'imposait en finale de la Coupe de France contre Rennes (2-1). Le début d'une vraie rivalité entre les deux équipes, surtout que l'EAG remettait ça en 2014. FF.fr a cherché à savoir, à travers les témoignages de supporters des deux clubs, si la petite ville dérangeait la grande.

Les finales de Coupe de France remportées par Guingamp contre Rennes (2009, 2014)

Fabrice Pinel, supporter de Rennes et fondateur du site ROUGEmémoire : «En 2009, à aucun moment un supporter rennais ne pensait que l’on puisse perdre face à Guingamp, qui évoluait en Ligue 2. C’est ce jour-là que l’on se dit "merde, Guingamp nous enlève un trophée, un bonheur". C’est une grosse claque et ça sera un regret éternel. On l’oubliera le jour où l’on gagnera quelque chose. On est envieux de ce qu’ils ont réalisé, mais on ne peut que respecter les titres qu’ils ont remportés.»
 
Nicolas Ollivo (@Rodighiero_), supporter de Guingamp, mais sympathisant breton : «Depuis les Coupes de France, ça a un petit peu volé en éclat (rires). Guingamp a ce petit supplément d'âme que Rennes n’a pas forcément, c’est la véritable équipe de Coupe. Et c’est ce qu'aimerait être un peu Rennes. Le derby a pris de l’importance depuis cette victoire en 2009. Ça les énerve. Eux forcément, ils vont dire "Non non, c’est Nantes le derby", mais il y en a plein qui veulent battre Guingamp absolument.»

Martin Paugam, supporter de Rennes : «Nous n’en voulons pas forcément à Guingamp, mais ce sont incontestablement les deux souvenirs les plus douloureux dans l'esprit des supporters rennais. Je ne mettrais néanmoins pas les deux défaites sur le même plan, la première reste en travers de la gorge car nous avions globalement dominé le match jusqu'à notre ouverture du score, pour s'écrouler ensuite. La seconde était tout à fait logique compte tenu de la pauvreté de notre équipe à ce moment-là.» 
 
Antoine Hernandès, supporter de Rennes : «C'est quelque chose que l'on a forcément dans un coin de notre tête. Ça fait mal, surtout la deuxième. J'étais au Stade de France et on était sûr de les battre. Depuis c'est digéré, mais c'est le fait de ne pas gagner de Coupe depuis si longtemps qui nous embête plus (la dernière remonte à 1971, ndlr), surtout par rapport aux regards des autres...»

«Les deux souvenirs les plus douloureux dans l'esprit des supporters rennais».

Martin Paugam : «On aurait aimé réussir cette performance. Mais personnellement je ne ressens pas de jalousie. Nous avons battu le PSG la saison dernière en Championnat au Parc où nous avons validé notre qualification européenne. Émotionnellement, c'est d'un autre niveau qu'une victoire en quarts de finale de Coupe de la Ligue. Même si on aimerait tous connaitre de nouveau cette ivresse d'une victoire en Coupe.»

Antoine Hernandès : «On a surtout les nerfs par rapport à notre élimination juste avant, aux tirs au but contre Monaco. Dans ce match on ne met aucune envie. Si on avait su que le PSG allait se faire éliminer, on aurait joué le coup à fond, c’est dommage. Après, félicitations à Guingamp et tant mieux pour eux.»

Le fait que Guingamp ait fait tomber le PSG

Fabrice Pinel : «Moi je suis plutôt fier pour eux. Le seul hic, c’est que l’on se dit qu’en passant ce quart de finale il y avait un tableau ouvert comme jamais pour aller chercher un titre. Le regret est là. Ça aurait été une belle aventure à vivre. Jusqu’ici, Guingamp ne remporte que des Coupes contre Rennes. J’attends de voir s’ils sont capables d’en gagner une si nous ne sommes pas en face. Je ne sais pas si c’est Guingamp qui a gagné les finales seul, ou s’il les a gagné car c’était Rennes en face.»

Nicolas Ollivo : «Les supporters rennais étaient très désespérés (rires). Ils auraient bien aimé le faire eux-même. En plus, ça va peut-être empêcher le sixième de Ligue 1 d’être qualifié pour la Ligue Europa. Il y a aussi un petit peu de jalousie, car Guingamp est encore sur le devant de la scène et pique la vedette aux autres clubs, c’est un petit peu agaçant. Rennes fait une belle saison mais du coup il y a toujours Guingamp qui vient emmerder un peu.»

«Il y a toujours Guingamp qui vient emmerder un peu».

Martin Paugam : « La vraie rivalité des Rennais est avec Nantes, celle des Guingampais avec Brest. L'ancienne génération de Guingamp supportait Rennes, beaucoup de jeunes supporters guingampais aujourd'hui ont des pères ou des grands-pères qui supportent Rennes. Si battre Guingamp est toujours un moment agréable, et perdre contre eux un moment désagréable, on arrive à passer à autre chose rapidement.»
 
Antoine Hernandès : «Aujourd'hui, ça se passe bien entre nous. C'est une équipe qui nous résiste pas mal, notamment en Coupe, mais il n’y a aucune amertume par rapport à ça. Ce n'est pas comme avec Nantes où on ne peut vraiment pas se voir.»

L'évolution de la rivalité

Fabrice Pinel : «Il y a toujours eu un oeil bienveillant du côté rennais vis-à-vis du petit voisin, que l’on appelle ainsi par la taille de la ville. Avant, jouer Guingamp c’était : "il ne faut pas que l’on se loupe, on n’a pas le droit de perdre contre eux." Mais maintenant, ils nous ont montré qu’ils étaient capables de gagner dans de grandes circonstances. On n'est plus en position aujourd’hui de les traiter comme des petits.» 
 
Nicolas Ollivo : «A Guingamp, on a toujours voulu battre Rennes. C’est historique, c’est comme ça. Aujourd’hui, la rivalité reste saine. Mais je trouve que côté rennais, ils commencent à s’énerver. Si Guingamp gagne la Coupe de la Ligue, on aura un titre de plus qu’eux, là par contre ils vont nous jalouser. Je pense que Rennes en a vraiment marre de Guingamp. On les bat en Coupe de France, on vient les battre chez eux, on les bas chez nous, ils vivent l’inverse de ce qu’ils font vivre à Nantes, du coup ça les agace énormément.»

Martin Paugam : «On n’a aucun complexe sur ce sujet. Le public rennais est probablement l'un des plus fidèles de France. Guingamp fait partie des ambiances "bon enfant" du foot français, mais n'est une référence pour personne en matière d'ambiance ou d'animation des tribunes. Rennes est au contraire une référence en France et en Europe à travers ses tifos. Dans aucun derby auquel j'ai assisté on ne s’est fait manger en tribunes. Je ne sais pas d'où vient cette idée qu'il n'y aurait pas d'ambiance à Rennes.»
 
Antoine Hernandès : «C'est sûr qu'à Guingamp il y a une atmosphère particulière, le stade est rempli tous les week-ends. Mais le Roazhon Park n'a pas à rougir. C'est un très beau stade avec un public bien présent. Donc non, on n’a rien à leur envier.»

«Ce n'est pas comme avec Nantes où on ne peut vraiment pas se voir».

Martin Paugam : «L’image de club gentil de Guingamp agace. Parce que quand Guingamp élimine Paris, on a l'impression que c'est une N2 qui vient de faire un exploit. Les joueurs de Guingamp ne sont pas boulangers ou paysagistes la semaine, ils sont payés 50 000 euros par mois comme l'ensemble des joueurs de L1. Guingamp est un club qui se construit sur une communication léchée de petit club familial. C'est habile. Mais c'est très loin de la réalité. France Football a d’ailleurs décerné le "prix citron" à Guingamp pour ses relations avec la presse. Preuve que leur communication hyper contrôlée n'agace pas que chez les Rennais.» 
 
Antoine Hernandès : «Honnêtement, la rivalité avec Guingamp est plutôt positive. Donc le fait que l'EAG soit une équipe de Coupe ne nous dérange pas. Vu leur situation en Championnat, heureusement qu'ils ont ça quelque part...»

Le duel des tribunes

Fabrice Pinel : «La Ligue 1 pour Guingamp, c'est un miracle permanent. Ce n’est pas le public qui fait le plus de bruit mais c’est certainement l’un des plus fidèles et des plus passionnés. A Rennes, on a un public un peu plus pointilleux, qui va s’enflammer quand ça va bien, et qui va aussi se taire quand ça va mal. Mais pas dans l'excès de ce que l’on peut voir au Vélodrome.» 
 
Nicolas Ollivo : «C’est différent. Le Roudourou est un stade à l’anglaise, les supporters sont proches du terrain. A Rennes, le stade est plus grand, il y a plus de monde, mais il y en a qui sont blasés de voir le club ne pas gagner de titre. Je trouve l’ambiance plus chaleureuse et familiale à Guingamp. Et les gens de l’extérieur aiment bien.Tout ça agace les Rennais, et de plus en plus je pense.»

«Dans aucun derby auquel j'ai assisté on ne s'est fait manger en tribunes».

L'image du club

Fabrice Pinel : «Il y a un oeil bienveillant de la part de tous. Déjà, Guingamp c’est la campagne. Et il n’y a pas beaucoup de millions qui transitent par ce club. Leur situation suscite le respect mais ce n’est pas pour autant qu’on a envie de les laisser gagner. C’est un match que l’on a toujours du mal à remporter. Guingamp a toujours été irréprochable, ils affichent des valeurs supérieures à Rennes.» 
 
Nicolas Ollivo : «Les Guingampais sont vus comme les gentils, et ça agace Rennes. Je trouve que nous avons quelque chose de particulier dans le monde du football. Peu importe l'entraîneur, les joueurs, on arrive toujours à battre Rennes, alors qu’ils sont beaucoup plus forts que nous sur le papier. Rennes c’est le grand club, mais le plus sympathique ça reste Guingamp et ce n’est pas prêt de changer à mon avis. Les mentalités et les approches sont bien différentes.»

«L'image de club gentil de Guingamp agace».

Erwan Issanchou  et Emile Gillet