(L'Equipe)

Les bonnes et mauvaises surprises du début de saison de Ligue 1

La Ligue 1 a repris ses droits depuis bientôt deux mois, et neuf journées de Championnat ont déjà été jouées. Des Rémois imprévisibles, des Verts très décevants ou encore Slimani, la botte secrète de l'AS Monaco, retour, après un quart de saison, sur les bonnes et les mauvaises surprises que nous a pour l'instant réservé la «Ligue des talents».

Les bonnes surprises

Le FC Nantes de Gourcuff doucement mais sûrement
«On a 19 points déjà, ce n'est pas rien» souffle Christian Gourcuff, en conférence de presse, quelques minutes après la victoire des siens face à Nice, samedi soir à la Beaujoire. Le coach breton ne s’y trompe pas. Grâce à ce nouveau succès 1-0 (le cinquième de la saison), face à une équipe niçoise pourtant dangereuse, les Canaris passeront la trêve internationale dans le fauteuil de dauphin du Paris Saint-Germain, seulement deux points derrière l’ogre parisien. «Pour Nantes, ça doit faire un moment que ça n'était pas arrivé» poursuit l’ancien Merlu. En effet, c’est le meilleur début de saison nantais depuis 1994, une année qui avaient finalement vu les Patrice Loko et autres Reynald Pedros remporter le titre de champion de France sous les ordres de Jean-Claude Suaudeau. Un début de saison canon, notamment grâce à une solidité défensive certaine, et du réalisme dans les deux surfaces qui leur a aussi permis de s’imposer sur la pelouse de Lyon (1-0). Mais la route est encore longue pour les coéquipiers d’Alban Lafont. Pour leur entraîneur, pas question de se voir trop beau : «L'équipe progresse, c'est incontestable, des joueurs se révèlent aussi. Mais il n'y a pas de risques de s’enflammer car le groupe est sain.» Fidèle à lui-même, l’ancien sélectionneur de l’Algérie sait toujours raison garder…

Alban Lafont : «Il faut que je sois plus méchant»

Un Stade de Reims en mode «football champagne»
Forts contre les forts, faibles contre les faibles. Une formule convenue, un peu facile et peut-être trop simpliste pour résumer le bon début de Championnat des Champenois. Mais difficile de contredire une telle analyse, quand on présente des résultats aussi criants de paradoxe. Avec à leur tableau de chasse une victoire au Parc des Princes (2-0), sur la pelouse de Rennes (1-0), face à Lille (2-0) et à Marseille (2-0), et ce en seulement 9 journées, la formation dirigée par David Guion est clairement devenue l’équipe piège de cette saison 2019-2020. Des résultats surprenants, tout comme leurs défaites face à Dijon (1-2), sur le terrain de Nantes (0-1) ou encore à Brest (0-1).

Quand ils doivent faire le jeu, c'est beaucoup plus laborieux

Paradoxal, mais pas non plus illogique, tant la force des Rémois est basée sur la rigueur et la discipline défensive (seulement 4 buts encaissés en 9 rencontres), associée à une certaine audace lorsqu’ils sont opposés à des cadors de notre Ligue 1, le tout sublimé, dans ces gros matches, par le réalisme d’un Boulaye Dia en pleine forme (3 buts cette saison). Mais quand ils doivent faire le jeu, comme lors de leur déplacement à Dijon le 28 septembre dernier, c’est beaucoup plus laborieux, ce qui explique ces résultats sur courant alternatif. Un axe sur lequel les coéquipiers d’Alaixys Romao vont devoir bosser pendant cette trêve automnale.

Islam Slimani, l’assassin silencieux
Le 2 septembre dernier, Radamel Falcao s’envolait vers la Turquie et Galatasaray. Le même jour, Mauro Icardi, pressenti à un moment pour le remplacer à la pointe de l’attaque monégasque, prenait la direction de Paris. Même si Wissam Ben Yedder avait été acquis par l’ASM quelques jours auparavant, les supporters  posaient alors de sérieuses questions sur leur futur rendement offensif. Grosse erreur. D’une part, les inquiétudes auraient été plus justifiées si elles s’étaient tournées vers la défense, vu la fragilité des hommes de Leonardo Jardim depuis le début de saison (22 buts encaissés en 9 journées, soit la pire défense de Ligue 1 cette année). D’autre part, pour ce qui est de marquer des buts, nombreux sont ceux qui avaient complètement occulté l’arrivée, cet été sur le Rocher, d’Islam Slimani, prêté par Leicester. En même temps, à 31 ans et après trois saisons compliquées depuis son départ du Sporting, pas grand monde ne misait sur l’avant-centre algérien. Mais depuis qu’il est arrivé en France, fort d’une Coupe d’Afrique remportée cet été avec son pays, le Fennec renoue avec le genre de performances qui avait poussé Leicester à débourser 30 millions d’euros pour l’acheter en 2016. Altruiste, combattif, physique et adroit devant le but, il est le complément parfait du jeu atypique de Ben Yedder. Les deux attaquants voudraient seulement, pour que leurs buts ne soient pas vains, que leurs partenaires soient un peu plus solides derrière…

Angers, le triomphe de la stabilité
Peut-on vraiment encore parler de surprise ? Année après année, saison après saison, le SCO semble progresser et se fixer un peu plus en Ligue 1, gagnant, à l’image de son entraîneur Stéphane Moulin, en expérience et en savoir-faire lors de chaque année passée dans l’élite. À tel point qu’on ne les cite même plus, pour l’instant en tout cas, parmi les clubs qui jouent le maintien. Et pour cause, au quart du Championnat, les Angevins sont troisièmes de Ligue 1. À l’image de ce qu’ils avaient réalisé il y a maintenant quatre ans, en occupant très longtemps le podium de L1, pour finalement s’essouffler et terminer en 9e position, la bande du SCO s’appuie sur une recette simple mais efficace.

Angers sait où il doit progresser pour s'installer durablement dans le top 10

Une forte intensité physique, un engagement sans faille dans les duels et une grande cohésion collective et défensive. Le tout au sein d’un club bien hiérarchisé, où l’administration fait son travail et, surtout, fait confiance à son entraineur pour faire le sien : Stéphane Moulin est le coach en poste depuis le plus longtemps en Ligue 1 (depuis 2011), ce qui pousse même le prestigieux journal The Guardian à remarquer cette grande stabilité. Seul bémol, des défaites systématiques face aux poids-lourds de l’Hexagone. Une gifle 6-0 à Lyon, puis un revers 2-1 à Lille ou encore une correction 4-0, ce samedi sur la pelouse du Parc des Princes. Un avantage pour Moulin et les siens : Angers sait où il doit progresser pour s’installer durablement dans le top 10 des clubs français.

Les mauvaises surprises

Saint-Etienne au bord du gouffre
Derniers. Quelques heures avant le derby, remporté ce dimanche face à l’OL (1-0), les Verts pointaient à la dernière place du classement de Ligue 1. Un niveau de jeu proche du néant et un standing bien loin des gloires passées du club forézien, ou même des présentes ambitions de ses dirigeants. Ces derniers n’ont d’ailleurs pas beaucoup attendu pour remplacer le coach, vendredi dernier, dans l’espoir de générer un électrochoc. Ghislain Printant, ancien adjoint promu numéro 1 après le départ de Jean-Louis Gasset cet été, n’avait pas réussi à donner l’élan nécessaire à son équipe depuis le début de la compétition. Malgré une victoire arrachée, dimanche dernier à Nîmes (1-0), en infériorité numérique et un match nul face à Wolfsburg, jeudi dernier en Ligue Europa (1-1), les jours de l’ancien coach montpelliérain étaient comptés depuis un moment déjà. C’est donc Claude Puel, l’ancien tacticien du rival lyonnais (de 2008 à 2011) qui a été choisi pour sauver la maison verte, et qui commence de la meilleure des manières avec cette victoire hautement symbolique. Mais le plus dur reste à venir pour le nouveau coach stéphanois : enchaîner et confirmer, afin que ce début de saison cataclysmique ne soit plus qu’un mauvais souvenir.

Un Lyon blessé
En football, les perdants ont toujours tort. Et si c’était Saint-Etienne qui paraissait le plus vulnérable, dimanche dernier, à la veille de ce classique du football français, cette défaite à Geoffroy-Guichard plonge les Gones dans une crise comparable à ce que vivaient les Verts juste avant le derby. Avec seulement 9 points pris en 9 journées et aucune victoire en Championnat sur les 7 dernières rencontres, les hommes de Sylvinho sont 14e de Ligue 1. Pire, ils ne semblent pas avoir retenu les leçons des dernières années, se montrant toujours plus inconstants et friables mentalement.

En semaine, ils sont capables d’aller s’imposer en C1 sur la pelouse du très performant RB Leipzig, à égalité de points avec le Bayern Munich en Bundesliga, alors qu’ils restaient sur une défaite face à Nantes (0-1) et un match nul à Brest (2-2). Pour son premier poste d’entraîneur principal en club, Sylvinho semble encore tâtonner pour trouver la bonne formule tactique, mais aussi en terme de communication. Malgré tout, la saison de Lyon est loin d’être sabotée. Les Rhodaniens sont encore invaincus en Ligue des Champions, même s’ils n’ont pas encore gagné un seul match, et n’accusent que 7 points de retard sur le podium, leur objectif principal. Tout est encore possible, encore faut-il jouer toutes les rencontres à fond, même ceux contre des «petites» équipes, à commencer par la réception de Dijon, lors de la prochaine journée.

Les blessures malvenues du PSG
Cet été, la direction du Paris Saint-Germain a pris des décisions fortes pour tenter une fois de plus de passer un cap en Ligue des Champions. Premièrement, un mercato différent des années précédentes, moins clinquant, plus sur-mesure par rapport aux besoins spécifiques de l’effectif et avec beaucoup de ventes pour satisfaire le fair-play financier. De ce côté-là, pas grand-chose à redire, vu le bon rendement des différentes recrues : Navas, Sarrabia, Icardi et surtout Gueye, exemplaire à chaque fois qu’il joue. Mais les Parisiens ont aussi effectué de gros changements dans leur staff médical puisque le docteur Eric Rolland, au club depuis de nombreuses années, a été remercié. Les dirigeants qataris pointaient du doigt les blessures de certains joueurs-clés, à des moments décisifs de la saison (comme Neymar lors des deux exercices précédents), comme la mauvaise gestion de certains cas comme Pastore, David Luiz ou Van der Wiel.

Heureusement pour eux, ils ont renforcé leur banc de touche au dernier mercato

Enfin, les coaches parisiens ont drastiquement durci leur préparation physique de présaison, toujours dans l’optique d’arriver à 100% à la fin de l’hiver, lors des grandes échéances européennes. Résultat, c’est une hécatombe de blessures au Camp des Loges : Thilo Kherer, Julian Draxler, Edinson Cavani, Mauro Icardi (revenu depuis), Colin Dagba, Eric Choupo-Moutting et même Kylian Mbappe, lui qui ne se blessait jamais, en tout cas jusqu’à maintenant. Conséquence directe de cette rude préparation ou accidents malencontreux ? Toujours est-il que Paris n’avait pas eu autant d’absents depuis très longtemps, heureusement pour eux, ils ont renforcé leur banc de touche au dernier mercato et sont moins courts dans la rotation que l’année passée.

Julien Stéphan, que l'on voyait déjà…
Quel contraste entre l’été et l’automne pour l’entraîneur breton. Une victoire en finale de Coupe de France fin avril remportée, qui plus est, face au géant parisien, d’abord, pour bien démarrer la saison estivale, le tout pour ramener à Rennes son premier titre majeur depuis 1971. Puis un démarrage en trombes en Championnat : trois victoires en trois journées, dont un nouveau succès face au PSG (2-1) dans un Roazhon Park en folie lors de la deuxième journée. Autant de résultats prometteurs qui ont alimenté les attentes de plus en plus élevées autour de Julien Stéphan. Alors qu’on lui promettait déjà une nouvelle qualification aisée pour la C3 voire, même, une place sur le podium de la Ligue 1, en un rien de temps, tout semble s’être écroulé. Aucun succès sur les neuf dernières rencontres toutes compétitions confondues, et une très médiocre 10e position.

La faute, peut-être, à un turnover important lors du mercato estival et des recrues importantes à intégrer : Raphinha, Joris Gnagnon, Jonas Martin ou encore Flavien Tait, notamment. Le Brésilien en particulier, acheté début septembre pour 21 millions d’euros, ne pèse que très peu sur le rendement offensif de sa formation. Après la défaite, ce dimanche face à Reims, Olivier Létang relativisait dans L’Equipe, ce lundi : «Il y a aussi des joueurs qui sont restés, on a gardé l’âme de cette équipe et aujourd’hui, il nous manque un petit supplément.» Avec cette déclaration et ce léger euphémisme, le président rennais enlève un peu de pression des épaules de son coach, tout en admettant l’évidence. L’évidence, c’est que le Stade Rennais est bien en-deçà des attentes que les performances et le recrutement des derniers mois pouvaient laisser espérer. - J.C.