L'Argentin Leandro Paredes, 24 ans, porte les couleurs du Zénith Saint-Pétersbourg depuis la saison 2017-2018. (I.Tass) (L'Equipe)

Leandro Paredes, nouvelle recrue du PSG, une sentinelle au service du (beau) jeu

Seule recrue de l'hiver parisien, Leandro Paredes débarque au Paris Saint-Germain entouré d'attentes et d'interrogations. Amoureux de Boca Juniors et du jeu vers l'avant, sa personnalité détonne autant que son talent promet. Portrait.

Sur le tarmac de l'aéroport de Buenos Aires, un appareil s'apprête à quitter l'Argentine. À bord, l'équipe U12 de Boca Juniors, accompagnée de tout son encadrement, se dirige vers l'Espagne et Vilagarcia de Arousa, dans la banlieue de Pontevedra, où se dispute chaque année l'un des plus célèbres tournois de jeunes au monde. Pour sa première participation, ce sera une formalité pour Boca, qui gagne l'édition 2006 et termine devant Séville, Valence, Porto, l'Ajax, l'Inter, le Real Madrid ou encore l'Atlético. Sous son maillot bleu et or floqué du numéro 10, le jeune Leandro Paredes, douze ans, est élu meilleur joueur du tournoi. «Il a commencé très jeune à Boca, c'était un petit garçon quand il a débuté dans les catégories de jeunes à huit ans, raconte aujourd'hui Sergio Saturno, directeur technique chez les jeunes du club de Buenos Aires. Il a grandi au sein du club jusqu'à l'équipe première. C'était un garçon respectueux, à l'écoute, discret, timide. Sa mère venait souvent le voir. C'est un enfant de la classe moyenne en Argentine. Et je me souviens d'un joueur différent, surtout.»

La fiche de Leandro Paredes

Avant de jouxter la Bombonera, c'est pourtant quelques kilomètres plus loin que Leandro Paredes, dit «Leo», tapait ses premiers ballons, dans son quartier de naissance. «On organise tout un tas d'activités pour les enfants, dont une partie est le football en salle pour ceux qui ont entre cinq et treize ans, détaille José, membre de La Justina, une association pour enfants d'un quartier de la capitale où Paredes commença le football. C'est pour sortir les enfants de la rue. Leandro n'était pas un enfant de la rue, mais il était toujours avec son ballon et certains disaient qu'il serait un crack. Son père était un bon joueur de football, et je crois que son oncle jouait également.»

Un premier poste : enganche

La famille Paredes vit à l'époque à deux pas de La Justina, à Buenos Aires, et c'est tout naturellement que le rejeton y fait ses premières gammes. «Quand Leo était chez nous, c'était en catégorie "baby", forcément, poursuit José. Et après, il est allé dans un autre club, qui s'appelle Brisas del Sur, puis dans une filiale de Boca. Il était encore tout petit. Sa famille habitait à deux patés de maison et il y a encore un lien aujourd'hui car son petit cousin joue chez nous et un de ses oncles s'occupe de deux catégories.» Boca Juniors, de son côté, a flairé le bon coup. Et découvre le talent d'un joueur technique, qui se fait connaître au coeur de l'attaque, en numéro 10. «Il jouait très libre, comme "enganche" (appellation du pur numéro 10 en Argentine, ndlr), analyse Sergio Saturno. En Europe, on le voit maintenant comme un "cinco", un meneur de jeu reculé, qui vient s'intercaler entre les deux défenseurs centraux... Mais à Boca, on ne l'a jamais vu jouer dans ce rôle et aujourd'hui il a un style bien plus moderne. Mais il avait les mêmes qualités avec le ballon : ses contrôles, ses passes... Un joueur très complet, qui a progressé sans le ballon au fil du temps. Il a plus de mobilité, est meilleur défensivement.» Rapidement, le petit monde de Boca se rend bien compte du potentiel, qui ne fait que grandir, jusqu'au dix-neuvième anniversaire de Leo qui, entre temps, a découvert les joies des sélections avec les jeunes de l'Albiceleste. C'est à cet âge-là qu'il fait ses premiers pas chez les grands de Boca, adoubé par Juan Roman Riquelme himself, son idole.

L'Italie pour se construire

Mais Boca et le football sud-américain deviennent bien vite trop petits, les sirènes de l'Europe se faisant pressantes. Surtout celle de la Roma, qui a repéré le joueur. Salvatore Scaglia, ancien team manager du club de la Louve, raconte le processus de recrutement : «La personne qui a découvert, suivi et voulu Leandro Paredes à la Roma, c'est Walter Sabatini, l'ancien directeur sportif qui est maintenant à la Sampdoria. Il a découvert Paredes avec sa méthode. C'est un animal de football, il a énormément de réseau en Amérique du Sud, de scouts. Sabatini regarde aussi beaucoup de vidéos, il demande également à ses hommes de confiance, des analystes... Ce qu'il a de bon, c'est qu'il achète avant que la grande majorité ne les connaissent. Paredes, Lamela ou Marquinhos par exemple. Paredes est arrivé très jeune, il n'était pas encore un joueur accompli.» À moins de vingt ans, la marche pour s'installer chez les Giallorossi est encore trop haute, d'autant qu'un problème d'extra-communautaires apparaît.

La décision est alors prise de l'envoyer à Empoli en 2015, club influencé par l'héritage tactique de Maurizio Sarri, tout juste parti. Paredes y découvre le rôle de regista, devant la défense. Pas un agressif, ni un récupérateur né à la culture défensive ultra-développée - qu'il compense par son engagement et sa dureté sur l'homme - comme certains le souhaitaient au Paris Saint-Germain, mais Paredes s'avère, à Empoli, un manieur de ballons hors-pair, capable de soulager les siens face au pressing adverse et de briser le bloc adverse par la passe. «Le prêt à Empoli lui a vraiment fait du bien, poursuit Scaglia. Il a joué avec continuité et on a vu le potentiel. En rentrant à Rome, il s'est fait sa place.»

Un manieur de ballons hors-pair, capable de soulager les siens face au pressing adverse et de briser le bloc adverse par la passe

Come-back romain puis vente surprise

«Il a des qualités physiques naturelles, avec de la force dans les jambes, constate de son côté Isaac Serrano, préparateur physique du Zénith Saint-Pétersbourg. Il est sec mais avec de la force, et n'a pas besoin de beaucoup travailler cela. C'est son passage en Italie qui lui a permis de s'endurcir. Il s'est forgé là-bas et je crois que les préparateurs physiques italiens l'ont bien formé. C'est aussi un dur au mal. Je me rappelle d'une fois où il se plaignait d'une douleur aux ischios-jambiers. Je ne savais pas s'il était en capacité de jouer ou pas... Mais il m'a dit : "Ne t'inquiète pas, j'ai mal mais je joue." Et il a joué 90 minutes et a réalisé un très bon match. Quand il vous dit quelque chose, il le fait.» Et plus que physiquement, son retour dans la capitale romaine est marqué par une présence accrue dans le onze de départ, au sein d'un milieu concurrencé par des grands noms comme De Rossi.

Salvatore Scaglia abonde : «Spalletti voyait lui aussi Paredes comme un milieu devant la défense. Pirlo est un bon exemple au même poste. Il jouait 10, puis a glissé en 6. Paredes a un excellent pied, très intelligent tactiquement, le PSG a fait un très bon achat. À l'époque, il participait aux séances de coups francs à l'entraînement par exemple. Il les tirait toujours bien mais bon, il y avait du monde hein... Totti ou Pjanic étaient devant lui, et ce dernier a eu un bon maître avec Juninho à Lyon (rires) !» Et alors que la plupart des supporters romains sont conquis, Leandro Paredes s'engage avec le Zénith Saint-Pétersbourg, à l'été 2017, contre un chèque de 23 millions d'euros. «Malheureusement, ils ont décidé de le vendre, car ils ont toujours besoin d'argent, juge Scaglia. La vente de Paredes, c'est la même logique que celles des Benatia, Rüdiger, Pjanic, Salah, Alisson... Avec tout ça, tu as une équipe de Scudetto !»

Après une saison 2016-17 pleine de promesses, Leandro Paredes sera vendu par la Roma au Zénith Saint-Pétersbourg. (PRESSE SPORTS)

Une personnalité contrastée

En Russie, il vient compléter la bande argentine du Zénith, aux côtés de Driussi, Kranevitter ou Mamanna pour ne citer qu'eux. «Les Argentins étaient toujours ensemble, détaille Isaac Serrano. C'est comme si vous mettez plusieurs francophones ou des Catalans dans une équipe... Les Argentins, eux, ont cette facilité à se réunir, à prendre le maté ensemble, à manger réunis après l'entraînement... Ils se regroupent beaucoup.» Le staff découvre aussi une personnalité à part, entre discrétion dans le vestiaire et hors du pré, et goût de la victoire et coups de sang sur le terrain. «C'est vraiment un homme tranquille, décrit d'abord Salvatore Scaglia, qui l'a connu à la Roma dans un rôle moindre qu'au Zénith, alors qu'il découvrait l'Europe et les cocons de stars. Il n'a jamais créé de problème. Très humble, sans plainte par rapport à sa place et à son temps de jeu, respectueux des conseils que les anciens pouvaient lui donner... Il s'est marié assez jeune, il a eu des enfants assez tôt également. C'est un gars toujours terrain-famille-terrain-famille. Il s'entendait très bien avec les jeunes et surtout avec ceux qui parlaient espagnol. Je me souviens qu'il était toujours avec Antonio Sanabria. Ils passaient leur temps ensemble.»

«Sur le terrain, c'est un compétiteur, signale aussi Isaac Serrano, du Zénith, où Paredes eut une toute autre importance. Il est discret dans la vie mais il parle beaucoup sur le terrain. Il a un caractère de gagnant, mais surtout offensif. Parfois il peut être sanguin, mais c'est son caractère de compétiteur qui lui a déjà coûté un ou deux cartons. Au Zénith, en tout cas, c'était un bon leader et il était très exigeant avec ses partenaires, ses défenseurs par exemple, ou ses autres coéquipiers pour venir chercher les ballons et bien se placer. Il a l'âme d'un leader et il aime demander aux autres, pour que tout le monde soit performant.» Et Scaglia de conclure : «Ce n'est pas du tout quelqu'un qui va faire rire le vestiaire. Ce n'est pas son caractère. Ça ne veut pas dire qu'il a mauvais caractère, mais il est tranquille. Ça change sur le terrain. S'il doit s'énerver, il le fait. Il est plus nerveux.»

Discret dans la vie, compétiteur nerveux sur le terrain

Un regista moderne

Ceux qui l'ont côtoyé sont bien souvent unanimes au sujet de Leandro Paredes. Encore plus lorsqu'il est question de talent, de football pur et d'utilisation. Non retenu avec l'Argentine pour la Coupe du monde 2018, il a fait son retour sous le maillot de l'Albiceleste depuis, au point d'en devenir un titulaire récurrent depuis l'élimination du pays de Maradona face à la France en juin dernier. «Paredes représente le 5 créatif argentin (le "cinco", en Argentine, est le meneur de jeu reculé), livre Matias Manna, analyste vidéo d'abord connu pour ses travaux sur Guardiola, passé par les sélections du Chili et d'Argentine. Il doit encore gagner en vitesse pour trouver ses partenaires et bouger avec le ballon. Il s'est amélioré dans la phase défensive. Notamment en sélection. Sur les derniers matches, il a été remarquable. Paredes est l'un des meilleurs milieux de terrain qui ont émergé ces dernières années en Argentine.» Il est aussi de ces joueurs idéaux pour qui prône le jeu de possession, à défaut d'exceller sur les transitions défensives. «Si vous lui donnez confiance, il trouvera facilement Di Maria ou Mbappé dans les espaces, poursuit Manna. Ou Neymar entre les lignes. C'est un maestro balle au pied, un regista. Il peut ressembler à un joueur comme Riquelme, mais quelques mètres plus bas sur le terrain. Le joueur idéal pour des coaches type Cruyff, Lillo ou Guardiola.» De là à y voir le milieu idoine pour le Paris Saint-Germain ?

Au Zénith, Paredes a aussi fait parler de lui pour son carton rouge reçu avant la finale de Copa Libertadores opposant Boca Juniors à River Plate, les deux rivaux, de quoi se rendre disponible pour l'événement (1). «Vous savez, quand vous êtes dans le monde de Boca, vous êtes forcément amoureux de ce club, décrit Sergio Saturno, le directeur technique des "chiquitos" du club bleu et or. Leo l'est aussi, il fait partie des hinchas. C'est le plus grand club d'Argentine.» Son équipe dans le coeur, comme beaucoup de ses compatriotes, qui, forcément, lui a donné le sens des priorités dès son arrivée à Paris. «Il est venu manger en famille, avec sa femme et la secrétaire de son agent, explique ainsi Carlos Muguruza, patron du restaurant Volver, cantine des sud-américains du PSG et siège des supporters de Boca Juniors en France, où Paredes a dîné le soir de sa signature. Il est très content d'être arrivé à Paris, avec l'envie de jouer rapidement. Il voulait déjà venir au restaurant avant mais il n'avait pas encore signé. Il était content de venir manger un steak argentin, il n'y a pas de restaurant de chez nous à Saint-Pétersbourg (rires).»

Au PSG, Paredes retrouve Di Maria, fidèle d'une autre équipe, Rosario Central, comme son ex-coéquipier parti au Bétis Giovani Lo Celso. Au grand bonheur de Carlos Muguruza : «J'ai trouvé un allié de Boca avec Leo ! Et Angel, qui est supporter de Rosario comme Lo Celso mais plus chambreur, arrêtera de me charier. En Argentine, si vous n'êtes pas pour Boca vous êtes forcément contre. Alors avec la défaite en Libertadores... Mais il y a Rosario-Boca bientôt, ça va être sympa !» Thomas Tuchel, lui, devra composer avec un milieu numériquement réduit, qualitativement bon. À condition d'une intégration réussie pour Leandro Paredes, et de performances convaincantes. «Les bons joueurs peuvent toujours jouer ensemble, conclut Matias Manna, élogieux. Un entraîneur créatif comme Thomas Tuchel va forcément lui trouver une bonne place et créer une harmonie entre Paredes, Verratti et l'équipe.» À l'heure des ambitions XXL et des rêves de gloire du Paris Saint-Germain, cela semble impératif.

Plus casseur de lignes que récupérateur

Les premières réactions, elles, furent partagées quant au profil de la nouvelle recrue. Quand certains souhaitaient un 6 type Casemiro, récupérateur, véloce et agressif, Tuchel et ses comparses ont priorisé la piste de la plus-value technique, au même poste. «"La Nuestra" (le joga bonito argentin) peut être créé à partir de ses passes, garantie Matias Manna, aujourd'hui en Arabie Saoudite. Je conçois le milieu de terrain par la présence et la sagesse de Pipo Rossi, la technique de distribution d'Osvaldo Ardiles et même la vision du jeu de Verón ou de Riquelme. L'héritier de cette lignée s'appelle Leandro Paredes. Le Pipo Rossi 3.0. Mais il me fait aussi penser au Guardiola joueur.» S'il se démarque rarement par sa vitesse, sa discipline et une mobilité extrême, son jeu long, son QI et sa faculté à défendre sur l'homme tendent à compenser. «C'est un joueur qui est dans la moyenne au niveau des kilomètres parcourus, décrypte Isaac Serrano. Mais il navigue beaucoup sur le terrain, pour aller chercher le ballon, le réclamer dans les pieds des défenseurs... On dit toujours qu'il ne faut pas courir beaucoup, mais courir bien. Et Leo a l'intelligence pour faire cela. Il est très technique, oui, mais même s'il regarde toujours vers l'avant avec le ballon, il sait aussi changer à la perte. Il y a toujours à apprendre, surtout en étant dans une équipe comme le PSG. Mais en terme de chiffres sur ses courses, si on regarde ceux en Ligue Europa, Leo est dans la moyenne. Techniquement et tactiquement, dans une équipe à l'exigence très importante, il va forcément progresser. Après si on parle de talent, aucun problème pour lui.»

Un amour pour Boca, une envie d'être à Paris

«Un entraîneur créatif comme Tuchel va forcément lui trouver une bonne place»

Antoine Bourlon

(1) Version démentie par le Zénith, qui prétend qu'il était dans l'avion direction l'Albiceleste, malgré plusieurs clichés du joueur probablement pris au stade.