Raphael Guerreiro (Dortmund) Leverkusen, 08.02.2020, Fussball Bundesliga, Bayer 04 Leverkusen - Borussia Dortmund 4:3 (Thorsten Wagner/WITTERS/PRESSE/PRESSE SPORTS)

«Le contre-attaquant par excellence», Raphaël Guerreiro (Borussia Dortmund) raconté par ceux qui l'ont connu

Dans le registre de piston gauche, Raphaël Guerreiro est un rouage essentiel du Dortmund de Lucien Favre. Un poste qu'il n'a pas toujours occupé, mais où il brille par son intelligence de jeu. Ce ne sont pas d'anciens proches qui diront le contraire.

Rabah Ait-Atmane* : «Il savait qu'il était bon, mais pas à ce point-là»
«Il était à l'INF Clairefontaine et jouait à Drancy le week-end. A la base, l'entraîneur ne voulait pas de Raphaël parce qu'il était à Clairefontaine. Mais je l'ai remplacé. Et quand on m'en a parlé, j'ai dit : "Je prends tout de suite." (rires). Je ne l'ai pas mis titulaire d'emblée parce que je voulais qu'il s'intègre, qu'il connaisse ses coéquipiers, mais il n'a pas du tout boudé, et ensuite il était titulaire indiscutable. Je le faisais jouer soit en relayeur, soit en neuf et demi, dix. Au début, je pensais au poste de latéral gauche. Mais en U14 fédéraux, il y avait des sacrés bébés en face (rires), et je ne voulais pas le mettre en difficulté, parce que d'autres avaient de l'avance physiquement au niveau de la vitesse et de la puissance. Et puis je ne voulais pas m'en passer devant parce que je n'avais pas meilleur. Il sentait le foot, le jeu, quand il fallait jouer en une touche, quand il fallait garder le ballon. Il savait déjà tout faire, c'était impressionnant.

Il peut jouer à tous les postes, parce qu'il a l'intelligence pour s'adapter à chaque poste. Des fois je lui disais : "Là je te mets dix, mais si tu veux percer au plus haut niveau, tu devras peut-être jouer latéral gauche." Lui, il n'était pas fan du poste, mais il a su faire la part des choses. Aux entraînements, je me rappelle qu'on faisait des petits concours de coup franc, parce que je suis gaucher aussi. A l'époque, je jouais encore en CFA, j'avais un niveau respectable. J'étais connu et réputé pour être un très bon tireur de coup franc. Il a peut-être dû me battre une ou deux fois, mais j'étais au-dessus. Mais quand je gagnais, c'était de très peu. J'avais 24-25 ans, lui en avait 14. Déjà à son âge, il était très proche du pied gauche que je pouvais avoir (rires). Mais il restait humble. Il avait à l'esprit de devenir pro, sans penser jouer dans les plus grands clubs du monde.Il savait qu'il était bon, mais pas à ce point-là.»
 
*Son éducateur en U14 fédéraux à la JA Drancy (2007-2008).

«Des fois je lui disais : "Là je te mets dix, mais si tu veux percer au plus haut niveau, tu devras peut-être jouer latéral gauche." Lui, il n'était pas fan du poste.»

La preuve que Guerreiro ne devrait jamais être comparé à Robertson ou tout autre latéral gauche. Il est juste trop fort et trop polyvalent pour être réduit à cela. Ce serait injuste pour les autres.

Raphaël Guerreiro, époque Caen. (V.Michel/L'Equipe)

Sa blessure, c'est une histoire incroyable (NDLR : Fracture du tibia-péroné qui l'a éloigné des terrains pour huit mois). A l'époque, à peu près six mois avant, il avait déjà signé à Caen. On entamait notre dernière année à Clairefontaine où on avait le Championnat. Pour le préparer, on avait fait un match amical contre... Caen. Au bout de dix minutes, un adversaire le blesse.
 
Sa première année à Caen était très difficile. Avec du recul, je pense qu'il a digéré sa blessure. Et l'année d'après, c'était l'explosion. Il n'a pas arrêté d'être surclassé. Même avec les surclassements, à 18 ans, c'était le meilleur en CFA avec tous les pros avec lui. C'était monstrueux. Je me rappelle d'un match de Gambardella, Caen-Lens. En face, il y avait l'armada avec Varane, Aurier, Kondogbia. Comme par hasard, il reste cinq minutes. 0-0. Je ne vous mens pas, sur le corner il y avait ces trois joueurs, et tout le monde. Mais c'est Guerreiro qui fait 1.50m qui passe devant et marque, 1-0, terminé (rires). A partir de ce moment-là on s'est dit : "Laisse tomber, lui, il a une bonne étoile, il est là-haut." (rires)»
 
*Coéquipier pendant six ans à l'INF Clairefontaine puis à Caen (2006-2012).

Jonathan Beaulieu* : «A partir de là, on s'est dit qu'il avait une bonne étoile»
«À Clairefontaine, il était très discret, il ne se faisait pas spécialement voir. Pour moi sa qualité numéro une, c'est d'être malin. Je me rappelle qu'on faisait des petits jeux réduits. Il avait mis un but en tapant dans le mur et ça avait choqué tout le monde parce que personne n'y avait pensé. Plein de club venaient nous voir. Forcément, le choix a été Caen parce que ce n'est pas loin de chez lui, à Paris. Il n'avait que deux heures de train par semaine pour rentrer. Et puis il n'y a pas trop de concurrence chez les jeunes donc ça nous poussait à signer pro plus rapidement que dans d'autres clubs. Il avait quand même refusé Lyon et Saint-Etienne… Mais au final il a fait le bon choix.

«Sa première année à Caen était très difficile. Avec du recul, je pense qu'il a digéré sa blessure. Et l'année d'après, c'était l'explosion.»

Mais Raphaël avait démarré sur le poste d'excentré. Au fur et à mesure, comme il travaillait beaucoup, il avait des caractéristiques qui me semblaient plus intéressantes en contre-attaquant et pas seulement sur un rôle plus haut. Rapidement, il a été amené à jouer à ce poste-là. Sans dire que ç'a été une révélation, c'est un poste qui lui allait bien, toujours avec le jeu face à lui. Pour moi c'est vraiment le contre-attaquant moderne par excellence. Je me rappelle qu'il dépannait aussi au milieu de terrain. Le football, pour lui, c'est facile. On pouvait le mettre latéral, milieu dans le coeur du jeu, il s'en sortait toujours. C'est aussi la caractéristique des joueurs qui ont, de base, un sens du jeu. L'ADN du football reste une certaine sensibilité, et il faisait partie de ces joueurs qui sentaient le foot.
 
Une fois on jouait à Evreux en U17. On était mené 1-0 et on était dix puisqu'un de nos joueurs avait été expulsé. Il est énorme sur le match. Il fait une passe décisive, et après, sur corner, il fait une combinaison à deux où il marque d'une frappe enroulée pleine lucarne et on gagne ce match. Il était heureux comme tout. Et la première chose qu'il a été faire, c'est courir dans les bras du joueur qui avait été expulsé. Il est à la fois très utile pour une équipe et a un état d'esprit exceptionnel. Il fait partie des joueurs sur ce poste qui m'ont le plus marqué.»
 
*Son entraîneur en U17 à Caen (2008-2010).

Le duo Mesloub-Guerreiro, époque Lorient, face au PSG de Verratti. (R.Martin/L'Equipe)

François Rodrigues* : «Le football pour lui, c'est facile»
«Même si ses débuts à la formation caennaise ont été un peu laborieux, une fois qu'il avait digéré sa blessure, le contexte hors-Clairefontaine et qu'il avait pris ses marques, il était sur les rails. Surtout sur le début, il avait tendance à abuser des dribbles, de tout ce qui était fioriture en termes de passements de jambes notamment, il n'arrivait pas forcément à gérer les bonnes situations. C'est pour ça qu'avec l'ensemble du staff, on a peut-être été amené à le reculer d'un cran pour qu'il ait cette possibilité de voir le jeu face à lui.

«L'ADN du football reste une certaine sensibilité, et il faisait partie de ces joueurs qui sentaient le foot.»

Raphaël Guerreiro est vraiment un footballeur intelligent. J’adore ses mouvements, son jeu de passe vers l’avant en étant bas. C’est toujours superbement fait.

Walid Mesloub* : «Le seul à le battre au tennis ballon»
«Je me rappelle du premier contact avec lui quand je suis arrivé à Lorient. Très sympathique, on sentait tout de suite que c'était un garçon timide mais très gentil. Sur le terrain, ce n'était pas forcément un patron mais une valeure sûre, sur qui on pouvait compter. Un joueur très intelligent qui arrive à bien lire le jeu adverse et son concurrent direct. Raphaël était heureux d’être sur un terrain et de jouer au foot. Peu importe le poste, il donnait son maximum pour être performant. Il évoluait entre latéral gauche et milieu excentré, mais ça ne l'a jamais perturbé, toujours la tête sur les épaules. Il répondait présent à chaque fois, ça prouve son intelligence dans le jeu. Ses qualités sont aussi techniques, sur la vivacité dans les premiers appuis et la finition aussi. D'ailleurs, il est très fort au tennis-ballon, il n'y a que moi arrivait à le battre (rires). Sur la dernière saison, on était souvent en chambre ensemble. C'était un fou des jeux vidéo, un vrai gamin, mais toujours respectueux. Il boudait seulement quand je le battais au tennis-ballon.»
 
*Coéquipier pendant deux ans à Lorient (2014-2016).