cornet (maxwel) (A.Mounic/L'Equipe)

«Le cerveau, les jambes et le talent pour être de classe internationale», l'ascension de Maxwel Cornet (Lyon) par ceux qui l'ont connu

Décelé très tôt comme un crack à Metz, Maxwel Cornet n'a jamais complètement convaincu à Lyon. Mais toujours généreux dans l'effort, et solide mentalement, il a continué à travailler pour obtenir sa place, quitte à jouer latéral, un poste qu'il a connu plus jeune et qu'il continue de perfectionner. Des témoins de son passé racontent sa progression à FF.

Patrick Gonfalone* : «C'était presque surnaturel»
«Il a eu un départ un peu curieux et atypique. Il était au centre de formation de Metz, et sa situation s'est dégradée au fil du temps parce qu'il voulait certaines conditions dans son contrat. Metz n'a pas voulu les accepter, ça s'est envenimé, son agent s'en est mêlé, son père... Bref, ils l'avaient mis au placard. Le paradoxe de l'époque, c'est qu'il ne faisait que s'entraîner, il n'avait pas de rythme de compétition, moi, je le prenais en sélection et il était bon ! Je trouvais ça incroyable qu'un garçon sans rythme me fasse des matches de très bonne facture, et au niveau international, ce n'est quand même pas rien ! Lorsque je faisais ma liste pour un rassemblement, je me disais : "Vu ce qu'il m'a produit la dernière fois, je ne peux pas ne pas le prendre, ce serait injuste pour lui." J'étais obligé de le prendre parce qu'il faisait la différence à chaque fois, et pendant plusieurs mois. Il était toujours présent, toujours opérationnel, et toujours parmi les meilleurs joueurs. Je trouvais ça exceptionnel d'avoir cette qualité, cette vitesse et cette réactivité. Je disais à mes collègues : "Qu'est-ce que ce serait s'il jouait ? C'est quand même fabuleux !'' Par rapport à des garçons de 15-16 ans qui finissaient leur adolescence, lui était déjà prêt, c'était presque surnaturel. On a été quelques-uns à se dire qu'il était peut-être plus vieux. Il est né en Côte d'Ivoire, mais je ne me suis pas posé la question longtemps parce qu'on avait sa carte d'identité, et parce j'ai toujours eu d'autres garçons dans ce style, nés en France. On ne faisait pas autant de manière. Pourquoi le soupçonner alors qu'on ne l'a pas fait pour d'autres ?»
*Sélectionneur de Cornet en équipes de France U16 (2011-12), U17 (2012-13), U19 (2014-15) et U20 (2015-16).

Albert Cartier* : «Un garçon a montré les mêmes dispositions, c'est Robert Pires»
«Je garde l'image d'un garçon avec une forte maturité pour quelqu'un de 15 ans et demi, puisqu'on l'a lancé à cet âge-là en National. C'était quelqu'un de positif, avec une bonne personnalité, l'envie de gagner, d'apprendre. Des qualités intéressantes pour un entraîneur, parce qu'être à l'écoute, c'est ce qui permet à un joueur de Ligue 1 d'être performant en Ligue des champions. Ensuite, Il a des qualités intéressantes en termes d'expression sur le terrain. C'est un garçon percutant, qui se projette vers l'avant, pas mal dans le un contre un, plutôt bon face que dos au jeu. Et le fait de l'avoir positionné dans un 3-5-2 sur le côté gauche, sur son bon pied, ça l'amène à être souvent face au jeu. Quand il était plutôt attaquant de côté, il se retrouvait dos au jeu. Il avait parfois du mal à exprimer ses qualités de percussion, de centre, de frappe... C'est très habile de la part de Rudi Garcia qui, avec sa force de persuasion, a réussi à le faire évoluer à un poste où on lui demande de défendre. Même quand il est pris dans un duel, il est capable de revenir avec des capacités de vitesse assez remarquables. Un garçon a montré les mêmes dispositions à Metz, c'est Robert Pires. Maxwel avait un projet en tête. Il a choisi un autre pays pour la sélection, mais il rêvait de porter le maillot bleu. Il disait : "Les jeunes c'est bien, mais ce n'est pas cette sélection-là qui est importante." C'est un garçon ambitieux mais conscient des efforts à réaliser pour aller là-haut. Maxwel m'a bluffé, parce que défendre, ce n'était pas quelque chose qu'il percevait de façon naturelle, il fallait vraiment qu'on lui impose de revenir à la perte du ballon. Mais comme il était à l'écoute et qu'il voulait progresser, il l'a fait. À tous les niveaux, en National, et maintenant en Ligue des champions...»
*Entraîneur lors de ses débuts au FC Metz (2012-2015).

«C'est très habile de la part de Rudi Garcia qui, avec sa force de persuasion, a réussi à le faire évoluer à un poste où on lui demande de défendre.»

Serge Costa : «Il commence à aimer défendre»
«Quand il est arrivé à Lyon, il a tout de suite essayé de s'intégrer avec (Nabil) Fekir et (Alexandre) Lacazette, ne pas leur marcher sur les pieds, copier leurs qualités et préférences de jeu : essayer de libérer l'axe central pour Fekir qui avait tendance à s'y engouffrer et ouvrir des espaces dans l'intervalle pour Lacazette pour s'intégrer au mieux dans le collectif. Il a des défaillances dans la gestion de la profondeur, dans l'agressivité au duel et dans les choix de centre parce que son jeu c'était plus du un contre un, de la rupture. La réalisation de ses centres n'est pas toujours bonne, mais l'intention est bonne. Il voit les choses. Les stats avancées qui nous intéressent c'est : dans quelle mesure il fait mal dans le duel, dans les 30 derniers mètres adverses et les prises de décision (est-ce qu'il a été tranchant, est-ce qu'il a bien fait ça ou ça) et l'adaptation au poste par un retour vidéo détaillé. Il a une capacité de répétition des efforts. Il est en train de trouver des vraies stratégies de mouvements sans ballon au poste, son stop&start appel-contre appel est très bon, mais il manque d'étincelle, de tranchant dans les derniers mètres. Cette retenue, elle vient d'une volonté de trop bien faire. Il veut respecter le coach et bien faire son boulot. Contre la Juventus, quand on voit la passe qu'il fait à (Houssem) Aouar sur le penalty, on se demande s'il n'aurait pas pu fixer ou déséquilibrer (Juan) Cuadrado. D'ailleurs, on entend Garcia dire : "Allez, vas-y Max", mais il a joué collectif. Il a les jambes, le cerveau et le talent pour apporter plus dans le dernier tiers. Si on arrive à faire ça, il devient un joueur de classe internationale. Il est en train d'aimer défendre, de réagir au contre-pressing, de prendre du plaisir et donc de l'efficacité dans ce domaine, alors qu'avant, c'est lui qui jouait contre les défenseurs. Maintenant qu'il est utile en défense, il devient spécial, à l'image du tacle monstrueux qu'il fait sur (Idrissa) Gueye en finale de Coupe de la Ligue. C'était contrenature au départ et maintenant c'est son ADN.»
*Coach en développement personnel de Cornet jusqu'en janvier 2020.

Philippe Gaillot* : «Il aurait dû être surclassé de deux ans»
«La première fois que je l'ai vu jouer, il devait avoir 9 ans, il faisait des choses qu'à cet âge-là personne ne faisait. Son père venait de déménager sur Metz, il est arrivé à l'école de foot sans recrutement et il a été brillant tout de suite. Je l'ai suivi dans toutes ces catégories, et je pense qu'il aurait dû être surclassé de deux ans parce qu'il était au-dessus physiquement et techniquement. Il jouait sur tout le front de l'attaque, mais il y a eu une saison avec Albert Cartier, sa deuxième en pro, où il avait joué latéral. Il a dû faire des efforts et Albert lui a appris à défendre. Il s'en est plutôt bien sorti. Nous, on a toujours voulu le prolonger, mais lui et son entourage n'ont pas voulu. Donc sa troisième année en Ligue 1 était difficile, on ne pouvait pas lui donner la priorité alors qu'il était en fin de contrat, ç'a perturbé notre façon de travailler avec lui, même si lui a toujours fait le boulot. C'est dommage. Il a toujours cherché à progresser, c'est d'autant plus frustrant. Il a toujours été fort dans sa tête, même quand il était moins en réussite. Rebondir et se remettre à travailler, c'est une constante chez lui. Je me souviens que, souvent, dans les moments clés en jeune, c'était très fréquent qu'il prenne le ballon et fasse l'action décisive sans forcément être le leader. C'est souvent une marque de joueur bâti par le haut niveau.»
*Directeur général adjoint du FC Metz, dans la cellule de recrutement des jeunes à l'époque.

Maxwel Cornet, époque FC Metz. (L.Argueyrolles/L'Equipe)

Régis Dorn* : «Il sait la chance qu'il a d'être ici»
«Dès qu'on s'est rencontrés, on a eu des atomes crochus. Il n'avait pas l'ambition de partir mais plus de progresser lui-même à côté du club. Maxwel est un bourreau de travail, c'est comme une éponge, plus on lui donne, plus il prend. C'est une crème. Il a tout le temps la banane, il prend la vie du bon côté. Il sait toute la chance qu'il a d'être là aujourd'hui. Cela n'a pas toujours été très facile à Lyon avec les supporters mais, comme il dit "on maintient le cap". Son changement de poste, c'est la très bonne surprise. Au départ, ça ne le faisait pas rêver, on en a souvent parlé, mais aujourd'hui, ça lui correspond très bien. Quand il a eu cette prérogative de Rudi Garcia, il a pris la chose à bras le corps en se disant que c'était une manière de s'imposer comme un titulaire. Du coup, Garcia et Juninho l'aiment beaucoup, ils louent son abnégation. City (NDLR : victoire 2-1 en 2018 à Manchester City) c'est un match référence. Celui qui a fait sauter le verrou, il a vu qu'il était capable. C'est un joueur de grand match. Il aime ça, les duels contre les grandes équipes. Il a eu des propositions, des très bonnes propositions, surtout grâce à sa nouvelle polyvalence. Aujourd'hui, de très bons clubs le considèrent comme un joueur d'avenir. Comme tout compétiteur, peut-être qu'il a envie d'aller voir ailleurs, et que ça débouchera peut-être dans plusieurs semaines sur des demandes concrètes, mais on n'en a pas discuté. Il est focalisé sur Lyon et la Ligue des champions.»
*Son agent depuis janvier 2019.

«Il jouait sur tout le front de l'attaque, mais il y a eu une saison avec Albert Cartier, sa deuxième en pro, où il avait joué latéral.»

Marc Wilmots* : «Il rêvait de porter la tunique de la Côte d'Ivoire»
«On avait un recrutement en France avec les Ivoiriens qui voulaient éventuellement jouer pour l'équipe nationale. Maxwel était le premier que le président de la Fédération voulait absolument voir. Je l'ai rencontré à Paris. Il était assez timide, mais aussi bien entouré de ses parents. Et, pour lui, le choix de la Côte d'Ivoire était très clair. On ne joue pas avec les sentiments de l'équipe nationale donc lui était à 100% pour la Côte d'Ivoire même s'il était encore très jeune. C'était sa patrie. C'était difficile en Côte d'Ivoire pour un jeune joueur comme lui puisque c'était la fin d'une grande génération. La sélection était dans une grande restructuration. Niveau intégration, il n'y avait eu aucun problème avec toute une série de jeunes qui étaient venus comme Seko Fofana, Joris Gnagnon... Je crois qu'il rêvait de porter cette tunique. C'est quelqu'un de très joueur. Il aimait bien mettre l'ambiance. D'ailleurs, je me souviendrai toujours de sa danse lors de son baptême en sélection. Son petit pas de danse avait été remarquable. Il a la musique dans la peau. Il apporte beaucoup de joie, beaucoup de vie. Il est extrêmement positif, extrêmement souriant. C'est un joueur qui a énormément de qualités. Avec son repositionnement à Lyon, il connaît une évolution assez remarquable. Il est très généreux pour le collectif, il devient assez complet puisqu'il sait attaquer et défendre. Ce système lui va bien actuellement et ça le met en valeur. C'est un apprentissage dans sa carrière pour effectuer le travail défensif. Il ne lâche rien. Il est constamment positif. S'il n'a pas de blessure, c'est un élément qui peut partir dans le futur dans un club plus huppé.»
*Le sélectionneur de la Côte d'Ivoire qui lui a offert sa première sélection.

«Son changement de poste, c'est la très bonne surprise. Au départ, ça ne le faisait pas rêver.»

Emile Gillet, Théo Troude et Timothé Crépin

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