kone (lamine) (E.Garnier/L'Equipe)

Lamine Koné (Strasbourg) : «Un immense honneur de représenter les victimes»

Avec Strasbourg, il a de l'ambition, et il n'a pas peur de le dire : Lamine Koné revient sur son début de saison du côté de la Meinau. Ému, l'Ivoirien a également accepté de raconter comment il a vécu les terribles événements survenus en Alsace mardi.

«Lamine, vous avez de la chance : le match de votre équipe est le seul qui a été maintenu samedi soir à Reims...
Je ne comprends pas trop pourquoi tous ces matches sont reportés... Est-ce à cause des gilets jaunes ?

Ce sont la plupart du temps des demandes émanant des préfectures.
Oui, c’est ça. Honnêtement, je ne m’y suis pas vraiment intéressé. Je suis resté concentré sur mon club. Nous, on joue... pour l’instant. Il peut toujours y avoir une décision qui tombe. Il y a déjà eu plusieurs rencontres reportées la semaine dernière. Ça continue ce week-end : c’est embêtant pour le calendrier. Et pour certains clubs, enchaîner les matches normalement permet de rester en jambes, de pouvoir entretenir une bonne dynamique. Le fait de couper est un peu difficile, surtout que ça va charger le calendrier en deuxième partie de saison. Mais pour nous, pour le moment, ça va (NDLR : aucun des matches de Strasbourg n’a été reporté). Tous les Alsaciens et toute la France vont nous regarder samedi soir ! C’est l’occasion de montrer de quoi on est capable.
 
La fiche de Lamine Koné

Avec quelle ambition Strasbourg se présente-il à Reims ?
On reste sur une bonne performance à l’extérieur, à Rennes (4-1), j’espère qu’on va maintenir cette dynamique. On y va pour ne pas perdre, et faire, au minimum, un nul. Surtout qu’on ne parvient pas vraiment à prendre des points à domicile. On veut essayer de distancer les autres. Donc si on peut obtenir trois points...

Justement, comment expliquez-vous les difficultés strasbourgeoises à la Meinau (trois victoires, quatre nuls et deux défaites) ?
En début de saison, ça se passait bien, c’était correct. Mais on ne parvient plus à gagner (NDLR : aucune victoire sur les quatre dernières réceptions), on fait une mi-temps sur deux... À part le PSG, contre qui on a réalisé une bonne performance (1-1), on n’a pas su prendre des points face à Nîmes, Toulouse et Caen, des adversaires directs. Il faut espérer que ça reparte face à Nice (19e journée).

Personnellement, comment vous sentez-vous dans cet effectif ?
Très bien ! Au départ, les débuts ont été difficiles car je sortais d’une saison compliquée en Angleterre. J’avais joué mon dernier match à la fin du mois d’avril. Donc j’ai été sans compétition pendant quatre mois, et sans préparation cet été. Revenir à mon niveau a pris du temps, surtout avec une blessure de trois semaines entre-temps. Ça m’a retardé. J’enchaîne les matches depuis mi-octobre et je suis de mieux en mieux. Je monte en puissance. J’espère que ça va continuer en espérant que je ne me blesse pas.

Quel a été votre sentiment de retrouver la France et la Ligue 1 cet été ?
Cela a été un plaisir. C’était une opportunité. Je l’ai saisie. Ma famille et moi sommes contents d’être revenus. Reste à savoir si ce sera sur la durée ou pas. Pour le moment, je suis prêté (NDLR : par Sunderland), on verra ce qu’il se passera à la fin du Championnat.

La Ligue 1 de 2018 est-elle différente de celle que vous aviez quittée en 2016 ?
Oui, elle a changé. La plupart des équipes est renforcée dans beaucoup de secteurs. Ça joue mieux au ballon, c’est plus technique, ça repart davantage de derrière.

«La Ligue 1 joue mieux au ballon, c'est plus technique»

«Je vaux plus que la D3»

Vous êtes restés deux ans et demi en Angleterre. Sur dix, combien avez-vous envie de noter votre expérience outre-Manche ?
Je vais dire six. Cela avait très bien commencé quand je suis arrivé de Lorient. J’ai vécu quatre premiers mois de feu : on était bons derniers, avant de se maintenir. J’ai ensuite joué toute la saison suivante, malgré la descente en Championship. Mais la seconde descente de suite en troisième division gâche tout... Deux relégation consécutives, c’est rare pour un footballeur ou un club. Difficile donc de digérer cela. Le mal est fait. C’est le passé. Mais je ne regrette pas ce passage, même s’il s’est mal terminé.

On imagine que le contexte devait être compliqué à Sunderland, notamment avec les supporters...
D’être descendu en D2 était déjà très tendu, même si on méritait d’être relégué. Au niveau des fans et de la ville, c’est un club mythique qui est resté pas mal de temps en Premier League. Il a une histoire. La descente en League One (D3) a été celle de trop. Les supporters nous tournaient le dos. Je les comprends. Peut-être que les dirigeants auraient également pu faire de meilleurs choix... La responsabilité est partagée entre les joueurs et les dirigeants. Au niveau du moral, même si je continuais à être motivé aux entraînements, ce n’était pas le top.

Fallait-il du coup forcément partir cet été ?
Oui, forcément. Honnêtement, je vaux plus que la D3. Cela aurait été une régression. J’ai eu l’opportunité que plusieurs clubs viennent à moi. Plein de choses ont fait que j’ai choisi Strasbourg : le discours du coach, l’ambiance du stade, je savais que ça jouait au ballon ici, la ville est agréable. Il y avait tout.

Pour un défenseur central comme vous, le plaisir est-il le même si vous évoluez à deux ou à trois dans l’axe ?
Je prends du plaisir peu importe le système. Même si j’ai toujours défendu à quatre, dans un 4-4-2. Je suis habitué à ça donc je m’y sens plus à l’aise. Le système à trois est une découverte, je m’y suis bien adapté.

Jusqu’où peut aller Strasbourg cette saison ? Quelles sont vos envies ?
D’abord, c’est le maintien avant tout. Ensuite, taper dans les dix premiers. Dès qu’on sera assuré d’être maintenu, il faudra tout lâcher et tenter de grappiller le maximum de places.

En juin prochain aura lieu la Coupe d’Afrique des Nations. Une possible sélection avec la Côte d’Ivoire trotte-elle dans votre tête ?
Ça fait un moment que je n’ai pas joué. Ç’a été un peu compliqué sur les deux dernières années. Pour le moment, mon club est le plus important. On verra d’ici juin. À moi d’enchaîner les matches, mais c’est vrai que c’est un objectif de la jouer.

«Je prends du plaisir, peu importe le système»

Strasbourg était en difficulté avec sa défense la saison dernière (seuls Dijon et Metz avaient encaissé plus de buts). Cela va mieux en 2018-19 (8e). Est-ce l’effet Lamine Koné ?
(Il sourit.) Je ne sais pas si c’est l’effet Lamine Koné, mais ce n’est pas que la défense. C’est un collectif sur le terrain. Cette saison, il y a une bonne cohésion défensive, le système a changé, on évolue à cinq derrière. C’est solide. Personnellement, j’essaie d’apporter mon vécu. J’espère que ça va payer jusqu’à la fin de la saison. Il ne faut pas aussi oublier qu’on dispose d’éléments d’expérience comme Stefan Mitrovic ou Pablo Martinez. Avec des latéraux performants qui nous aident énormément.
 
Aux entraînements, avez-vous senti en début de saison que Thierry Laurey, votre entraîneur, insistait beaucoup sur cette défense ?
Oui... Trois défenseurs ont été recrutés au mercato, il y a eu un gros changement à ce niveau. Je pense que c’était une des priorités.
 
 
Strasbourg, comme beaucoup d’équipes de Ligue 1, a choisi un système à trois défenseurs centraux. Ce système semble être très à la mode.
Oui, on voit par exemple que Paris joue désormais comme cela. Chez nous, ça marche très bien. Mais pour évoluer comme ça, il faut forcément avoir les profils pour, comme des latéraux qui ont les poumons pour défendre et attaquer.

«Dès qu'on sera assuré d'être maintenu, il faudra tout lâcher et tenter de grappiller le maximum de places»

«On est vraiment meurtris»

Lamine, mardi soir, la ville de Strasbourg a été tragiquement touché par un attentat. Comment avez-vous vécu ce moment très douloureux ?
Ça fait de la peine pour la ville, les Alsaciens, les Français. Strasbourg est une ville de Noël, de fête. Le monde entier vient voir le marché de Noël. C’est l’identité de la ville, de la région. Ça gâche énormément la fête... On en a parlé entre nous, les joueurs, certains n’étaient pas très loin du lieu où cela s’est produit. On s’est rapidement passé le mot de bien rester à la maison, au chaud. Personnellement, j’habite en périphérie. Mais on a suivi ça de près... On est vraiment meurtris.

Samedi, à Reims, vous aurez forcément une pensée pour la ville. Votre équipe portera d’ailleurs un maillot spécial.
C’est un immense honneur de représenter les victimes. C’est bien que le Racing ait un maillot particulier pour ce match. On sera mobilisés.»

Timothé Crépin