La causerie animée de la finale, le penalty litigieux et la fin du rêve : Episode 5 de notre grand récit de la folle épopée de Calais en 2000
Mai 2000 - Mai 2020 : il y a 20 ans, Calais, modeste club amateur de CFA, atteignait la finale de la Coupe de France, battu sur le fil par Nantes (1-2). Pour une épopée qui a marqué l'histoire et qui est allé bien au-delà du football. Onze joueurs et l'entraîneur retracent ce parcours hors du commun toute cette semaine. Episode 5.
Le casting : Réginald Becque. Cédric Jandau. Mathieu Millien. Jérôme Dutitre. Mickaël Gérard. Benoît Lestavel. Fabrice Baron. Grégory Deswarte. Cédric Schille. Christophe Hogard. Grégory Lefebvre. Ladislas Lozano. FF les a laissés conter leurs souvenirs pour retracer ces moments forts qui ont rendu cette épopée 2000 unique. Après les premiers tours lundi, les deux séances de tirs au but complètement folles mardi, l'ensemble d'une demi-finale extraordinaire mercredi et la préparation animée pour la finale de cette Coupe de France jeudi, place au dernier épisode, avec la finale, la causerie houleuse de la mi-temps, Jacques Chirac et la fin du rêve.
Un rêve éveillé
Ladislas Lozano
«Etre aligné avec l'équipe de Nantes, dans un stade de 80 000 personnes, avec la présentation à Monsieur Chirac... On ne parle pas de n'importe quel stade : le Stade de France. Plein à craquer. Un stade aux couleurs intenses. On vous lance La Marseillaise. Ça, je peux vous dire que pour quelqu'un qui prend un peu de hauteur, qui essaie d'analyser un peu ce qu'il se passe... C'est la seule fois de ma vie où j'ai eu l'occasion d'écouter La Marseillaise en l'honneur de l'événement qu'on allait vivre. C'est fantastique.»
Finale : causerie mortelle ?
«On s'assied dans le vestiaire, contents, parce que tu mènes à la mi-temps d'une finale de Coupe de France contre des pros. Tu te dis : "Punaise, on n'est pas mal quand même !"»
Grégory Deswarte
Fabrice Baron
«On est en finale de Coupe de France, devant 80 000 personnes, le stade est immense, et on gagne 1-0 ! Et Lozano nous ruine.»
«On savait qu'on était dominés dans le jeu, mais pas plus que ça. Les Nantais ne se créent pas plus d'occasions que ça. On n'est pas écrasés. On n'est pas en train de passer totalement au travers. Tout ne pouvait pas être parfait.»
Christophe Hogard
Benoît Lestaval
Cédric Schille
«Lozano enterre mon pote, Greg Lefebvre.»
«Il enterre mon pote, Greg Lefebvre. Il lui dit : "Il y a 78 000 spectateurs, plus un, Greg Lefebvre." Il n'a pas le droit de dire ça. Il dit ça pour faire réagir... Et ça résonne.»
Grégory Lefebvre
Ladislas Lozano
Cédric Schille
«Le coach savait très bien comment on était. Il savait très bien ce qu'il faisait. La preuve, on ne gagne pas le match. Il sentait son équipe en-dedans. Il a voulu nous secouer.»
«C'était sa manière d'intervenir, et qui nous avait été certainement bénéfique à d'autres moments. Mais là, cela a pu paraître un peu déplacé. Après, on était certainement rentrés aux vestiaires avec des étoiles plein les yeux, dans une euphorie. Et certainement qu'il s'en est aperçu et qu'il a voulu faire redescendre tout ça pour nous garder dedans. Mais cela a peut-être été l'effet inverse. Derrière, on rentre mal dans la deuxième période.»
Grégory Lefebvre
Benoît Lestavel
Cédric Jandau
Grégory Lefebvre
Le penalty comme un coup de poignard
«Je suis sur le banc. On se demande ce que l'arbitre siffle. On voit une chute. Je me dis soit il siffle penalty, soit il siffle simulation de (Alain) Caveglia.»
Jérôme Dutitre
Réginald Becque
Benoît Lestavel
«De là où je suis, je vois clairement le plongeon. Même s'il y a faute avant, c'est en dehors de la surface. On sent de l'injustice.»
«Les images, après, font mal. Au ralenti, on sent qu'il y a un peu de... (il coupe) L'arbitre se fait avoir. C'est dur de siffler là.»
Christophe Hogard
Mathieu Millien
Fabrice Baron
Mathieu Millien
«Je pense qu'on dérangeait un petit peu. Cela aurait été dérangeant qu'on fasse la Coupe d'Europe l'année d'après.»
«Il y a quelque chose qui s'arrête d'un coup. Comme si un couperet tombait. Un sentiment de frustration. Comme si on nous coupait l'herbe sous le pied. On ne s'attendait pas à ça. On n'est jamais à l'abri de prendre un but à la fin, mais je me suis vraiment dit qu'on allait en prolongation...»
Benoît Lestavel
Mickaël Gérard
Grégory Lefebvre
Réginald Becque
L'appel de Landreau
Réginald Becque
«Dans ma tête, je n'ai pas l'image du stade. Je ne sais pas si c'est le stress, la tristesse, l'émotion... Elle fait aujourd'hui partie du football français. Je m'étais effondré au coup de sifflet final un peu comme mes collègues : c'était la déception d'avoir perdu, et aussi parce que tout s'arrêtait, c'était fini. Il y avait aussi peut-être un peu de soulagement parce qu'il y avait beaucoup de pression, beaucoup de fatigue. Micka vient me voir et me dit : "Réginald, ne le prend pas mal mais je trouve que ce serait bien que tu viennes soulever la coupe avec moi, pour votre parcours." Forcément, ça surprend. J'en parle avec le coach, je voulais avoir son avis. On se met d'accord. J'y vais. Et je pense que j'ai bien fait. Le football amateur et le football pro regroupés.»
La visite de Jacques Chirac
«Il vient, il nous félicite, il nous dit qu'il n'y a pas un gagnant, il y en a deux.»
Grégory Deswarte
Le long mois entre la demie et la finale
«Jusqu'à la finale, il y a beaucoup de temps. Presque un mois. On est un peu carbonisés. Physiquement et mentalement, parce qu'on était beaucoup, beaucoup sollicités. Le coach avait fait un malaise, il avait dû se reposer dix jours. C'était un peu long.»
Mickaël Gérard
«On était rincés. A chaque match de Championnat, c'était un match de Coupe. Tout le monde voulait se taper du Calais.»
«On avait envie d'arriver rapidement à ce match. Il faut quand même imaginer que la France est championne du monde dans ce stade deux ans avant. Il y a une symbolique. Il y a eu beaucoup de demandes de rendez-vous médiatiques, de rendez-vous avec la population. Cela commençait à être long. On a quand même été protégés. Il y avait une gestion autour de l'équipe. Avec le recul, peut-être qu'on n'en a pas assez profité. On est un peu sur un nuage à ce moment. Et, ensuite, dès que le match est passé, on redescend un peu. Mais cela a fait du bien (Il sourit.).»
Mickaël Gérard
Mathieu Milien
«Une machine qui vous entraîne. Vous êtes bloqués et vous ne pouvez pas vous en sortir. C'était impossible de gérer normalement tout ce qui était proposé. C'était trop long. Trop, trop long.»
Ladislas Lozano
«Quand j'ai eu mon coup de cafard après Bordeaux (NDLR : Il est victime d'un malaise lors des festivités après la demi-finale. Voir épisode 4), mon corps m'a envoyé un signal. Mon corps m'a dit : "Maintenant, tu vas aller te reposer." Cela s'est traduit par une paralysie momentanée mais réelle de la partie droite de mon corps. Mon bras, je ne pouvais plus le bouger. J'ai passé trois jours à l'hôpital à Calais. Monsieur Lamour, le Ministre des Sports me demandent à quelle heure le Président (Jacques Chirac) peut m'appeler. J'étais à l'hôpital (Il rit.). On était dans un rouleau compresseur. On ne pouvait pas se sortir de tout ça. C'est une machine qui vous entraîne. Vous êtes bloqués et vous ne pouvez pas vous en sortir. C'était impossible de gérer normalement tout ce qui était proposé. C'était trop long. Trop, trop long. La performance de mon équipe a été largement impactée par cette longueur. Niveau psychologique, on n'y était plus. Niveau athlétique, on était en descente.»
Une épopée pour Calais
Mickaël Gérard
«La ville s'identifiait à l'équipe. Les gens, les enfants... C'est tout ce bonheur qu'on a pu apporter aux gens grâce au foot. Comme quoi tout est possible dans la vie. Les gens ne l'oublieront jamais.»
Et après...
Cédric Schille
«J'ai vu une interview de Ladislas Lozano qui disait que, quelque part, c'était le monde pro contre le monde amateur. Mais il a raison. Dans le monde amateur, on a fait beaucoup d'envieux et de jaloux et beaucoup n'étaient pas pour nous. Il faut dire ce qui est. On s'en est rendu compte l'année suivante. On avait 38 matches, c'étaient entre guillemets 38 petites finales parce que tout le monde voulait taper le finaliste de la Coupe de France. Et quand je dis taper, c'était parfois taper dans tous les sens. C'est là qu'on s'est rendu compte qu'on avait pas forcément que des amis dans le monde amateur.»
«Il faut qu'on fasse perdurer ça parce que ce qu'on a vécu, c'est unique. Cela ne se reproduira plus jamais, surtout dans les conditions dans lesquelles on l'a fait. On bossait quasiment tous.»
Timothé Crépin Suivre @T_Crepin