(L'Equipe)

L'entretien croisé Mazzola-Tostao : «La Coupe du monde 1970, évidemment la plus belle !»

Cinquante ans après, nous avons réuni, virtuellement, deux des protagonistes de la finale, l'Italien Alessandro Mazzola (77 ans) et le Brésilien Tostao (73) pour leur faire revivre cette Coupe du monde 1970 de rêve. Extraits.

La préparation et l'altitude

Tostao
«On a suivi le plan : trois mois de stage au Brésil, puis vingt et un jours en altitude, au Mexique, à Guadalajara. C'était l'idéal pour nous adapter aux conditions de jeu. On avait aussi axé le travail sur la préparation physique. Après le fiasco de 1966 (NDLR : élimination dès la phase de poules), il fallait rectifier le tir. On s'est entraînés comme si on était à l'armée, avec discipline et rigueur. Coutinho et Parreira, nos préparateurs physiques, étaient aux manettes . Ils nous ont fait souffrir. C'est pour cela que je dis que notre préparation a été révolutionnaire. Pour le Brésil, c'était nouveau d'axer la préparation sur le travail physique. Finalement, on a bien géré l'altitude, mieux que les autres sélections.»

Alessandro Mazzola
«En 1967, j'étais parti en tournée au Mexique avec l'Inter, on avait joué à Toluca à 2 500 m d'altitude et on avait été terrassés physiquement. On courait dix mètres et on était presque contraints de s'arrêter deux, trois minutes pour respirer [...] Lors du dernier match amical (contre le Portugal), quelques jours avant le début du Mondial, je n'étais pas parmi les titulaires. Quand je suis entré en seconde période, j'avais dit à mes coéquipiers de jouer “à la brésilienne”, calmement, un jeu court fait de nombreuses passes. Ils m'ont regardé de façon étrange mais ils ont compris que ça fonctionnait. C'est devenu notre nouveau style. On a alors abandonné le jeu à l'italienne qui se basait sur de longs ballons et de rapides contre-attaques.»

Le rôle au sein du Brésil

Tostao
«Durant cette Coupe du monde, j'étais surtout un attaquant organisateur, celui qui devait faciliter le travail de Pelé et de Jairzinho. Mon rôle n'était pas vraiment d'inscrire des buts. Mais un attaquant ne peut pas rester sans marquer. J'étais donc content de trouver la faille et d'aider mon équipe à se qualifier pour les demi-finales. Aujourd'hui, les gens ne se souviennent pas trop de ces deux buts. Ils me rappellent surtout mes passes contre l'Angleterre (but de Jairzinho) et contre l'Uruguay, qui ont abouti à des buts de Clodoaldo et de Jairzinho.»

Tostao explique comment, en 1970, il s'est mis au service des deux stars offensives du Brésil, ici en photo, Pelé et Jairzinho. (L'Equipe)

Le match du siècle RFA-Italie

Alessandro Mazzola
«Le coach avait instauré l'alternance avec Gianni Rivera. Je jouais la première mi-temps, il disputait la seconde. On a souffert de cela tous les deux. Nous, les Italiens, sommes spéciaux. Quand le Brésil alignait cinq numéros 10, nous n'étions pas capables d'en aligner deux. Je suis sorti à la mi-temps, on menait 1-0 et le match était assez ennuyeux jusqu'à l'égalisation in extremis des Allemands. J'ai ensuite assisté à la folle prolongation depuis le banc. C'était un ascenseur émotionnel, on exultait, puis on se réasseyait, on tremblait. Je n'ai plus jamais vécu un tel match. Le soir, nous étions en extase même si, sur le moment, nous n'avions pas franchement l'impression d'écrire l'histoire.»

Le retour au Brésil et le régime militaire

Tostao
«Moi, j'étais contre la dictature, je l'avais signalé plusieurs fois, publiquement. J'avais conscience que le Brésil vivait un moment terrible de son histoire mais on s'est concentrés sur la Coupe du monde. Pour moi et pour la plupart d'entre nous, c'était notre moment de gloire. Le pic de notre carrière. Au départ, quand on est rentrés au Brésil, je ne voulais pas vraiment aller à Brasilia pour être célébré par le régime militaire. Mais, bon, je me suis rendu compte que j'allais être le seul à ne pas y aller, alors, j'ai reculé. Dans notre esprit, le sport et la politique étaient deux choses séparées.»

Eric Frosio & Valentin Pauluzzi

L'intégralité de l'entretien croisé entre Tostao et Alessandro Mazzola est à retrouver dans le nouveau numéro de France Football. En kiosques ou en version numérique en cliquant ici.