11th August 2018 - Premier League - Huddersfield Town v Chelsea - Chelsea goalkeeper Kepa Arrizabalaga - Photo: Simon Stacpoole / Offside. (Simon Stacpoole/Simon Stacpoole / Offside)

Kepa Arrizabalaga, itinéraire d'un Basque amoureux des oiseaux

Indiscutable avec Chelsea malgré l'accroc avec Sarri en finale de Cup, Kepa Arrizabalaga s'est totalement construit chez lui, en Espagne, et demeure un pur produit de la formation locale. Entre développement, prêts et passion pour les oiseaux, portrait sur les traces du portier basque.

C’est une histoire comme le football en aime tant. Un petit môme du Pays Basque espagnol, d’une famille lambda, et qui parvient, à force de talent et d’entraînements façon forcené, à se faire une place sur l’échiquier mondial du ballon rond. Celui-là, de môme, a grandi près de l’océan, à Ondarroa, petite cité logée à équidistance ou presque de Bilbao, San Sebastian et Vitoria-Gasteiz, les trois places fortes de la région. Là, il se complaît des joies de l’enfance et nourrit ses passions. Une, en particulier, héritée du paternel : les oiseaux chanteurs. Original, paraît-il, mais pas vraiment pour le petit Kepa Arrizabalaga. «Depuis son plus jeune âge, il aide son père à nettoyer les cages et à attraper les oiseaux dans la brousse, raconte la mère, Maria Angeles, pour El Mundo. Il a toujours aimé ça.» Avec Oker, Rocky et Raikkonen - l’histoire ne dit pas si Kepa est fan de Formule 1 -, trois chardonnerets élevés par ses soins, il deviendra même champion de Biscaye des oiseaux chanteurs, en 2008 et 2010. Un caractère de vainqueur, déjà. «Il était ultra-compétitif dès son plus jeune âge, narrait Adrian Salado, président du groupe ornithologique Txori Lagunak. Il contrôlait tout. Le temps, le meilleur moment pour son oiseau, les musiques… Absolument tout !»

Apprécié par Bielsa, couvé par l'Athlétic

C’est une autre passion qui le conduira cependant très haut. Celle des ballons et des gants alors qu’il rejoint en 2003, dès ses neuf ans, l’Athlétic Bilbao. Déjà comme gardien, alors que sa progression souligne une agilité rare, à l’instar de ses réflexes, de sa vitesse et de son jeu au pied. En U14, l’équipe est décimée, Kepa monte comme joueur de champ. Résultat : un doublé. L’unanimité autour de son cas est totale, autant sur le plan du jeu que du comportement. Son ex-coéquipier Mikel San José se souvient : «Il a fait tout son parcours ici, à Bilbao, et c’est quelqu’un avec qui j’ai des rapports depuis qu’il a commencé à s’entraîner avec les pros, à 16 ou 17 ans. On savait qu’il allait devenir un grand gardien, et c’est quelqu’un de très sérieux. De très normal, finalement, dans la vie de tous les jours. Tout le monde l’appréciait à Bilbao. Il est agréable, il s’intègre facilement, ne crée pas de problèmes.» Marcelo Bielsa, alors entraîneur des A, lui offrira ses premières gammes au centre d’entraînement.

Des prêts judicieux

Mais pour un gardien, difficile de gagner en temps de jeu. L’option du prêt s’impose. À 20 ans, direction Ponferradina, pour les six derniers mois de la saison 2014-15. «Nous étions dans un bon moment sportif, le club se battait pour la montée, rappelle le président du club, José Fernandez Nieto. Et l’Athlétic a accepté de nous le prêter. On en est très reconnaissant et à lui aussi d’avoir accepté. Il nous a beaucoup donné, c’était l’un des joueurs les plus importants. On l’a vu progresser à chaque match, et il était clair qu’il serait un crack.» Kepa va y chercher des minutes, la confiance d’un staff conquis et une place de titulaire indiscutable dès son premier match. Là aussi, il mettra tout le monde d’accord.

«Il avait une relation merveilleuse avec ses coéquipiers, se souvient Fernandez Nieto. Humble, sérieux, professionnel : tout le monde l’aimait. Il ne faisait pas de différence dans ses relations, même si le groupe avait bien compris qu’il avait un tout autre niveau. C’est le genre de gamin qu’on a envie d’avoir à la maison.» La nouvelle expérience tourne à la réussite au point qu’en fin de saison, le club n’a besoin que d’un but pour valider la montée. «Aujourd’hui, forcément, on le garde en souvenir, assure le président du club. Il a été le premier international Espoirs jouant ici, et le premier international tout court étant passé à la SD Ponferradina. On garde un maillot de son match avec les Espoirs, qu’il nous a offert, et c’est l’un des objets que les fans aiment le plus quand ils viennent au stade.»

«C'est le genre de gamin qu'on a envie d'avoir à la maison» (José Fernandez Nieto)

Chelsea casse la banque pour lui

Les épaules de Kepa, la vingtaine à peine, ne sont cependant pas encore assez large pour une place à Bilbao. Le Real Valladolid sera ainsi la parfaite terre d’accueil pour un second prêt, avant d’aller récupérer le poste de numéro 1. Et entre Kepa et Bilbao, son club de toujours, l’histoire d’amour sera réussie : 54 matches, 15 clean sheets et les louanges de San Mamès. L’occasion de découvrir la sélection espagnole, face au Costa Rica en novembre 2017, et d’aller titiller le Real Madrid, proche de l’enrôler lors du premier passage sur le banc de Zinédine Zidane. Pas une raison de s’emballer, cependant. «Il a toujours été pareil, qu’il soit jeune ou plus expérimenté, résume Mikel San José. Pareil qu’à Chelsea. Un grand gardien, courageux et avec de la personnalité. Ça l’aide à se développer.»

Avec Chelsea, Kepa remporte le premier trophée majeur de sa carrière : la Ligue Europa. (Firudin Salimov/OFFSIDE/PRESSE/PRESSE SPORTS)

Chelsea paiera finalement 80 millions d’euros, prix de la clause libératoire, sur demande de Maurizio Sarri, demandeur d’un portier à l’aise balle au pied. Liam Twomey, correspondant Chelsea pour ESPN, analyse ses débuts : «Il s’est très bien adapté à Londres. C’est quelqu’un qui apparaît très amical dans le vestiaire, particulièrement avec les Espagnols. Pedro, Azpilicueta, Alonso… Il a rapidement eu une bonne relation avec Willy Caballero, également, le gardien remplaçant qui est aussi espagnol. C’est important. Et il est très apprécié du reste du vestiaire.» Titulaire dès la première journée à Huddersfield, il gagnera aisément ses galons de titulaire et, dans un élan favorable, réalisera quelques parades appréciées, entrecoupées d’erreurs assez vite corrigées.

Dérapage sans conséquence

Seul point noir, et pas des moindres, son “accrochage” avec Maurizio Sarri en finale de Carabao Cup. Alors que l’entraîneur italien souhaite le remplacer pour la séance de tirs aux buts, Kepa est catégorique : il ne sortira pas. S’en suivra de longs pamphlets et quelques moqueries, à une période où les doutes se font encore sentir au sujet du technicien transalpin. «Mais il s’est excusé auprès du coach et de ses coéquipiers, détaille Twomey. Et c’est vraiment la seule chose qu’on peut lui reprocher, c’est tout. Car il a fait ses preuves, s’est adapté à une nouvelle façon de jouer et à une défense toute neuve. Il a fait des erreurs grossières par moments, mais il a très bien réussi sa fin de saison. Il était l’un des meilleurs de Chelsea. Et au club, il y a beaucoup d’espoirs quant à son avenir.» À l’aube de sa deuxième saison londonienne, et avec Frank Lampard à la tête du onze, Kepa nourrit désormais de nouvelles ambitions, lui qui va découvrir la plus belle des compétitions de clubs et la petite musique qui va avec. Et peut-être que, depuis leur Pays Basque, son trio d’oiseaux chanteurs entonnera avec lui le plus célèbre hymne du football. «On a tous notre petit truc… Lui, c’est ça», conclut, sourire aux lèvres, Mikel San José.

Antoine Bourlon