lala (kenny) (L.Argueyrolles/L'Equipe)

Kenny Lala (Strasbourg) : «L'équipe de France, à un moment, on est obligé d'y croire»

Cinq buts, neuf passes décisives en L1 et un statut grandissant dans l'hexagone : Kenny Lala s'était révélé comme jamais avec Strasbourg la saison dernière. Il était même question d'une convocation en équipe de France et d'un départ pour un club plus huppé. Mais l'ancien Lensois est sans convocation et toujours en Alsace. Une situation difficile à gérer comme il l'explique dans une interview franche à France Football.

«Etes-vous d'accord pour dire que Strasbourg a démarré timidement sa saison en Ligue 1 ?
Oui, oui, bien sûr. On ne peut que dire ça. On a dépensé beaucoup d'énergie avec la Coupe d'Europe. Ce n'est pas simple d'enchaîner avec le Championnat. On aurait bien voulu réussir les deux. On n'avait pas l'habitude. On a manqué un peu d'expérience. C'est ce qui a fait qu'on a un peu piétiné en Ligue 1. La Ligue Europa, ç'a presque marché, mais ça n'a pas suffi... Il a fallu relancer la machine. C'est ce qu'on essaie de faire en ce moment.

A-t-il été très dur de digérer l'élimination en Ligue Europa à Francfort (1-0 ; 0-3) ?
Individuellement, on est restés déçus pendant un petit moment. Notamment avec le match aller qu'on avait fait. On s'était dit qu'on avait toutes nos chances pour le retour. C'était le demi-finaliste de la saison dernière. Et tout était possible. On a donné le maximum. La déception a duré un peu plus d'un ou deux jours. Ce sont des matches qu'on rêve de jouer en commençant le foot. C'était beau à jouer. Je savais que c'était un truc que je voulais toucher dans ma vie. Mais c'est vrai que, personnellement, le retour à Francfort a été dur à encaisser. On se bat pour ce genre de matches, pour pouvoir rêver. Mais le Championnat nous a permis de penser à autre chose. Et comme toute épreuve, il faut savoir encaisser et repartir de l'avant.

«Il y a vraiment eu une offre concrète au mercato»

À quel point cette campagne de Ligue Europa a puisé dans les énergies du groupe ?
Il y avait un peu de tout, dont de l'excitation. Il fallait savoir gérer tout ça. On a repris avant tous les autres clubs. On a joué les matches amicaux plus tôt. Avec six matches de plus en compétition. Ce n'était pas facile. En début de saison, contre Metz (1-1, 1re journée) et contre Reims (0-0, 2e journée), ça s'est vu. On avait bien commencé. Et même si on essayait de tout donner, c'était compliqué en deuxième période puisqu'ils ont poussé, poussé. En fin de rencontre, c'était un peu plus dur de tenir.

Personnellement, comment s'est passé votre été ? On a été presque surpris de vous voir rester en Alsace...
Un été compliqué sur le plan personnel. Je sortais d'une belle saison, je pensais pouvoir aller plus haut. C'était compliqué d'attendre comme ça. C'était la première fois que je me retrouvais dans cette situation. Je suis toujours arrivé libre dans mes clubs, que ce soit de Valenciennes à Lens ou de Lens à Strasbourg. Là, c'était autre chose. Le plus dur à gérer, c'est tout ce qu'il y a autour. Il faut savoir faire abstraction. Au final, je l'ai pris comme une épreuve. Je me dis que tout ce qui m'arrive aujourd'hui, c'est Dieu qui l'a décidé. Si je suis toujours là, c'est que je le mérite. Et c'est qu'il faut que je sois plus fort pour aller plus haut. Il faut bien le prendre, tout simplement, pour avancer.

Avez-vous eu des propositions concrètes pour partir ?
Je ne voulais pas entendre tout ce qui se disait. J'avais dit à mon agent que je ne voulais être au courant que dès lors que les discussions étaient entamées. Il y a vraiment eu une offre concrète. J'avais donné mon feu vert. Donc c'était ensuite aux deux clubs de se mettre d'accord. Chose qui ne s'est pas faite.

Quel est ce club qui avait formulé une offre concrète ?
La Fiorentina.

Le Rémois Rémi Oudin racontait récemment sur Francefootball.fr que la Fiorentina n'avait pas été très élégante à son égard pour un possible transfert. C'était également le cas avec vous ?
Je ne sais pas. Je ne connais pas tout des discussions. De ce que je sais, les clubs ont parlé et cela ne s'est pas fait. Mais cela ne s'est pas passé comme avec Oudin. Moi, j'étais chez moi, tranquillement.

A-t-il été simple d'accepter cette situation et de se remobiliser pour Strasbourg ?
Pour être franc, non, ce n'est pas simple. Quand je regarde mon parcours, je me demande si le train va passer une deuxième fois. La saison dernière me permettait peut-être de voir, entre guillemets, plus grand. Ça n'a pas été le cas. Maintenant, il faut récidiver. La difficulté est là, mais elle va me faire progresser pour être encore plus fort.

«Quand je regarde mon parcours, je me demande si le train va passer une deuxième fois.»

Lors de sa folle saison dernière, Kenny Lala (à gauche sur la photo) avait notamment remporté la Coupe de la Ligue avec Strasbourg au bout de la séance de tirs au but. (P.Lahalle/L'Equipe)

Que vous manque-t-il aujourd'hui pour atteindre les Bleus ?
Je ne sais pas... Il faut tout simplement travailler plus, montrer plus. Prouver que je peux y arriver. Mais je ne me focalise pas dessus. Je sais que ce sont les performances, le fait de savoir être régulier, qui peuvent m'emmener au haut niveau. Aujourd'hui, il y a une belle génération qui est là, donc c'est dur de la bousculer. Il faut savoir charbonner, et on verra ce que cela donnera à la fin. Il ne faut pas finir avec des regrets.

Actuellement, il n'y a pas de titulaire vraiment indiscutable chez les Bleus. D'où le fait d'avoir cité votre nom ces derniers mois...
Oui, mais le sélectionneur fait ses choix. Il connaît bien son équipe. Et ça marche très bien, ils enchaînent les victoires. Ceux qui jouent sont très bons. Et moi, avec mon début de Championnat, je ne peux pas attendre et me dire que ça va arriver. Je suis conscient que mes performances doivent redevenir ce qu'elles étaient. Elles sont insuffisantes de mon point de vue, même si je suis dur avec moi-même. J'ai du mal à être satisfait. Je sais que je peux faire mieux. Je n'attends pas qu'on me le dise. Ces derniers temps, je ne suis pas content de mes performances, même si je commence à remonter sur les derniers matches. L'objectif est de retrouver le niveau le plus rapidement possible.

Pourquoi est-ce aussi compliqué pour vous ?
Franchement, je ne sais pas... Il y a un peu de tout. Il faut savoir gérer et ne pas se laisser atteindre. Toujours donner le maximum. Ça arrive à tout le monde d'avoir des trous. Le tout est de savoir comment les gérer, comment corriger. C'est ce que je dois faire.

Vous sentez-vous plus surveillé cette saison ?
Oui, clairement. Quand je vois les matches, je suis tout de suite pris en deux contre un. Des fois, même des joueurs adverses me disent : "Aujourd'hui, on va te fermer." Quand on a fait une saison comme la mienne, il faut s'attendre à ce que les adversaires travaillent sur ça. C'est pour ça que je dis que je dois corriger, pour être plus performant.

C'est intéressant aussi pour progresser...
Exactement. Une fois que je vais avoir géré ça, cela sera un peu mieux. Je ne sais pas si j'arriverais à atteindre l'excellence. Mais c'est l'objectif que j'ai.»

«Je ne veux pas que ça s'arrête là»

La saison dernière, on parlait beaucoup de vos performances, d'une possible convocation en équipe de France : comment avez-vous vécu tout ça ?
C'était une belle saison. La plus concrète de ma carrière. Ç'a montré que mon évolution a payé. Pendant toute ma carrière, je n'ai pas voulu sauter d'étape. Et de voir jusqu'où cela m'a mené... C'est beau. Mais je ne veux pas que ça s'arrête là, tout simplement. Mais sinon, c'est quelque chose que j'ai super bien vécu. Ça faisait tout simplement plaisir... de se faire plaisir sur le terrain et de voir le travail qui paye. Ça récompense mon travail. C'est ce qui m'a fait le plus plaisir.

Avez-vous cru à l'équipe de France ?
Oui, bien sûr. À un moment, on est obligé d'y croire. Je ne me fixe pas de limites. J'ai des objectifs. Après, l'objectif équipe de France n'a jamais été le principal dans ma carrière. Mais si je n'y arrive pas, c'est que cela ne devait pas se faire. Je pars toujours du principe que je donne le maximum, mais il ne faut pas qu'il y ait de regrets à la fin.

Avez-vous reçu une pré-convocation ?
Oui, cela m'est arrivé.

«Ça arrive à tout le monde d'avoir des trous. Le tout est de savoir comment les gérer, comment corriger.»

Timothé Crépin