Même à Madrid, Karim Benzema a souvent été remis en cause. (P.Lahalle/L'Equipe)

Karim Benzema au Real, le procès permanent en légitimité

Après un hiver difficile, Karim Benzema fait face à de nouvelles critiques. Rien de nouveau pour lui. A chaque baisse de régime depuis son arrivée à Madrid, en 2009, il doit prouver qu'il est à sa place.

Karim Benzema a beau être entré dans l'histoire à Madrid. Avec 179 réalisations, il est le 8e buteur de l'histoire et pourrait dépasser Paco Gento (181). Mais sa place sur le front de l'attaque du Real n'a jamais semblé une évidence.

Alors que s'ouvre un printemps chargé avec dès ce mercredi le quart de finale aller de Ligue des champions à Munich, le Français, qui joue sa huitième saison en Espagne, est encore contesté. Au début du mois, lors d'un débat comme savent les mettre en scène les chaînes espagnoles, un chroniqueur de Direct TV l'a qualifié de «plus grosse blague» des dernières années.

Cette sortie renvoie aux critiques réapparues au cœur de l'hiver, quand le Français a passé sept matches de Liga sans marquer. Pêle-mêle, lui étaient reprochées des statistiques en retrait, une implication insuffisante dans le collectif, une entente moins cordiale avec Cristiano Ronaldo, qui joue désormais plus proche du but... Rien de que de très récurrent, en fait.

Kakà, Mourinho, et bien d'autres...

En 2011 déjà, alors qu'il peinait à s'imposer et que José Mourinho maniait la carotte et le bâton pour le faire réagir, son coéquipier Kakà pointait la différence entre le «grand joueur avec une technique incroyable» qu'il voyait à l'entraînement et celui qui, en match, avait «des moments où il n'est plus dans la rencontre et laisse la sensation qu'il pourrait faire un peu plus».

En 2014, dans un début de saison post-Coupe du monde moyen (trois buts en six matches de Liga pour un Real seulement 5e après sept journée), il avait dû se défendre de ne pas être un chasseur de but. Il y a bien d'autres exemples et la France n'a pas été en reste, qui l'a accablé pour ses 1200 minutes sans but en Bleu en 2012-2013. En mars 2013, avant un France – Espagne, Sergio Ramos avait dû se faire avocat : «Mettre en cause un joueur comme Benzema, c'est de la folie (...) Quand il est bien, il y a peu de joueurs qui peuvent atteindre son niveau.»

Ainsi perdure ce procès en légitimité. Résiste-t-il à l'observation des chiffres, principal argument de ses contempteurs ? Rien n'est moins sûr. Le Français n'a pas à rougir face aux autres grands n°9 du Real. Son ratio de but/minutes est meilleur que celui de Raul ou Morientes, équivalent à celui de Ronaldo (le Brésilien).

En outre, si Benzema a traversé des périodes de disette, elles n'ont jamais été très longues, à une exception, la fin de saison 2014-15 (un but en 13 matches toutes compétitions confondues). Et souvent, il a compensé en étant passeur ou en marquant en Ligue des champions, une fidèle planche de salut : il est le cinquième meilleur buteur de l'histoire avec 51 réalisations, dont 39 sous le maillot du Real.

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Douze des 39 buts de Benzema avec le Real en C1 ont été inscrits à partir des 8es de finale.

Cette saison, toutefois, la critique paraît avoir davantage de fondements. D'abord parce qu'il est dans sa moins bonne saison en nombre de buts et de passes décisives alors que le Real est leader de Liga.

Ensuite parce que sa participation au jeu est plus aléatoire. Le replacement de Cristiano Ronaldo et ses propres manques d'efforts l'illustrent. En Liga, son nombre de passes par match (22) est le plus faible depuis six ans, de même que son taux de passes clés (1,3 par match) - celles qui amènent une occasion nette.

Enfin parce qu'il passe pour le chouchou de Zinédine Zidane, au détriment d'Alvaro Morata, rapatrié l'été dernier pour 30 millions d'euros et dont le temps de jeu est nettement moindre. L'Espagnol avait été buteur à Bernabeu face à la Real Sociedad, fin janvier, après avoir remplacé un Benzema accompagné d'intenses sifflets.

Benzema remplacé par Morata, contre Bilbao. Une image familière à Madrid. (David S. Bustamante/CORDON/PRE/PRESSE SPORTS)

Quelques jours auparavant, 88% des lecteurs ayant répondu à un sondage sur le site du quotidien AS disaient souhaiter voir le Français sur le banc... Et El Mundo Deportivo rapportait en début d'année que Morata et Asensio s'étaient plaints du traitement de faveur accordé à Benzema.

Zidane, lui, continue de préférer l'ex-Lyonnais, titulaire 29 fois contre 15 à Morata qui, selon certains observateurs, s'accommoderait mieux des déplacements de Cristiano. Mais si l'Espagnol a presque autant marqué que son concurrent, il le fait plus souvent quand cela compte peu.

16/17
Karim Benzema a marqué ou donné une passe décisive dans 17 matches cette saison. A 16 reprises, son geste a été décisif (obtention du nul ou victoire).

Neuf des 20 buts ou passes décisives de Morata ont seulement alourdi le score (de 3-1 à 5-1 contre le Legia Varsovie, 5e but du 5-2 contre Osasuna, 6e but du 6-1 contre le Bétis, pour exemples), alors qu'une seule fois, un but de Benzema n'a rien changé, si ce n'est dans la gestion d'un match (celui du 2-0 contre l'Espanyol, en Liga). A 16 reprises sur 17 matches dans lesquels il a marqué ou « assisté », Benzema a été décisif sur le score ; pour Morata, c'est huit sur 15.

Le dernier but important de Benzema fut celui de l'ouverture du score contre Alavès, en Liga. Un club dont l'ancien attaquant Javi Moreno a dit récemment à Goal.com : «Pour moi, Benzema est le meilleur joueur du Real. C'est comme le Messi du Real (...) Je pense que celui qui critique Benzema ne connaît rien au football ou a une dent contre lui.» La comparaison est sans doute exagérée mais elle dit beaucoup des excès que doivent déployer les défenseurs du Français.