yanga mbiwa (mapou) sambia (junior) (N. Luttiau/L'Equipe)

Junior Sambia (Montpellier), itinéraire d'un déterminé recalé par le centre de formation de Lyon

Junior Sambia, jeune milieu de terrain de Montpellier, a connu un parcours sinueux. Recalé du centre de formation de l'OL à quinze ans, il a emprunté d'autres chemins et est parvenu à s'imposer au plus haut niveau à force d'abnégation. FF.fr a retracé le parcours du milieu de terrain, de l'UF Mâcon au stade de la Mosson.

Ce 20 janvier, la Mosson est à la fête. Et pour cause, le MHSC revient de loin : après avoir concédé l'ouverture du score contre Toulouse, les hommes de Michel Der Zakarian sont allés arracher un succès précieux au bout du temps additionnel (2-1). Dans les escaliers de la tribune Etang de Thau, au sortir des travées de la butte Paillade, le nom de Junior Sambia est sur toutes les lèvres. Le jeune milieu (21 ans) a égalisé pour le MHSC et a livré une prestation remarquée de bout en bout. «Il s'est imposé comme le leader offensif de notre milieu de terrain, explique Paul, assidu du stade de la Mosson. Ce n'est que mon avis mais c'est un titulaire indispensable. Il a cette faculté à être toujours à 100%.» La carrière de celui qui est arrivé sur les bords de la Méditerranée l'été dernier n'a pourtant rien d'un long fleuve tranquille. Débarqué du centre de formation de Lyon à 15 ans, le néo-Montpelliérain a dû puiser dans une détermination sans faille pour atteindre le haut niveau...

Il était une fois Mâcon...

Et pour démarrer son ascension, rien de tel qu'un coup de pouce du destin. Dans la région lyonnaise, plusieurs clubs sont à l'affût des recalés du centre de formation de l'OL Les postulants y sont nombreux, les places y sont chères, et il n'est pas rare qu'un talent passe à travers les mailles du filet. L'Union Football Mâconnais, qui s'est spécialisé dans le repêchage des gros poissons ayant échoué à intégrer la formation française, Antoine Griezmann en tête, offre sa chance au tout jeune Junior Sambia. «Notre entraîneur de l'époque avait un réseau sur Lyon pour faire venir pas mal de joueurs», relate Valentin Bizel, ancien coéquipier de Sambia au club. «On a tout de suite vu des qualités techniques, moins physiques à l'époque car il n'était pas encore l'homme qu'il est devenu aujourd'hui», se souvient quant à lui Jérémy Chavany, l'entraîneur des U17 nationaux de Mâcon.

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Lors de la première année, le nouvel arrivant joue peu et doit ronger son frein. Physiquement, il n'est pas encore prêt pour le niveau national. Malgré tout, le jeune joueur, unanimement décrit par ses anciens entraîneurs comme un garçon à l'écoute et bosseur, garde la tête froide. «Lors du dernier match de la saison - un déplacement à Pontarlier -, il nous fallait faire au moins match nul pour nous maintenir. Ce jour-là, je ne l'avais même pas fait entrer en jeu alors que j'ai l'habitude de donner du temps à mes trois remplaçants. Je m'en suis un peu voulu et j'avais peur que ça altère son enthousiasme, raconte Jérémy Chavany. Mais il est revenu hyper motivé la saison suivante, il a fait une grosse préparation et a marqué l'unique but lors de la première rencontre face à Saint-Priest

Famille modeste, polyvalence et jeu à gratter

Issu d'une famille modeste de neuf enfants, Junior Sambia se débrouille seul pour faire les trois ou quatre allers-retours par semaine entre Mâcon et Lyon, où il est scolarisé. «Ils étaient quelques-uns dans ce cas-là mais c'est le seul qui ne s'est jamais plaint de devoir venir tôt en train et rentrer tard le soir», se souvient Valentin Bizel. Son ancien coéquipier dépeint un garçon sans histoires, avec beaucoup d'humour. «Peut-être pas introverti mais assez secret, rappelle Régis Brouard, son entraîneur au Chamois Niortais quelques années plus tard. Le dernier message qu'il m'a envoyé, c'était pour me rappeler que je lui devais un jeu à gratter (rires). On avait fait un pari et je l'avais perdu

A l'UF Mâcon, Sambia prend une nouvelle dimension. Il enchaîne les matches et se montre régulièrement décisif, que ce soit dans le milieu à trois, en 10 ou même en temps que second attaquant. Son échec au centre de formation de Lyon ne semble pas avoir cassé son élan et le jeune joueur nourrit toujours l'ambition de passer professionnel. «L'OL, ça ne l'a pas plus marqué que ça, croit savoir Régis Brouard. Bon, il y avait peut-être le côté fierté car il vient de là-bas, il y a sa famille, ses amis. Il garde souvent les choses au fond de lui. Mais sur l'aspect football, je ne suis pas sûr que ça l'ait traumatisé. Il a vite compris qu'il fallait passer par un autre cursus.» «Il était tellement sûr de lui, tellement sûr de réussir, ajoute Valentin Bizet. Je me souviens d'un déplacement assez compliqué, notre entraîneur nous avait dit que seuls certains joueurs pouvaient faire la différence sur ce genre de match. Et Junior avait mis deux ou trois buts pour débloquer la situation

Le jeune Sambia fait d'énormes sacrifices, comme l'explique Jérémy Chavany. Mais sa détermination marque les esprits de tous ceux qui ont croisé sa route. Ou presque... A la fin de la deuxième saison, alors que les U17 doivent affronter Evian Thonon Gaillard – encore un club professionnel à l'époque -, Sambia est convoqué avec la réserve de l'équipe senior. Mais le milieu de terrain, qui n'a alors qu'en tête de se montrer devant le club savoyard, refuse la promotion. «L'entraîneur de la réserve lui dit : ''Tu refuses de venir jouer avec nous mais qu'est-ce que tu crois ? A 17 ans, tu ne finiras jamais pro...'', l'air de dire que c'était trop tard, rembobine Jérémy Chavany. Quelques années plus tard, j'ai toujours cette petite phrase en tête (rires).»

L'entraîneur de la réserve lui dit : «tu refuses de venir jouer avec nous mais qu'est-ce que tu crois ? A 17 ans, tu ne finiras jamais pro», l'air de dire que c'était trop tard...

Au terme de l'exercice, Nantes et Saint-Etienne, mais aussi Newcastle, qui apprécie sa polyvalence et son profil «box to box» au milieu, sont sur les rangs. Le jeune Junior mûrit sa réflexion et opte finalement pour Montpellier, «un bon club formateur, l'endroit idéal pour franchir un palier», déclarait l'intéressé sur le site officiel du MHSC. «Il n'a même pas eu à demander de partir, c'était une suite logique. Il faisait partie des très bons joueurs de Ligue 2 depuis deux saisons», confie Denis Renaud. Dans l'Hérault, il retrouve son poste de prédilection dans le cœur du jeu, en milieu relayeur, voire en numéro 10. «Ce n'est pas une mauvaise idée de le faire jouer à ce poste car il a un gros volume de jeu et sait se mettre facilement en position de frappe, décrypte Régis Brouard. De toute façon, la dernière fois que j'ai eu Bruno Carotti (NDLR : le directeur sportif du MHSC) au téléphone, je lui ai dis ''quand il va rentrer dans l'équipe, il n'en ressortira plus''.» Force est de constater que l'actuel entraîneur du Red Star avait raison : depuis fin novembre, Sambia, qui a déjà inscrit trois buts et délivré quatre passes décisives cette saison, enchaîne les titularisations. A l'heure de retrouver Lyon en Coupe de France ce mercredi (1-2), le natif du Rhône avait sûrement à coeur de rappeler à son club formateur ce qu'il avait raté en le laissant filer...

Il ne faudra que quelques mois pour faire mentir l'entraîneur de la réserve. Alors que des clubs comme Dijon, Nancy ou Troyes n'ont pas donné suite aux prestations de Sambia, l'abnégation du natif de Lyon finit par payer du côté de Niort, club de Ligue 2. «Preuve de sa détermination, il avait acheté son billet de train tout seul pour aller faire son essai à Niort, ce qui avait dû lui coûter excessivement cher», rappelle son entraîneur mâconnais. Une fois dans les Deux-Sèvres, Sambia passe un an avec les jeunes avant d'être lancé dans le grand bain le 12 septembre 2014 par Régis Brouard, aujourd'hui entraîneur du Red Star. «Ce qu'il produisait sur le terrain m'a convaincu, confie l'ancien coach des Chamois. On avait tellement de monde au milieu qu'il jouait latéral droit. Il était naturellement porté vers l'offensive et avait une bonne qualité de centre.» A l'entraînement, Sambia ne compte pas les heures. Il passe du temps avec le coach des gardiens et les portiers pour travailler ses frappes et ses coups de pied arrêtés. «Il a une frappe de balle d'un très bon niveau, confirme Denis Renaud, son entraîneur à Niort lors de l'exercice 2016/17. Mais il a aussi une grande faculté pour répéter les efforts tout en ayant un véritable rayonnement.» Le néo-latéral dispute trente-sept matches pour trois buts et quatre passes décisives. A seulement 20 ans, il est un des joueurs les plus utilisés de l'effectif niortais et ne rate qu'une seule rencontre de toute la saison.

La dernière fois que j'ai eu Bruno Carotti au téléphone, je lui ai dis «quand il va rentrer dans l'équipe, il n'en ressortira plus»

Antonin Deslandes