Soccer Football - FA Cup Fourth Round - Brentford v Leicester City - Griffin Park, Brentford, Britain - January 25, 2020 Brentford's Julian Jeanvier in action with Leicester City's Kelechi Iheanacho REUTERS/Dylan Martinez (Reuters)

Julian Jeanvier : «Parfois, on se croirait presque sur l'application Instagram !»

A 27 ans, l'ancien défenseur central du Stade de Reims s'éclate en Championship sous les couleurs du Brentford FC. Il nous a reçu chez lui à Ealing, dans la banlieue ouest de Londres, pour évoquer le fonctionnement particulier de son club et l'importance que ses dirigeants accordent aux détails et aux data.

«Cela fait maintenant 18 mois que vous évoluez en Championship, vous ne regrettez pas votre choix ?
J'ai signé ici pour 4 ans et pour l'instant je ne regrette pas du tout, non. Depuis que je suis arrivé ici, je prends vraiment du plaisir. J'aime l'intensité qui règne dans ce Championnat.

Elle vous a surpris, cette intensité ?
Un peu ! En France, ce n'est pas que j'étais tranquille mais disons que c'était plus... tactique. J'avais le temps de faire les choses. Ici, c'est tout pour l'attaque. Les attaquants kiffent mais nous on souffre un peu, parfois.

«J'ai également été surpris par la mentalité des mecs : ici, tu n'as que des bosseurs.»

Comment s'adapte-t-on au rythme ?
En étant prêt physiquement. Quand tu es bien de ce côté-là, tu prends énormément de plaisir. Vous avez-vu l'attitude des gardiens, hier soir (NDLR : l'entretien a été réalisé au lendemain de la réception de Nottingham Forrest par Brentford, défaite 0-1 des Bees) ? Ils relancent systématiquement rapidement pour tenter d'exploiter les brèches. C'est super plaisant.

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C'est la principale différence avec la France ?
C'est l'une des principales différences, oui, même si j'ai également été surpris par la mentalité des mecs : ici tu n'as que des bosseurs. Et tu n'as également que des gens accueillants. Je me suis senti comme chez moi dès les premiers jours.

Julian Jeanvier avant l'entraînement, le jeudi 6 février dernier. (Brentford Football Club)

A votre arrivée, vous avez également dû être surpris par le nombre de membres du staff, non ?
C'est le moins qu'on puisse dire ! A titre d'exemple, on a par exemple quelqu'un qui est là pour aider ceux qui ont des difficultés à s'endormir tôt ou à bien dormir. On a également un membre du staff qui bosse exclusivement sur les coups de pied arrêtés et on a vu ce que ça a donné la saison dernière (NDLR : Brentford était devenu l'une des meilleures équipes dans l'exercice en Angleterre, toutes divisions confondues)...

Hier soir, c'était moins bien. C'est lié au départ de votre ancien entraîneur spécifique pour Manchester City ?
Ce n'est en tout cas pas un hasard si Nicolas (Jover) est parti rejoindre Pep Guardiola ! Certaines de ses combinaisons sont d'ailleurs toujours en place, mais le problème c'est que nos adversaires commencent à nous cerner. Et si vous avez été attentif, vous avez bien dû voir que toutes les positions étaient parfaitement respectées. Mais tout ça tient à des détails, alors les soirs où le timing est un peu moins bon...

«A trente minutes du coup d'envoi, tu as systématiquement un des analystes qui vient te montrer un montage sur ton adversaire direct.»

Rien ne semble en tout cas être laissé au hasard par votre staff...
L'un des meilleurs exemples, ce sont les vidéos d'avant match ! A trente minutes du coup d'envoi, tu as systématiquement un des analystes qui vient te montrer un montage sur ton adversaire direct. Tu peux y voir ce que celui-ci aime faire ou non, là où il est le plus à l'aise et, inversement, ce qu'il a l'habitude de moins bien réaliser. Le tout pour te montrer comment tu peux le mettre en difficulté. En Championship tu as 46 matches dans la saison donc je peux te dire que les mecs bossent...

Même chose au sein du département des statistiques, a priori...
Même chose, oui. Le coach s'appuie d'ailleurs beaucoup sur les analystes du club. Le staff et les dirigeants se basent sur certaines données, sur la manière dont celles-ci évoluent au fil des matches et des entraînements et si on n'a pas de résultats mais que les chiffres récoltés sont bons, ils se disent que cela va finir par revenir. Regardez le match d'hier, ça se joue sur un coup de dé mais on ne méritait pas de perdre. Les dirigeants et le coach étaient donc positifs dans le vestiaire.

Julian Jeanvier et un supporters des Bees, aux abords de Griffin Park, le 25 janvier dernier. (Brentford Football Club)

Paradoxalement, le centre d'entraînement ainsi que le stade et ses vestiaires sont assez vétustes...
C'est vrai. Mais à côté de ça, lorsqu'on joue trois fois par semaine, tu as un camion de cryothérapie qui vient, par exemple. On a également une salle en ville dans laquelle on fait toute la partie récupération, les étirements, les bains chauds et froids. Ici, c'est normal. Tout est fait pour que l'on soit dans les meilleures dispositions le jour du match.

Et puis le nouveau stade arrive...
Ça veut bien dire que le club progresse, d'année en année. Le club a bien senti que si l'on ne montait pas cette année, ça devrait se faire dans les prochaines années. Tout est bien réfléchi.

«Les dirigeants de Brentford m'ont supervisé plus de vingt-fois lors de ma dernière saison à Reims !»

Ce sont tous ces éléments qui permettent d'attirer autant de talents dans un club de Championship ?
C'est sûr que le club a désormais une bonne réputation, ça compte. Le fait d'être à Londres joue aussi. Il faut demander à Josh (Da Silva) qui a effectué toute sa formation à Arsenal ! Il n'a pas hésité à signer car il savait qu'il trouverait ici de bonnes conditions pour franchir les paliers.

Et vous, qu'est-ce qui vous a donné envie de tenter l'aventure Brentford ?
Déjà, il faut savoir que les dirigeants d'ici m'ont supervisé plus de vingt-fois lors de ma dernière saison à Reims ! Ils sont ensuite entrés en contact avec mes agents. Ils leur ont fait part de leur volonté de me recruter. Au début, je vous dis la vérité, je n'étais pas trop emballé par le Championship et tout ça. Surtout qu'on allait monter en Ligue 1 avec le Stade ! Mais quand ils sont venus chez moi me montrer le projet, j'ai kiffé ! Ils m'ont tout détaillé et ça a énormément compté.

Qui vous a expliqué la nature du projet ?
A l'époque, j'avais eu Dean Smith, notre ancien coach, qui est désormais à Aston Villa, deux fois par FaceTime. On a ensuite discuté ici, en présence des directeurs sportifs. J'ai visité les installations avant d'échanger une dernière fois avec le coach et puis c'était parti.

Julian Jeanvier à la lutte avec Ayoze Perez, le 25 janvier dernier. (Reuters)

Vous avez été surpris quand ils vous ont annoncé que le club ne possédait plus de centre de formation ?
Un peu mais je trouve surtout ça intelligent vu que le club se faisait prendre ses meilleurs joueurs. Ce sont des économies que tu vas pouvoir investir ailleurs, dans d'autres joueurs d'avenir. Puis il y a quand même pas mal de mecs de la «B team» (NDLR : la réserve du club, reliquat de l'académie, composée de joueurs âgés de 17 à 21 ans) qui s'entraînent régulièrement avec nous et qui signent pro donc cela veut bien dire que ça marche.

Et entendre parler de statistiques tous les jours, ce n'est pas trop usant ?
Honnêtement ce sont eux qui s'en servent beaucoup mais ils essaient de ne pas trop nous prendre la tête avec ça. Même si on a quand même des réunions le matin, avant les entraînements, et là ils nous sortent pas mal de chiffres (rires). Et tu as également un écran géant dans cette salle, avec le nombre de passes réussies dans la moitié de terrain adverse, la qualité des occasions que l'on se procure, etc... On se croirait presque sur l'application Instagram, tu vois ! Mais ça va, ce n'est pas quelque chose qui nous déplaît. Et ça fonctionne plutôt bien (sourire).»

Thymoté Pinon , à Londres