ikone (jonathan) (A.Reau/L'Equipe)

Jonathan Ikoné, dix de coeur

Épatant dans ses percussions et ses éliminations sous le maillot lillois, Jonathan Ikoné retrouve le Paris Saint-Germain ce dimanche. Son club formateur qu'il a tenu à fuir pour grandir et s'épanouir en numéro dix.

On connaissait le "one-season wonder", ce sobriquet peu reluisant donné aux joueurs qui performent seulement une saison sur l'ensemble de leur carrière, avant de s'éclipser. Avec leurs minots, le Paris-SG a inventé le “one-summer wonder”. Timothy Weah en 2018, Jean-Kévin Augustin en 2015, Jean-Christophe Bahebeck en 2014, Hervin Ongenda en 2013... Autant de joueurs qui ont témoigné de jolies prédispositions en préparation estivale mais qui ont rapidement été rangés au placard, au profit de stars achetées à prix d'or. Formé dans le club de la capitale, Jonathan Ikoné, vingt ans, a connu la même musique en 2016. Deux buts contre le Real Madrid et Leicester City durant l'été, puis seulement quatre petits bouts de matches de Ligue 1 et un prêt en janvier 2017 à Montpellier. Mais, si certains se sont perdus en route, comme Hervin Ongenda au FC Botosani en Roumanie, le natif de Bondy a continué sa marche en avant et étalé l'étendue de ses capacités avec le LOSC, pour sa première saison complète en Championnat.

La fiche de Jonathan Ikoné

Certes, il fait moins de bruit que ses compères de la BIP-BIP, Nicolas Pépé et Jonathan Bamba. Mais le talentueux francilien s'est rendu indispensable dans le onze lillois. «C'est un diamant brut qui demande encore à être poli. Il ne faut pas oublier qu'il a trois ans de moins que ses compagnons d'attaque», souligne François Rodrigues, son coach des U17 au N2 au PSG, pas surpris de l'enchaînement des bonnes prestations de son ancien protégé. En 2248 minutes jouées répartis sur 31 matches (27 titularisations), Jonathan Ikoné a planté deux buts mais a surtout réalisé cinq passes décisives en 2018-19.

«Il ne faut pas oublier qu'il a trois ans de moins que ses compagnons d'attaque» (François Rodrigues)

Une inconstance qui n'empêche pas la Juventus de sortir le chéquier à la fin de la saison. Mais, jurisprudence Kingsley Coman oblige, le PSG montre les dents et fait signer son petit prodige pour trois ans... Pour six mois véritablement, Jonathan Ikoné étant prêté à Montpellier dès janvier 2017. «Il a dû ressentir un pincement au coeur quand il est parti de Paris. Mais Jonathan est plein d'insouciance. Cela lui a permis de vite tourner la page et de rebondir sur un autre projet», assure François Rodrigues.

En terres héraultaises, ce n'est pas encore l'explosion (seulement trois buts en une saison et demi) mais Jonathan Ikoné court, passe, dribble, bref joue au football sur les rectangles verts de Ligue 1. «Ça m'a fait du bien. C'est mieux que de rester en N2 avec le PSG. J'ai gagné en expérience, en physique, mais également en maturité», estimait l'international Espoirs pour FF en juillet 2018. C'était l'objectif principal pour lui, loin de la capitale. En attendant son moment.

Un palmarès bien garni chez les jeunes

Une confirmation logique de ses aptitudes décelées très tôt. «Sa capacité d'élimination, ses feintes de corps, son jeu de contre-pied, ses changements de rythme, il était déjà redoutable dans ces domaines», se souvient Jean Claude Giuntini, son sélectionneur en équipe de France U17 et U19. Sous les ordres de l'entraîneur corse de la FFF, le Séquano-Dionysien remporte le Championnat d'Europe U17 en 2015 avec notamment une réalisation en quarts de finale face à l'Italie. Une performance qu'il pourrait réitérer avec Sylvain Ripoll, en juin, cette fois lors de l'Euro Espoirs en Italie pour étoffer un palmarès déjà bien garni dans les catégories jeunes. Champion de France U19 avec le PSG, le petit milieu offensif (1,75m) participe également à la finale de la Youth League perdue face à Chelsea. Son coach d'alors, François Rodrigues, actuel directeur du centre de formation du Havre, se remémore : «À cette époque, Jonathan explosait les défenses mais uniquement par fulgurance. Il manquait de continuité dans son activité.»

«À Montpellier, j'ai gagné en expérience, en physique, mais également en maturité» (Jonathan Ikoné)

Avec Ikoné, c'est vertical, pas encore létal

Le tournant pourrait bien être ce 2 juillet 2018 et ce transfert à Lille. Son arrivée dans le Nord et son repositionnement dans le coeur du jeu, en numéro dix, après des piges pas toujours appréciées dans les couloirs montpelliérains lui font franchir un palier. Celui de la régularité. Celui du volume de jeu. Et surtout, celui de la responsabilité du jeu. Un rôle de meneur technique pleinement assumé par celui qu'on surnomme Jorko. «Il grandit sur un plan tactique, il possède cette capacité à casser des lignes, à jouer dans la verticalité, considérait en conférence de presse le 13 mars dernier son coach lillois, Christophe Galtier, qui souhaite, néanmoins, voir son talent parfois plus tueur que beau joueur. Il a énormément progressé et possède encore une marge importante. Elle se situe notamment devant le but, dans sa capacité à marquer.»

François Rodrigues ne le contredira pas : «Il faut qu'il perfectionne sa finition et qu'il améliore ses statistiques. Après, il peut rapidement basculer dans un club du top 10 européen.» Son autre ex-entraîneur, Jean Claude Giuntini, sait que le Dogue n'est pas du genre à se reposer sur ses lauriers : «Il est le prototype du joueur qui était attendu très jeune. Mais il a réussi à digérer des paliers et a su prendre conscience qu'il avait encore des axes de progression.» S'il venait à faire trembler les filets face au club de la capitale, ce dimanche soir, Jonathan Ikoné montrerait surtout au Paris Saint-Germain qu'il est plus que le joueur d'un été...

Augustin Audouin