moulin (jessy) (F. Porcu/L'Equipe)

Jessy Moulin (Saint-Etienne) enfin dans la lumière

Fidèle à l'ASSE, Jessy Moulin n'a pourtant connu que le rôle de numéro 2 chez les Verts. Face à l'OL, il profitera de la blessure de Stéphane Ruffier pour disputer le deuxième derby de sa carrière. Une récompense pour un joueur à la mentalité irréprochable.

Jessy Moulin est l’une des personnalités les plus attachantes de notre Championnat. Fidèle à son club de toujours, l’ASSE, à tel point qu’il accepte de ne jouer que de manière épisodique (seulement 25 rencontres avec son club formateur en plus de 10 ans au club). Ce qui n’entache pas sa bonne humeur et son professionnalisme, qui font de lui un des cadres du vestiaire stéphanois depuis plusieurs années. Jérémie Janot, qui l’a connu à ses débuts en professionnel (Moulin a signé en professionnel chez les Verts en 2008, Janot a quitté le club en 2012), évoque un joueur «foufou, déjà à l’époque. C’est moi qui lui ai trouvé son surnom "looping", comme le personnage le plus fou dans l’agence tous risques. Un jour, je ne sais pas pourquoi, je l’ai appelé looping, et c’est resté, et je trouve que ça lui va bien. Mais c’était un bon gardien, déjà, attention ! Avec de vraies qualités athlétiques et techniques». Des qualités qui ne lui ont pourtant pas permis de réussir à s’exporter hors du Forez, malgré plusieurs prêts en Ligue 2 pour s’aguerrir (à Arles-Avignon puis Clermont).

Dans l'ombre de Janot puis Ruffier

De retour à l’ASSE, Moulin reprend pourtant espoir. Selon Janot, son statut est alors amené à changer. «Sur la fin, je pensais qu’il allait me prendre la place, car je commençais à décliner. L’idée de Christophe Galtier, c’était que moi je parte numéro un, mais la concurrence était ouverte pour Jessy. Une semaine après, le club avait opportunité de faire venir Stéphane Ruffier. J’ai envie de dire que ça a plus coupé les ailes à Jessy qu’à moi, qui avais 35 ans». Pour Alain Blachon, ancien adjoint de Christophe Galtier dans le Forez, la bascule s’est bien faite à ce moment. «Je pense que son échec à Clermont l’a refroidi. Il y a eu des périodes dures pour lui, où il s’est posé beaucoup de questions. Entre Janot qui ne se blessait jamais et Stéphane Ruffier qui est un monstre, Jessy Moulin n’a pas eu de chance, et a fini par accepter son rôle de doublure». Sans polluer le vestiaire, et sans mettre sa situation personnelle avant les ambitions du club. Un caractère qui en fait le numéro 2 idéal, selon son ancien entraineur adjoint : «C’est un garçon jovial, très positif, et surtout un combattant. Mais pas quelqu’un qui va mettre une concurrence malsaine. Au contraire, il va plutôt faire de l’émulation positive, soutenir le numéro 1. C’est à la fois essentiel pour l’entraineur d’avoir ce confort, mais aussi pour le gardien en place». 

Une victoire face à l'OL comme déclic

Patient, Jessy Moulin a finalement eu l’occasion de briller. Stéphane Ruffier n’étant pas un cyborg, il a parfois laissé sa place dans les cages stéphanoises. A vingt petites reprises depuis 2012, pour être précis. Pas facile de répondre présent quand on joue si peu : Alain Blachon l’a ainsi senti «trop stressé, un peu timide» sur les premiers matches où on a fait appel à lui. Comme face à Lorient un soir de décembre 2016, quand il avait récolté un carton rouge après avoir fauché Benjamin Moukandjo qui filait au but. Mais, malgré ce contretemps, il a finalement pu enchaîner les matches. Avec en point d’orgue son premier derby, le 5 février 2017. Une prestation quasi-parfaite, pour une victoire 2-0. «Un souvenir inoubliable. Je rêvais de le vivre, et je l'ai réalisé», avait ainsi déclaré le joueur formé à l’ASSE après la rencontre. Une rencontre qui ressemble à un déclic, selon Alain Blachon : «Depuis ce match, à chaque fois qu’il a fallu faire appel à lui, il a fait des performances de très haut niveau. Et pour un joueur qui a eu si peu sa chance depuis toutes ces années, c’est un vrai exploit». Face à Nîmes la semaine dernière, Moulin a fait très fort : huit arrêts au total, pour la première victoire stéphanoise depuis sept rencontres.

De quoi attirer les regards extérieurs, et vivre enfin une expérience réussie en dehors de Sainté ? Pour Jérémie Janot, il en a en tout cas clairement les moyens. «Des sollicitations, il va en avoir. Je l’ai vu encore torse nu après le match de Nîmes, physiquement c’est quelqu’un qui s’entretient, il a encore de belles années devant lui. Après, est-ce qu’il veut tenter un challenge pour la dernière partie de sa carrière, un peu comme Remy Vercoutre l’avait fait ? Il ferait en tout cas le bonheur de beaucoup de clubs en tant que numéro un». Pas sûr pourtant qu’à 33 ans il veuille tenter une nouvelle aventure. Jessy Moulin fonctionne à l’affect, et est très attaché à son club de toujours, avec lequel il est en train de vivre l’une des plus belles pages de sa carrière. Face à Lyon ce dimanche soir, c’est encore lui qui protégera les cages stéphanoises. Avant de retrouver l’anonymat du banc...

Antoine Malosse