pied (jeremy) (L.Argueyrolles/L'Equipe)

Jérémy Pied (Lille) : «Dans le football, tout va très vite, et dans les deux sens»

Son aventure difficile à Southampton terminée, Jérémy Pied a retrouvé la Ligue 1 l'été dernier avec Lille, et se retrouve aujourd'hui deuxième du classement. Pour FF.fr, l'ancien Niçois a accepté de faire un large tour d'horizon.

«Après deux saisons quelque peu compliquées à Southampton, vous avez rejoint Lille cet été. Etait-ce une priorité de retrouver la Ligue 1 ?
Une priorité non, mais c’était la meilleure décision par rapport à mon passage en Angleterre. C’était la solution la plus rapide et la plus efficace pour moi.

Mais le fait de retrouver la France, un Championnat que vous connaissez et qui vous connaît, ça doit avoir quelque chose de rassurant…
Forcément, même si j’ai confiance en mes qualités. Mais un club étranger qui ne connaît pas encore son effectif, ou son futur entraîneur, ça semblait compliqué, surtout que je n’avais que très peu joué depuis deux ans. Là, j’avais déjà eu des discussions avec Christophe Galtier deux ans auparavant, quand j’avais quitté Nice. Et quand il m’a rappelé cet été, c’est devenu une évidence.

Aviez-vous d’autres pistes ?
Oui, il y en avait d’autres. Mais soit elles sont arrivées trop tôt dans le mercato, soit elles étaient trop floues. J’ai ensuite eu la chance de recevoir ce coup de fil de Christophe Galtier, qui m’a expliqué son projet, ce qu’il comptait faire de moi. Sa confiance était intacte, il connaissait mes qualités, ce que je pouvais apporter à l’équipe. Ça a fait la différence.

La fiche de Jérémy Pied

La fin de saison difficile du LOSC ne vous a pas fait peur ?
Non, je me suis décidé très vite. Le club avait arraché son maintien en toute fin de saison mais le LOSC reste un club très structuré depuis de nombreuses années, une référence en Ligue 1.

Au final, vous retrouvez le devant de la scène avec Lille. Que ressentez-vous ?
De la fierté, bien sûr, mais aussi de la joie. Comme quoi, dans le football, tout va très vite, et dans les deux sens. Dans une carrière, on peut avoir des moments plus difficiles que d’autres, tout le monde en a, dans n’importe quelle équipe et n’importe quel sport. Mais quand on s’accroche, qu’on se donne toujours à 100%, ça finit généralement par payer.

Vous venez d’enchaîner plusieurs matches de Ligue 1. Comment vous êtes-vous senti physiquement ?
Bien. Quand on a regardé les statistiques, j’étais celui qui avait couru le plus. Donc physiquement ça allait. Après, j’avoue que pour mon premier match, contre Amiens (sa première titularisation en Ligue 1, après être entré en jeu à trois reprises en Championnat), les dix premières minutes et les dix dernières ont été difficiles. Il fallait se fondre dans le moule, dans l’équipe, et au final je pense m’en être pas mal sorti. Le plus important c’était le résultat, de gagner les matches, et c’est ce qu’on a réussi à faire. Maintenant, il faut continuer.

Comment Christophe Galtier a-t-il géré votre retour ?
Je n’avais pas fait la présaison avec l’équipe, donc j’ai fait du mieux que j’ai pu de mon côté pour bien me préparer, même si ça ne remplace pas le travail collectif, les matches amicaux, les exercices avec d’autres joueurs. Ensuite, j’ai eu un petit problème avec l’homologation de mon contrat. Et à partir du moment où j’étais prêt, j’ai eu une petite blessure qui m’a empêché de jouer dans une période où on jouait tous les trois jours. Ça m’a embêté mais mon histoire avec le LOSC a commencé comme ça. Comme toujours, je ne retiens pas le négatif.

Vous avez le sentiment d’avoir loupé un peu le bon wagon quand même à ce moment précis ?
C’est le football. Il faut se battre, et accepter quand l’équipe tourne plutôt bien. C’est ce qui s’est passé, il y a un onze qui s’est dégagé, et ma philosophie n’est pas d’aller me plaindre de quoi que ce soit, mais plutôt de continuer à travailler et saisir ma chance quand elle se présente pour montrer au coach qu’il peut compter sur moi. Quand ça a été le cas, j’ai réussi à être décisif (2 passes décisives en 9 matches de L1 cette saison). C’est le petit truc en plus qui fait du bien au moral.

Quelles sont d’après vous les clés de la réussite lilloise ?
Notre unité, notre bloc. On a une équipe très jeune, très à l’écoute. Et puis on a le bon état d’esprit. On essaie toujours de gagner les matches, mais quand on est un peu plus en difficulté, on ne lâche rien et ça se voit. Individuellement, il y a forcément des qualités qui ressortent, mais collectivement, on est tous très minutieux. On essaie d’effacer le maximum de détails qui peuvent nous poser problème pendant un match.

«Dans une carrière, on peut avoir des moments plus difficiles que d'autres, tout le monde en a, dans n'importe quelle équipe et n'importe quel sport. Mais quand on s'accroche, qu'on se donne toujours à 100%, ça finit généralement par payer».

«Pépé a toujours envie de plus»

Finalement, vous avez fait le bon choix, puisque vous pourriez jouer la Ligue des champions la saison prochaine…
Rien n’est acquis, il reste beaucoup de matches à jouer et de points à prendre. On verra bien...

Avec cinq points d'avance sur le troisième et dix sur le quatrième, vous ne pouvez plus vous cacher. Lille vise clairement le podium, non ?
On ne s'est jamais cachés du fait qu'on jouait le haut de tableau. Notre équipe est jeune, déterminée, avec beaucoup d'humilité pour ne pas confondre confiance et arrogance. Evidemment, on préfère avoir ces points d'avance et non de retard sur nos concurrents, mais des confrontations directes nous attendent. C'est pourquoi on veut et on doit garder notre rythme en vue du sprint final. Finalement, notre meilleure pression pour avancer, c'est nous-mêmes !

Vous êtes en concurrence avec le jeune Celik, qui a tout d’un petit phénomène. Comment le décririez-vous ?
Il est très à l’écoute aussi. Il écoute les remarques, les prend en compte et travaille dessus. Il ne comprend pas bien le français, comme d’autres joueurs, parce qu’il y a beaucoup de nationalités différentes dans l’équipe. Mais on essaie de parler football. Zeki, il est jeune, il a une grosse marge de progression, mais il a déjà réussi à être décisif. C’est un super joueur.

Et Nicolas Pépé ?
Statistiquement, il est hors-normes. C’est la tête d’affiche de notre équipe. J’ai connu un peu la même chose à Nice avec Hatem Ben Arfa, qui arrivait parfois à nous sortir de situations très compliquées. Nicolas a réussi à être décisif mais il ne se repose pas sur ce qu’il a pu faire depuis le début de saison, il a toujours envie de plus. C’est aussi ce qui pousse les autres joueurs sur le terrain à se dépasser à chaque fois.

Est-ce le plus grand talent brut avec lequel vous avez joué ?
C’est difficile à dire. En talent brut, j’en ai connu des phénomènes, comme Hatem Ben Arfa, Sofiane Boufal… Mais Nicolas fait partie des tout meilleurs, oui.
 
Que vous reste-t-il aujourd’hui de votre aventure anglaise ?
Je parle un peu anglais, c’est déjà pas mal (il sourit). Mais j’ai découvert une autre culture, les stades anglais, l’ambiance, et j’ai pu voir le fonctionnement d’un club de Premier League, qui est un peu différent de ce qui se passe en France. Et puis ma fille est née en Angleterre.

En quoi est-ce différent ?
Sur plusieurs choses. Par exemple, les centres d’entraînement ne sont jamais ouverts à personne. Les joueurs font beaucoup plus de rab à l’entraînement, c’est quelque chose de fréquent, de régulier. Ce n’est pas exactement la même chose, à plusieurs niveaux.

Vous ne gardez donc que du positif. Même pas une petite pointe d’amertume ?
Il faut bien distinguer mes deux années là-bas. La première saison, j’ai très peu joué à cause d’une grosse blessure (ligaments croisés du genou gauche). La deuxième, je n’ai jamais été dans les plans de Pellegrino (qui a remplacé Puel à l’été 2017). Lui ne comptait pas du tout sur moi. Il m’a donné une fois ma chance, j’ai fait un très bon match, avec une passe décisive, mais ça n’a pas suffi pour lui. Je n’en ai jamais eu d’autre. Avec Pellegrino, je savais toute la semaine que je ne serais pas dans le groupe le week-end suivant. Je lui ai dit ce que j’avais à lui dire en face. Mais je savais que ça faisait partie d’une carrière. Ça arrive qu’un coach ne vous fasse pas confiance. Ça m’est arrivé à moi et ça arrivera à d’autres joueurs. J’ai continué de m’entraîner le plus sérieusement, même si je savais que ça ne changerait rien.

Si c’était à refaire, vous iriez quand même à Southampton ?
Oui, sans aucune hésitation.

Vous êtes sous contrat avec Lille jusqu’en 2020. A 30 ans, comment voyez-vous votre avenir ?
Je n’en ai aucune idée. Pour être honnête, depuis mon passage à Guingamp (2014-15), pas un mercato d'été n'a été de tout repos pour moi entre mes fins de contrats et les changements d'entraîneurs. J'évite de me poser trop de questions, j'ai juste envie de donner le meilleur quand on fait appel à moi et d'avoir un comportement irréprochable sur et en-dehors du terrain. Tout ce qui compte, c’est que Lille termine le plus haut possible.

Si l’aventure à Lille devait s’arrêter un jour, vous pourriez tenter une nouvelle expérience à l’étranger ?
Bien sûr. Je n’ai pas du tout peur de l’étranger, même si aujourd’hui la question ne se pose pas.»

Bruno Rodrigues