rongier (valentin) (V.Michel/L'Equipe)

Interview de Valentin Rongier (Nantes) : «On sait tous que je ne vaux pas 45 millions d'euros»

Après un début de saison compliqué, le FC Nantes respire mieux. Pour FF.fr, Valentin Rongier, le capitaine des Canaris, est revenu sur le renouveau nantais, son changement de poste, ses nouvelles responsabilités, mais aussi ses ambitions.

«Avec trois victoires de suite, deux en Championnat et une en Coupe de la Ligue, la saison de Nantes est-elle lancée pour de bon ?
Depuis le changement de coach (NDLR : Cardoso pour Halilhodzic), on a des résultats : trois victoires en quatre matches. C’est plus que ce qu’on avait fait avant en début de saison. Mais il ne faut pas se relâcher. Il faut prendre l’habitude de vouloir gagner, être des compétiteurs. Notre saison est lancée mais elle peut vite redevenir banale si on s’enflamme et on se relâche. Gagner contre Toulouse et Amiens était le minimum qu’on pouvait faire, même si ce n’était pas tâche facile. Là, si on ne concrétise pas avec des victoires contre Guingamp et Angers, tout ce qu’on a fait n’aura servi à rien. Même si on est sortis de la zone rouge, on est très proche du bas du classement et il ne faut pas y retourner, car les conditions de travail sont bien meilleures quand on enchaîne les victoires. Le match d’Amiens, on ne l’aurait pas gagné il y a deux mois. On l’a remporté dans la douleur et ça m’a fait penser à la méthode du coach Ranieri l’année dernière. Si on est capable de varier notre jeu et de prendre les points même quand on souffre, c’est bon pour la suite.
 
Au niveau des statistiques, on ressort surtout Emiliano Sala et Gabriel Boschilia en ce moment. Mais vous avez également élevé votre niveau de jeu ces dernières semaines. Comment l’expliquez-vous ?
Déjà, j’ai changé de poste. Avec Cardoso je jouais en dix, derrière l’attaquant. J’étais souvent dos au jeu à prendre des charges. Même si j’essaie de m’adapter, j’aime bien avoir le jeu face à moi. Ce n’est pas encore totalement le cas parce que je joue en relayeur, mais je reçois quand même plus de ballons face au jeu et ça me permet de l’orienter et de le distribuer plus facilement. Je suis donc plus en vue, mais c’est vrai aussi que toute l’équipe enchaîne les bons matches, tout le monde est concentré. Je pense que c’est parti du match de Lyon (NDLR : 1-1, le 29 septembre) avec l’ancien coach. On avait fait une vraie performance collective, on avait été solidaire, on avait attaqué et bien défendu, même si notre gardien avait sauvé un penalty. C’est la continuité. C’est vrai que Gabi et Emiliano sont en feu en ce moment, mais c’est un travail de toute l’équipe aussi. Emiliano est là pour finir. C’est très important d’avoir un joueur comme ça dans une équipe, mais si autour on ne met pas le mouvement qu’il faut, il ne met pas son triplé contre Toulouse, donc il faut féliciter l’équipe.

Le match nul ramené de Lyon, un moment important de la saison nantaise selon Rongier. (S.Boue/L'Equipe)

«À partir du moment où tu peux te regarder dans la glace»

Vous parliez de votre position sur le terrain, qui a beaucoup changé ces derniers-temps. Où êtes-vous vraiment le plus à l’aise ?
Ma position préférée, c’est quand on joue en 4-4-2, qu’il y a deux six et que je fais partie de ces deux-là. Dans cette positon, je me retrouve très souvent face au jeu et je me sens très à l’aise. Je peux orienter, distribuer, casser des lignes par une conduite ou une passe. Après, en 4-3-3, si je suis dans les deux milieux plus hauts, ça ne me dérange pas non plus car j’aime bien attaquer et distribuer plus haut. Mais en dix, même si j’ai joué comme ça souvent avec Ranieri et Cardoso, je ne m’y sens pas à mon aise. Mais si le coach me réutilise à ce poste-là, bien sûr que je vais donner le meilleur de moi-même. Mais je n’y suis pas épanoui parce que je n’arrive pas à bonifier les ballons que je reçois, et d’autre part parce que je suis moins performant donc ça m’énerve sur le plan personnel.

Il y a eu une promotion cette année pour vous, avec le brassard de capitaine. C’est plutôt une récompense ou une vraie responsabilité en plus, surtout après le début de saison compliqué ?
C’est une récompense, une responsabilité, une fierté… Mais je n’ai pas pris le début de saison pour moi. Même si je suis capitaine, j’ai toujours tout donné sur le terrain. À partir du moment où tu peux te regarder dans la glace et te dire "Tu donnes tout, tu n’as rien à te reprocher", je pense que c’est le plus important. C’était l’équipe, tout, qui n’allait pas. On n’avait pas de réussite. C’est vrai que c’est plus difficile d’être capitaine quand la situation est compliquée, parce qu’il faut trouver les mots, essayer d’encourager, de maintenir le groupe en place, et c’est une tâche un peu plus compliquée. Mais ça fait partie du job. On m’a confié cette responsabilité et je l’assume entièrement. J’essaie de faire du mieux que je peux. J’ai la chance d’être un enfant du club donc les gens me respectent par rapport à ça. J’essaye d’utiliser cette crédibilité pour rendre mes propos un peu plus valables, mais je reste à ma place. Je suis capitaine mais on est tous des leaders.

La fiche de Valentin Rongier
 
Vous dites que vous donnez tout sur le terrain. Justement, une statistique sortie par la LFP en octobre indiquait que vous êtes le joueur de Ligue 1 qui court le plus. D’où vient cette générosité dans l’effort ?
J’ai toujours joué comme ça depuis que je suis petit. À mon poste, on n’est pas performant si on ne court pas beaucoup. Après, il y a courir et courir… Tu peux courir tout doucement tout le match et tu ne seras pas performant. Il faut courir intelligemment. Si tu ne fais pas des efforts à haute intensité, tu n’existes pas. Je pense que j’ai une capacité naturelle à pouvoir répéter les efforts et courir longtemps, ce qui me permet de couvrir une bonne partie du terrain. J’essaie toujours de faire mieux. On se rend compte que, à Amiens par exemple, je suis le joueur de mon équipe qui a couru le plus, mais ce n’est pas pour autant que j’ai fait un bon match. Il faut donc que je tente de gérer mes efforts parce que parfois ça me coûte un peu de lucidité et de qualité dans mon jeu.

«C'est vrai que c'est plus difficile d'être capitaine quand la situation est compliquée, parce qu'il faut trouver les mots, essayer d'encourager, de maintenir le groupe en place, et c'est une tâche un peu plus compliquée.»

«Même dans notre vie privée on se sent un peu mieux»

À titre personnel, vous avez connu Sergio Conceiçao, Claudio Ranieri, Miguel Cardoso et maintenant Vahid Halilhodzic : que de fortes personnalités ! Que vous ont apporté ces coaches ?
Plein de choses différentes ! S’ils ont des caractères assez forts, ils avaient tous des qualités différentes qui nous ont permis à nous les joueurs d’apprendre de nouveaux systèmes, de nouvelles façons de jouer, de regarder le foot un peu différemment. Je trouve ça intéressant de pouvoir découvrir divers entraîneurs et diverses personnes pour pouvoir progresser constamment.
 
Avec ce nouveau changement d’entraîneur, qu’est-ce qui vous plaît en particulier ?
Pour être honnête, le jeu pratiqué avec Cardoso me plaisait bien ! C’est quelqu’un qui aime redoubler les passes et toujours ressortir proprement. Après, en Ligue 1, ce n’est pas toujours possible de faire ça. On n’a pas réussi à s’adapter tout le temps. Moi, je préfère gagner, même en subissant un petit peu comme contre Amiens, plutôt que de super bien jouer et de perdre les matches. Maintenant qu’on est lancés, il faut qu’on continue comme ça. Je suis quelqu’un qui déteste perdre. C’est vrai que je vivais plutôt mal le début de saison. On était dans la charrette, on n’arrivait pas à gagner. Parfois on jouait bien mais on n’y arrivait pas. C’était vachement énervant. Le fait de gagner à nouveau, de prendre du plaisir, c’est que du bonheur, car même dans notre vie privée on se sent un peu mieux.

«J'aimerais bien voir de quoi je suis capable à un niveau au-dessus»

Vous avez connu un été quelque peu mouvementé, avec des intérêts annoncés de Lyon et Marseille notamment. Le président Kita a beaucoup parlé aussi, fixant un prix de 45 millions d’euros. Était-ce perturbant ?
Forcément ça perturbe un petit peu, dans le sens où tu te demandes ce que tu vas faire. Tu ne sais pas si tu vas rester ou pas. Après, on connaît notre président… En disant 45 millions, c’était surtout pour me mettre en valeur. On sait tous que je ne vaux pas 45 millions, mais j’espère qu’un jour je pourrais dire "Je vaux 45 millions". Mais le problème n’est pas là. Je me sens bien à Nantes, la saison est lancée maintenant et je me concentre pleinement sur mes objectifs avec le club. Quand c’est l’été, c’est la période des transferts et ça fait partie du job. On est forcément amené à réfléchir à son avenir, à prendre des décisions. Ce sera encore le cas l’été prochain et les autres années.
 
Vous vivez actuellement votre cinquième saison en Ligue 1, la troisième comme titulaire. Quels sont vos prochains objectifs ?
J’ai envie d’aller le plus loin possible. J’aimerais bien voir de quoi je suis capable à un niveau au-dessus, pour me tester et savoir si je peux prétendre à jouer plus haut ou si je resterai un joueur de Ligue 1 plutôt classique. Ça me permettra de voir un petit peu mieux mon avenir. Maintenant, je ne me précipite pas et je ne prends pas de décisions hâtives pour faire n’importe quoi. Mais je n’ai pas de limites. Il y aura forcément des paliers à franchir pour atteindre le plus haut niveau, et j’essaye de travailler tous les jours pour atteindre ce niveau-là.»

Propos recueillis par Florent Le Marquis